lundi 1 décembre 2025

Le prince aux yeux d'or

 



«  Un jour tu verras

On se rencontrera

Quelque part n’importe où

Guidés par le hasard

Nous nous regarderons

Et nous nous nous sourirons

Et la main dans la main

Par les rues nous irons ».

Interpellé par la fée du destin, Vincent Niclo s’en alla par les rues à la recherche de l’amour perdu. Il prit le taxi magique de Woody Allen et se promena dans un espace où l’on buvait du Champagne en chantant La Madelon.

Il se joignit aux chanteurs et devint bientôt le ténor solo du chœur des amants.

C’est à la fin du récital qu’elle apparut, la belle des belles, celle qu’il cherchait depuis toujours et ils partirent, main dans la main, dans la nuit de l’amour.

Sortilège en Brocéliande

 

 


Heureux à la perspective d’enchanter Rozenn grâce aux solos réservés au violon dans sa symphonie La Chanson de Rozenn, Fidélio dévalait la pente du Val-sans-Retour pour activer le heurtoir de la porte gravée dans sa mémoire.

Cependant, rien ne se passa comme il l’avait souhaité.

La porte s’ouvrit pour laisser entrevoir un couple d’un certain âge. Le violoniste demanda à parler à Rozenn d’une voix blanche. L’épouse lui répondit qu’ils ne l’avaient pas connue et qu’ils avaient acheté cette maison pour connaître de beaux jours lors de leur retraite.

Au comble de l’étonnement, Fidélio se rendit au bar du village mais là encore, il se heurta à un changement inédit.

Ce n’était plus le même propriétaire, on ne servait plus de plats savoureux. Le patron se contentait de proposer des boissons traditionnelles, bière, limonade et café.

Célestin, le propriétaire de l’estaminet prit en considération l’accablement de son client et lui offrit une liqueur de la région, le Bouchinot aux essences de plantes et au caramel. Ce breuvage apportait du réconfort aux âmes esseulées disait-on.

Célestin respecta le silence du jeune homme et lui souhaita une bonne journée.

En quittant le bar, Fidélio aperçut son reflet dans un miroir et ne se reconnut pas. Il semblait avoir dix ans de plus que la veille, une énorme ride barrait son front et sa silhouette svelte s’était étoffée, lui donnant l’allure d’un visiteur commercial.

Du reste, son violon avait disparu et son élégant bagage s’était mué en un sac de toile grossière.

On m’avait bien recommandé de ne pas m’aventurer dans le Val-sans-Retour pensa-t-il amèrement ; les fées semblent s’être joué de moi.

Il me faut trouver l’antidote à cet envoûtement.

Il marcha au hasard dans les rues de Tréhorenteuc mais ne vit personne à qui il puisse se confier.

Un autocar était prêt à quitter le village. Fidélio prit un billet pour une destination lointaine.

Il s’endormit et rêva qu’il était poursuivi par un dragon qui tentait de l’encercler. Il croyait sentir des langues de feu sur son cou.

Lorsqu’il se réveilla, ce fut pour s’entendre dire qu’il était arrivé à destination.

La nuit et le brouillard l’empêchaient de voir distinctement les lieux qui lui rendraient peut-être son apparence première.

Le bruit de ses pas sur les pavés résonnait à la manière d’un tambour de guerre.

Il finit par distinguer une lueur dans le lointain. Il se dirigea vers ce qui serait éventuellement un refuge.

Lorsqu’il mania le heurtoir, ce fut avec une certaine appréhension.

La porte s’ouvrit et le sourire de Rozenn lui apparut.

« Vous en avez mis du temps pour me revenir » ! dit-elle.

Le sortilège était manifestement brisé car le violon réapparut dans son étui élégant.

Retrouvant sa jeunesse et son charme, Fidélio irradiait de bonheur.

Il baisa la main de sa dame de cœur et se retrouva en sa compagnie dans la jolie maison de leur rencontre.

Par enchantement, il était revenu à son point de départ. Tréhorenteuc et sa belle lui étaient rendus.

Rozenn lui servit un repas dont elle avait le secret, timbale de riz aux fruits de mer, tourte de poulet, sorbet à la groseille.

Elle le servit prestement puis le conduisit ensuite dans une chambre d’ami confortable et chaleureuse.

Fidélio se glissa dans les draps dont il apprécia le parfum et dormit comme un ange jusqu’au lendemain.

«  Vous avez tout simplement été ensorcelé par la fée Morgane lui dit Rozenn en lui servant le café. Elle aime jouer des tours aux hommes qui lui plaisent. Votre cœur pur vous aura sauvé car elle aurait pu vous garder des années en vous coupant du monde ».

Fidélio saisit alors son archet et se mit à jouer un air si beau que les larmes jaillirent des yeux émeraude de Rozenn. Elle se jura de ne pas avoir d’autre homme à ses côtés.

