mercredi 20 novembre 2024

Une rose d'automne en un blanc jardinet

 

 

 

Une rose d’automne en un blanc jardinet

Et puis toi, mon amour,

Et puis toi…

Dans ta robe de dentelle avec des pervenches

Dans les yeux…

Je t’aime tant que je m’en vais criant,

Par les rues noires,

Que je t’aime à la folie.

Une rose d’automne en un blanc jardinet

Et puis toi, mon amour,

Et puis toi…

Dans ta belle robe chaude tricotée cet hiver

Et dans tes bras, notre petite Élodie, si belle

Que je m’en vais par les rues noires,

Chercher l’impossible travail.

Las ! les ramasseurs de feuilles mortes n’existent plus

Dans notre vieux Denain ;

La grande usine a fermé ses grilles mangées de rouille,

Et toi, mon amour, et toi…

J’hésite à te dire la vérité, alors je chante,

Je danse comme un Pierrot fou.

Musique, s’il vous plaît…

Notre ville refuse de mourir…

Sur les marches du théâtre,

Les vieux mineurs pleurent

Et les métallurgistes tordent leurs mains brûlées,

Mon amour, mon amour,

Je suis comme la ville :

Je ne veux pas mourir

Mais, dans la ville morte,

Notre si bel amour n’est qu’un fantasme d’or,

Mon amour, mon amour,

J’ai vendu ta robe de dentelle ;

 Faudra-t-il que j’offre mon cœur

À la banque des riches ?

Mon amour, dans la ville fantôme,

Il ne reste que nous

Et notre bel amour.

Les pavés sonnent une valse d’épousailles

Et, dans les rues si noires, notre mort fusera

Comme une note de lumière.

Une rose d’automne en un blanc jardinet

Et puis toi, mon amour,

Et puis toi…

Louison aux blés d'or

 

 

En moissonnant son champ à l’ancienne, Louis Le Cam eut la surprise de découvrir, blottie dans un cercle de blés d’or, une petite fille reposant dans un moïse rose joliment capitonné.

La petite merveille ouvrit les yeux et lui sourit.

Tout ému , Louis la prit dans ses bras et la baptisa Louison.

Devenu papa par un coup du destin, il laissa sa faux dans le champ et emporta ce petit trésor chez lui.

Il se mit en devoir de lui préparer un biberon.

Louison but son lait sans faire de manière et s’endormit.

Il n’y avait aucune lettre explicative ni même un simple mot dans le couffin. La maman, sans doute désespérée, avait déposé une mini layette au fond du berceau. Biberon, tétine et couches s’y trouvaient également.

Louis pensa avait satisfaction qu’il aurait le temps d’aller en ville acheter le nécessaire, berceau, table à langer, baignoire pour bébé, chaise haute et un trousseau complet. Un stérilisateur et des biberons complèteraient la liste de nécessité et un parc pour favoriser les premiers pas de l’enfant.

Il repartit au champ, termina sa tâche, changea l’enfant au retour et la mit en pyjama pour la nuit.

Les jours suivants, il acheta tous les éléments destinés au confort de l’enfant et invita sa sœur jumelle Camélia à s’installer chez lui pour l’aider à élever l’enfant.

D’un commun accord, ils décidèrent de l’élever en secret.

Louison grandit dans ce foyer improvisé et elle ne manqua de rien.

Camélia lui apprit à lire, à écrire et à compter et elle lui donna une solide instruction en Histoire, Droits civiques, Littérature et Sciences Naturelles.

Par ailleurs, elle l’initia à l’art du tricot, de la couture et de la broderie.

Louison adorait aider Camélia à la cuisine et elle apprit à confectionner les plats typiques de la région, le pot-au-feu, la rouelle de jambon mijotée aux légumes de saison, le far breton, les crêpes et elle devint experte dans la confection des galettes de sarrasin.

Elle fit sensation lorsqu’elle apparut pour la première fois au marché, en compagnie de Camélia : elle y vendait ses produits, œufs, poulets plats préparés pour arrondir les revenus de la maison.

