lundi 15 décembre 2025

Les lutins de Brocéliande

 

 



Dans la forêt légendaire de Brocéliande, des lutins se décidèrent à passer à l’action pour sauvegarder cet endroit mythique et le préserver d’une destruction inévitable.

Feux de forêt, souvent d’origine incendiaire, symbolisés par l’arbre d’or, chêne calciné recouvert de feuilles d’or par un artiste qui souhaitait pérenniser la forêt, petites parcelles entretenues avec plus ou moins de soin par des propriétaires peu enclins à considérer l’aura légendaire de leur bien, afflux de touristes parfois peu délicats, le paroxysme consistant en un bain pris en plein jour dans la fontaine de Barenton , haut lieu sacré qui vit la rencontre de la fée Viviane et de l’enchanteur Merlin, par une écervelée prête à braver les interdits tacites, à la mode celtique, tous ces événements fâcheux dévastateurs à de multiples degrés furent les détonateurs de cette réunion, un soir, au clair de lune, de toutes les personnalités féeriques encore présentes dans la forêt, à commencer par les lutins qui étaient les plus nombreux.

Céleste, la petite fée qui était reconnue pour être une parfaite organisatrice, avait préparé un banquet digne des réunions de solstice d’été, à l’abri d’une tente de style médiéval avec la modernité d’un laboratoire culinaire adjacent pour mettre en œuvre des mets et préparations du terroir.

Pas de vin mais du cidre ainsi que des jus de fruits aideraient les esprits à se délier.

«  J’espère qu’il y aura tout de même un peu d’hydromel en fin de banquet » dit un lutin qui était féru de cette boisson quasi divine.

Céleste accepta cette entorse à ses principes, d’autant plus volontiers qu’elle n’était pas insensible au charme de Séverin, le lutin amateur d’hydromel.

Elle prépara de la pâte à galettes et aux crêpes et fit graisser les galétières qui seraient actionnées en temps voulu pour que les galettes soient servies chaudes et moelleuses à souhait, garnies de fromage, d’œufs et d’andouille de Guémené ou de viande séchée.

Des fromages en provenance d’un monastère voisin assortis de confitures artisanales et de pâtes de fruits du verger formeraient l’essentiel du dessert, des plats sucrés sous forme de crèmes au caramel et de millefeuilles pâtissiers formant le ban.

Satisfaite par l’organisation de tous ces préparatifs, Céleste mit ensuite l’accent sur la décoration de la table.

Des ornements floraux formant l’essentiel esthétique, la vaisselle provenant de Quimper, parachevant l’harmonie celtique du lieu destiné en avant-première à la réflexion furent le point d’orgue de la beauté singulière de la terre de légende.

Or, lorsqu’ils virent la jolie table de fête qui leur était destinée, les lutins et personnalités féeriques de haut vol, suggérèrent qu’ils pourraient cumuler la réflexion et le déroulé du repas qui semblait être de bon augure.

Céleste céda à cet empressement, secrètement flattée par ce désir de savourer ses préparations.

Une brigade de petites fées et de lutins s’affaira pour que l’enchaînement du repas soit parfait.

Une consigne fut donnée notamment au sujet du cidre qui serait servi avec parcimonie pour que les penseurs et les débatteurs gardent toute leur lucidité.

Des amuse-bouche furent servis en toute hâte et on laissa les langues se délier.

Il fut décidé par l’assemblée que l’on mettrait les propriétaires face à leurs responsabilités en leur envoyant des rêves évoquant le triste état des parcelles avec les incendiaires en embuscade.

Des rondes seraient organisées dans la forêt pour sensibiliser les touristes à la beauté légendaire de Brocéliande et l’on choisit des conteurs de qualité pour éviter que les dérives du bain dans la fontaine ne se reproduisent plus.

Une tournée de cervoise Lancelot clôtura cette avancée dans le projet du sauvetage de la forêt et Céleste donna le signal du lancement de la cuisson des galettes pour que chaque convive soit servi avec célérité.

Un barde donna un concert à la fin du repas et l’on se sépara en félicitant Céleste et tous les participants au festin, cuisiniers et serveurs qui avaient donné de leur personne pour assurer l’excellence de la réunion festive.

Des pièces d’or circulèrent à la ronde et chaque lutin se jura d’observer une rigoureuse assistance pour que perdure la plus belle des forêts puisqu’elle abritait en plusieurs lieux, les souvenirs de la légende

.

 

Adieu Lycée !

 

 

 


De même que Mamie, en changeant de tenue, modifiait son humeur et modulait sa pensée, de même Poucette en décrochant son Baccalauréat avec la mention Très Bien, rangea définitivement son enfance liée au pseudonyme féerique de Poucette pour devenir Emmanuelle.

Peu importait sa petite taille ! Grandie par le savoir et l’amour de la rhétorique, Emmanuelle opta pour l’étude de Philosophie, marchant ainsi sur les brisées des auteurs favoris de Mamie.

Le lycée l’avait protégée des agressions extérieures à l’aide de ses grands murs et des hautes fenêtres doublées de grillage.

La jeune fille quitta ce lieu privilégié dédié au savoir pour se lancer dans l’aventure en s’inscrivant dans l’université de la tête de région, Lille.

Une question cruciale se posait : que deviendrait Mamie en son absence vouée à la conquête du savoir des temps nouveaux ?

Pas question de l’envoyer dans un EPHAD où elle serait bien traitée mais où elle risquait de se perdre moralement dans un anonymat éloigné de sa personnalité !