Fidélio était un magnifique compositeur et un interprète de talent. De plus, il était sorti vainqueur des brumes et des sorts jetés par une fée toujours redoutable. Elle prétendait être la maîtresse du Val-sans-Retour et un violoniste avait déjoué ses plans maléfiques pour devenir l’époux de la reine du village, toujours courtisée sans jamais prendre la main d’un amoureux.

Cette fois ,Rozenn aux yeux de mer avait trouvé l’être idéal qui serait son compagnon à l’orée des landes désormais maîtrisées !

dimanche 30 novembre 2025

Le Prince Rossignol

 

 

 


Le Rossignol de l’Empereur se réincarna en un beau prince aux cheveux de jais et au teint de pêche.

Entouré par de fidèles samouraïs, il partit accomplir une mission secrète, trouver le tombeau du dernier empereur amoureux de la nature, des fleurs et des pierres précieuses qui orneraient son palais.

Chevauchant dans les plaines, le prince et les samouraïs finirent par arriver dans une vallée perdue où planaient des faucons.

Liu San, le prince rossignol, mit la main sur un tombeau de marbre où apparaissait le portrait de l’empereur, un rossignol perché sur son épaule.

Le prince fit déposer des gerbes de fleurs puis il pria pour que l’empereur redonne au royaume le goût des arts, de la peinture, de la musique et des manuscrits enluminés qui chantent l’amour de la terre et de ses trésors.

Une petite main se posa sur la sienne. C’est un petit garçon aux grands yeux lumineux, ombrés de cils soyeux qui recherchait son soutien.

Comme le petit prince, il voudrait un ami et il pense l’avoir trouvé au pied du tombeau de l’empereur.

Le petit prince aux yeux d’Asie se mit à chanter et aussitôt tous les oiseaux du ciel formèrent l’esquisse d’un cœur qui se mit à battre au rythme d’un tambour céleste.

Les chœurs de jeunes vierges strièrent le ciel et dans un éclair azuré, une jeune princesse sortit du groupe et rejoignit le tandem princier qui priait auprès du tombeau.

La princesse Pivoine Céleste s’agenouilla près du prince qui la releva délicatement pour la prendre dans ses bras et l’enlacer tendrement.

Le couple et l’enfant, escortés par les samouraïs s’en allèrent vers le palais de marbre où les serviteurs avaient préparé un festin en leur honneur.

Les rossignols chantaient dans les jardins pour leur souhaiter la bienvenue.

Les samouraïs occupèrent les habitations réservées à leur usage et ils se vêtirent de tenues d’apparat pour apparaître, majestueux et ténébreux à la table d’honneur où une ronde de plats circulait parmi des hanaps de boissons épicées au goût de miel.

Liu San et Pivoine Céleste s’unirent pour rendre au royaume perdu sa magnificence et en attendant l’enfant qui ne tarderait pas à naître, ils chérirent celui que leur avait envoyé les rossignols.

Renouveau

 

 

 

Les jours s’égrenèrent au château de Beauregard avec une certaine mélancolie.

Laura sema des fleurs nouvelles dans le jardin d’amour et fit ériger une gloriette à l’emplacement de la rencontre fabuleuse qu’elle avait connue avec Gabriel d’Occitanie et elle broda de ses mains une tenture qui lui rappellerait leurs premiers baisers.

Il lui arrivait de se perdre volontairement dans la forêt de Brocéliande pour y trouver une forme de paix liée à l’aventure.

C’est ainsi qu’elle fit la connaissance d’un ermite et qu’elle prit plaisir à l’écouter.

Il parlait de manière énigmatique mais elle parvenait à décrypter ses messages.

Elle commanda une harpe celtique et entreprit de jouer de ce bel instrument qui épousait le vent.

Des sons mélodieux s’échappaient du jardin et à la demande de tous, elle fit également installer une harpe dans la pièce principale du château afin d’élever l’âme des habitants.

En se promenant à nouveau dans la forêt, elle fit une singulière rencontre : un enfant blond aux longs cheveux bouclés cascadant sur ses épaules et aux magnifiques yeux d’émeraude semblait chercher âme qui vive.

Il déclara se prénommer Dylan et selon ses dires, ses parents avaient disparu à son réveil.

Laura l’emmena au château, lui attribua une jolie chambre exposée au soleil et entama des recherches sur sa famille.

Dylan était doué pour le dessin et il réalisa des portraits signifiants de ses parents et une belle esquisse de leur château naquit de ses pinceaux.

Un guerrier de la troupe de Laura identifia ce château pour être celui de Bellerive, un château si beau qu’il avait attisé les convoitises de nombreux malfrats, toujours prêts à vouloir s’emparer des biens d’autrui dès que la défense baissait sa garde.

On se rendit en nombre au château et c’est malheureusement pour découvrir qu’il avait été dévasté et quasiment incendié après un pillage rigoureux.

Dylan constata les dégâts avec tristesse et se souvint alors d’un pan de sa jeune vie qu’il avait occultée : sa mère l’avait réveillé en pleine nuit, l’avait vêtu à la hâte et ils s’étaient enfuis par une porte dérobée du château tandis que son père combattait avec ardeur pour chasser les malandrins.