Chacun voulut connaître l’origine de la jeune fille. Camélia invoqua un lien de parenté avec sa mère et brisa les investigations en invoquant le respect dû à la famille.

Il arrivait également que Camélia se rende au manoir, à la demande de la comtesse Gwendoline de Coëtlogon pour livrer les produits de la ferme.

Généralement elle était reçue à l’office et n’avait affaire qu’à l’intendant du manoir.

Cependant, le jour où Louison l’accompagna, Camélia eut la surprise de se voir inviter au salon avec sa parente.

La comtesse les reçut chaleureusement. Elle leur proposa une tasse de chocolat.

Les invitées étaient impressionnées par le mobilier précieux de la pièce.

Gwendoline les mit à l’aise en leur parlant amicalement. Elle offrit à Louison de jolies robes qu’elle avaient portées dans sa jeunesse.

«  Elles vous iront à ravir  dit-elle avec simplicité et vous les porterez pour l’amour de moi ».

Sur ces paroles singulières, les deux femmes quittèrent le manoir, emportant un bagage imprévu en supplément de la bourse de louis d’or donnée pour paiement des produits naturels de la ferme.

La comtesse les regarda s’éloigner puis elle se retira dans sa bibliothèque où elle reprit ses travaux.

dimanche 17 novembre 2024

Bleuette

 

 


Vouée au bleu depuis l’enfance, Bleuette devait son prénom au fait qu’un oiseau bleu s’était posé sur la nacelle de son berceau capitonné de polaire et de dentelles.

Bleuette grandit, s’étonnant que sa poupée Rose ne prenne pas de centimètres. Rose restait désespérément petite et sa maman se résigna à la déposer dans son berceau.

Elle dormait désormais dans un lit junior qui occupait un angle de sa chambre garnie d’un secrétaire, d’une bibliothèque et d’une coiffeuse rétro.

Elle observait le vol des oiseaux par la fenêtre et un jour, elle vit venir une nichée d’oiseaux bleus semblables à celui qui s’était jadis posé sur son berceau.

Bleuette conçut les dessins de l’ameublement du pavillon car elle avait opté pour des études aux Beaux-Arts. La peinture et l’art décoratif la passionnaient.

Le pavillon ressembla bientôt à l’atelier de Rosa Bonheur qui était son peintre préféré.

Elle dessina et peignit les oiseaux bleus qui se multipliaient dans la volière où ils avaient élu leur domicile, heureux de pouvoir voler à leur guise.

Bleuette fut reconnue pour son talent de peintre et elle eut la chance de recevoir le Grand Prix de Rome ce qui lui ouvrit les portes du succès.

Ses toiles se vendirent et elle se consacra à son art en travaillant activement dans son pavillon.

Elle organisa des visites. Ses talents de conteuse lui permirent de passionner les visiteurs qui se donnaient le mot sur des réseaux sociaux.

C’est ainsi qu’un jour bleu, elle vit venir à elle un jeune homme au charme absolu, aux yeux turquoise et au langage fleuri.

Florian, tel était son prénom, se passionnait pour l’étude de l’ Histoire, la période médiévale notamment.

Il eut l’impression, en découvrant Bleuette, de rencontrer une reine d’antan.

«  Bleuette, devenez mon amie de coeuret je serai heureux ma vie durant » déclara-t-il à l’artiste.

Charmée, Bleuette l’invita à prendre le thé dans le salon de sa demeure.

Thé au jasmin et pâtisseries orientales, au premier choix des Djawouias  de Constantine initièrent un grand moment de douceur.

Florian et Bleuette, tout simplement heureux d’être ensemble, n’éprouvaient pas le besoin de parler.

Un oiseau bleu se posa sur l’épaule du jeune homme et une volée bleue enrichit la pièce de sa présence féerique.

«  Nous n’aurons pas besoin de parcourir le monde pour trouver l’oiseau bleu » dit plaisamment Florian.