Mamie avait travaillé dans sa jeunesse au Maroc et elle avait gardé un souvenir ému de ce beau pays de contrastes et d’amour.

Une amie de lycée, Myriam qui aimait particulièrement les causeries de Mamie, suggéra qu’elle pourrait vivre à Rabat chez sa tante Fadela qui se ferait un plaisir d’accueillir la vieille dame en la traitant comme une parente.

«  Ma tante veillera à ce qu’elle ne manque de rien. Les femmes de la maison se chargeront de sa toilette, de son entretien et de sa prise en charge par le médecin de la famille. Puisqu’elle aime les caftans, elle aura une garde-robe élégante et pratique.

Elle participera aux activités de la maison par le seul regard si elle ne se sent pas apte à apporter son aide.

Nous faisons le pain à l’ancienne. Nos tajines, couscous, bouillons, gâteaux au miel et aux amandes sont notre lot quotidien.

Elle entendra des chants au rythme du pétrissage de la pâte et des autres activités culinaires. Nous l’écouterons égrener ses souvenirs et nous l’entourerons d’affection et d’amour ».

Mamie accueillit cette proposition avec reconnaissance, souhaitant seulement qu’ Emmanuelle et Myriam entreprennent le voyage à ses côtés.

Ainsi fut fait. Une jolie paire de babouches en cuir souple surbrodé de perles chaussa les pieds de Mamie qui revêtit le caftan brodé de ses rêves.

Une semaine de festivités s’ensuivit et lorsque les deux universitaires quittèrent la capitale, elles surent que Mamie Marguerite rebaptisée Latifa serait heureuse dans le royaume chérifien où elle aurait pu naître.

Elles promirent de venir passer des vacances à ses côtés et s’envolèrent vers Lille où elles ouvrirent les ouvrages philosophiques de Kant, Kierkegaard, Descartes, Bergson, Rousseau cher à Mamie, André Comte Sponville qui étaient au programme.

Adieu lycée de notre jeunesse insouciante et bonjour université au magnifique éventail de savoirs qui nous attend !

Nous n’oublierons jamais Mamie Marguerite dit Myriam car elle nous a tous aidés à pousser les murailles de notre lycée et ouvrir les fenêtres pour appréhender le monde.

Les deux amies se promirent de réussir pour apporter leur diplôme à la chère vieille dame qui coulait des jours heureux dans un univers protégé par un nuage d’amour.

dimanche 14 décembre 2025

Danse au -dessus d'un volcan

 

 

 


Mamie arbora une tenue gris perle pour aborder le thème du jour, la Nature.

«  Regardons notre terre avec réalisme et ayons le courage d’affronter ceux qui la détruisent de plus en plus violemment. En prônant la force des armes,  des tyrans écervelés précipitent la destruction de notre maison commune. Des bombes explosent, tuant des personnes et provoquant la chute d’édifices qui tombent comme des châteaux de cartes avec des nuées de poussière, de gaz toxiques en façonnant des cratères que les dragons de légende fuiraient en poussant des cris désespérés.

Je vous ai beaucoup cité Voltaire mais pour sauver ce qui peut l’être encore, il faut s’inspirer d’un philosophe presque tombé dans l’oubli, Jean-Jacques Rousseau.

Les Rêveries du Promeneur Solitaire écrites au soir de sa vie nous offrent une bouffée d’air pur et prônent l’amour de la nature à laquelle il voulait rendre son rôle premier.

De nos jours, avec cet amour de la guerre exacerbé, des puissants ont tourné le dos aux principes rousseauistes et font des gorges chaudes de ceux qui refusent le béton et les hydrocarbures et sont indifférents au spectacle de la destruction.

On regarde flamber ou tomber des tours construites en dépit du bon sens qui nous rappellent La Tour de Babel de la Bible.

On ne parle plus la même langue, universelle et profonde, on ne se comprend plus, les germes de la destruction lézardent nos villes et l’on se moque littéralement du devenir de l’être humain.

Certains milliardaires se projettent dans l’occupation d’une autre planète, conscients du fait qu’ils participent à la destruction de la terre par leur soif d’enrichissement.

Il faut donc agir, chers lycéens. Vous devez faire entendre la voix de la raison pour qu’un nouveau déluge n’engloutisse pas notre monde menacé chaque jour.

Stéphane Hessel avait porté un coup d’arrêt à une dérive sociale grâce à un petit livre très bien écrit aux formules claires et frappantes, Indignez-vous !

De même, il serait vraiment urgent d’alerter les habitants de notre pays sur la menace immanente exacerbant la force des épées en la posant sur les berceaux.

Lançons des mouvements d’envergure, suivons l’exemple de marcheurs qui ont emprunté les chemins perdus des terroirs laissés à l’abandon, buvant l’eau des fontaines et admirant la beauté des paysages qu’il faut sauver.

Sylvain Tesson et avant lui Albert Camus ont mis leurs pas dans la glaise célébrée par Jean-Jacques Rousseau.

Suivons leur exemple, levons-nous pour que revienne la clarté d’un monde qui se meurt ».

Cette causerie en mode clair-obscur frappa Poucette qui demeura sans voix.

Elle se promit de lire les œuvres des écrivains cités et se jura de réfléchir à un projet constructif destiné à sauver la planète.

Mamie ôta sa tenue gris perle, mit une robe rose et suggéra à sa petite-fille de célébrer la beauté de la terre en buvant du lait et en mangeant des toasts au fromage de chèvre chaud et au miel d’acacia pour que vivent toujours les sources de la vie.