Sa mère, la belle Yveline, avait décidé de faire une halte dans la forêt de Brocéliande qu’elle connaissait à merveille. Au réveil disait-elle, nous chercherons du secours.

Mais lorsque Dylan s’était réveillé, sa mère avait mystérieusement disparu et ses appels désespérés n’avaient trouvé aucun écho.

« Nous la retrouverons, Dylan, je te le promets » dit Laura et je vais entreprendre toutes les recherches nécessaires pour cette entreprise.

Ils revinrent au château de Beauregard et la jeune femme se promit de rester sur ses gardes et de prolonger les heures d’entraînement guerrier car il s’avérait que les châteaux, aussi fortifiés qu’ils puissent être, suscitaient la convoitise de ceux qui n’avaient pour tout objectif que leur fortune personnelle.

Dans cette attente, Laura initia le jeune Dylan au métier des armes et elle fit venir un précepteur au château pour qu’il lui inculque la beauté des Lettres, de la poésie et des mathématiques.

Dylan eut également un professeur de dessin et de peinture, ce qui lui permit de réaliser de magnifiques tableaux représentant sa famille et son château en pleine gloire mais il fit également une aquarelle qui mettait en valeur la beauté singulière de Laura et ce tableau figura à la place d’honneur de la salle de réception du château aux côtés de la harpe dont il apprit également à jouer.

Au fil des jours, la peine de Laura s’amoindrissait et elle connaissait un regain de vitalité grâce à la présence de cet enfant qui lui offrait une seconde vie.

Fleur Désir

 




«  Mon amour, ma fleur des îles aux grands yeux turquoise, je rêve de plonger à la source de ton être pour en extraire le joyau rare, la Fleur Désir dont je respirerai toute ma vie l’incomparable parfum de santal et de rose ».

Ces mots ouvraient le livre du mystère dont Louis découvrait la trame romanesque en interrogeant son corps enfiévré.

Sa plume volait sur le parchemin et il était littéralement en transes.

Père Emile s’inquiéta un peu de le voir s’écarter du chemin de Damas puis il pensa avec sagesse que son filleul était un jeune homme et que tout amour conduisait à Dieu.

Rassuré, il excusa l’absence du romancier au séminaire sur Saint Paul qui touchait à sa fin en disant qu’une frénésie d’écriture lui était venue.

Le moment du départ se profila.

Par chance, Père Emile n’eut pas à prendre une douloureuse décision car Lilwenn le prit de court en lui demandant la faveur de garder auprès d’elle le jeune homme qui avait illuminé sa vie.

Les deux hommes se séparèrent avec émotion. Louis promit de donner de ses nouvelles régulièrement puis il partit, le cœur léger, vers l’hacienda somptueuse de sa promise.

Lilwenn lui avait préparé une suite confortable et propice à l’écriture.

Des liens se tissèrent au fil des jours.

Louis participait aux travaux quotidiens de la journée.

Afin de calmer ses ardeurs juvéniles, il seconda le jardinier, maniant la hache et la cisaille avec entrain.

Ensuite, les jeunes gens se promenaient, main dans la main, dans les environs dont ils devinrent bientôt les mascottes.

On aimait les amoureux dans ce pays cajun propice au rêve.

Louis et Lilwenn emportaient un carnet d’écriture et parfois, ils s’asseyaient sur un banc afin de noter les phrases vagabondes qui leur venaient au rythme de la marche.

Dignes émules de Jean-Jacques Rousseau, l’auteur des Rêveries du promeneur solitaire, ils allaient au gré de leur fantaisie, suivant les nuages ourlés de rose ardent.

Louis se procura les œuvres de Rabindranath Tagore, les dévora passionnément et réussit à trouver une harmonie en unissant le chantait d’amour qui grondait en lui à la manière d’un geyser et la sagesse conduisant à Dieu.

La trame de son essai amoureux ainsi fixée, il noircit de nombreuses pages le soir.

Fleur Désir put paraître en même temps que le livre de Lilwenn, le chevalier d’or, roman inspiré par l’homme dont elle était amoureuse.

Leurs œuvres croisées, à la manière de Louis Aragon et Elsa Triolet, emportèrent les suffrages des habitants de la Louisiane.

Assurés d’être faits l’un pour l’autre, ils franchirent le pas décisif en annonçant leurs fiançailles.

Père Emile fut enchanté. Il fit le voyage pour bénir leur union. Par ailleurs,  il félicita son filleul pour la qualité de son essai.

«  Quoique profane, il pourra être diffusé dans les diocèses et chacun reconnaîtra en toi le doigt divin posé sur ton front » dit-il avec émotion.

C’est ainsi que Louis et Lilwenn ouvrirent le grand livre de leur vie conjugale, heureux de s’être trouvés après avoir tant erré sur les chemins sinueux de la vie.