Bleuette lui raconta le prodige survenu lors de sa naissance.

Elle l’incita à l’accompagner dans sa chambre d’enfant, lui montra le berceau et lui présenta sa poupée Rose.

Cinq oiseaux bleus se posèrent sur la poupée et ô miracle, Rose devint une jolie jeune fille.

Elle se précipita dans les bras de Bleuette, la remercia d’avoir brisé l’enchantement qui l’avait transformée en poupée et exprima le désir de rejoindre son royaume.

Au comble du bonheur face à cet événement miraculeux, Florian et Bleuette échangèrent un baiser, certains d’avoir trouvé la clef paradisiaque de l’amour.

mercredi 13 novembre 2024

Point d'orgue

 

 


Perle de feu prenait plaisir à se fondre dans l’univers breton. Elle avait opté pour la coiffe de Fouesnant et ressemblait à un joli papillon volant de fleur en fleur dans les landes.

Au fil des semaines, des liens d’amitié se nouaient entre la princesse et la souveraine Maheut de Brabant.

Les deux grandes dames aimaient prendre le thé à l’anglaise avec un assortiment de far breton et de tarte aux pruneaux au cours de l’après midi puis elles se promenaient dans les jardins en parlant de leurs lectures et de leurs écrits.

En lisant Cœur de perle, Maheut comprit qu’elle devait se tourner vers un autre chevalier pour trouver l’amant idéal : l’amour liant la princesse et son champion était trop évident !

Quant à Gwendal, il menait des travaux de terrassement et de fortification autour de son domaine pour éviter une intrusion de Méléagant et de guerriers à son image.

On se retrouvait le soir autour d’un bon repas, Rozenn et Maeva s’ingéniant à varier les plaisirs gourmands.

Tarte au maroilles, colombo de poulet, boudin noir à la créole, flan coco antillais alternaient avec des plats traditionnels bretons, notamment la cotriade, le kig ha fars et le kouign Aman.

«  Avec ces somptueuses agapes, je ne vais plus pouvoir lacer mon corselet de perles » dit la princesse. Maheut y alla de son couplet de sorte que les cuisinières allégèrent les menus, donnant la préférence à des veloutés de légumes et à des salades aux noix et aux noisettes avec des cubes de fromage frais.

Moins soucieux de leur ligne, les guerriers faisaient honneur aux plats de poissons et de viandes dont le fumet chatouillait délicieusement leurs narines.

La princesse et la reine, suivies par des marins aguerris, se lancèrent  dans des activités lacustres, promenades en barque à la rame et descente de rapides en canoé.

Elles revenaient de ces escapades, les joues rosies et l’appétit aiguisé.

Le thé et les gâteaux leur apportaient du réconfort tout en apportant aux brigades cuisinières la satisfaction d’avoir procuré un plaisir gourmand.

Maheut se vit contrainte d’abréger son séjour car les affaires du royaume nécessitaient sa présence.

Elle partit, les larmes aux yeux. Escortée par les meilleurs guerriers de Gwendal, elle regagna son château.

Perle de feu reçut, par pigeon voyageur, des nouvelles de son royaume.

Un prince qu’elle avait connu adolescent nommé Saphir, de la couleur de ses yeux, exprima le souhait de gouverner.

Ce souhait soulagea la princesse qui ne voulait plus quitter Gwendal.

Cette décision enchanta le chevalier qui présenta officiellement sa demande en mariage.

«  Je n’ai pas de perles à vous offrir dit-il en souriant mais mon cœur ne battra que pour vous, tel un rubis flamboyant. Et puis, ma douce, vous êtes devenue la plus belle perle bretonne qui se puisse concevoir ».

Un mariage se prépara et chacun contribua à la réussite des noces.

Les papillons et les roses furent de la partie.

Dans la lande profonde, une légende se propagea, celle d’une princesse venue de loin pour trouver sur la côte de granit rose la clef d’or du bonheur.