jeudi 27 novembre 2025

L'homme aux yeux de loup

Il était une fois un homme aux yeux de loup. Chaque nuit, il rêvait d’une fontaine bleue où l’attendait une nymphe vêtue de mousseline blanche brodée d’or.

Dès qu’il s’approchait d’elle, son corps se métamorphosait jusqu’à devenir un loup à visage humain ; à cette vue, la nymphe disparaissait, laissant derrière elle d’adorables oiseaux qui chantaient en accompagnant le murmure de l’eau.

Déçu, notre homme se lavait le visage et retrouvait son aspect habituel.

Les oiseaux chantaient des airs si mélodieux que le jeune homme, en s’éveillant, croyait être au paradis.

Or un jour, le scénario subit une modification : loin de s’enfuir, la nymphe lui tendit les bras et les oiseaux se blottirent dans leurs chevelures jumelées. De petites fées parsemèrent de fleurs de jasmin, roues solaires du désir, leurs vêtements brodés.

Les deux amants s’assirent au pied d’un olivier centenaire et échangèrent baisers et serments.

Au terme de cette folle journée, ils s’unirent dans une cascade de volupté bleutée de saphirs, d’une eau si pure qu’ils furent aspirés par la fontaine.

Le bleu du monument provenait de l’union sacrée d’amants éperdus, toute une lignée de princes et princesses du désert pour que vivent éternellement les roses de la beauté !

La princesse Mimosa

 

 

  


Dans sa balancelle florale, la princesse Mimosa lit et écrit des poèmes d’amour. Ils lui viennent spontanément par vagues parfumées et ces fragrances merveilleuses lui font tourner la tête.
Elle l’imagine avec tant de force et d’émotion, son beau prince aux yeux d’orient, aux cheveux noirs et au torse nimbé de nacre irisé qu’il surgit à ses côtés et l’enlace fougueusement tandis que s’envolent livres, poèmes et écritoire.
Moi qui passais par-là, désœuvrée et désenchantée, j’ai ramassé ces précieux objets et je les ai emmenés dans mon pavillon d’amour, près des oiseaux et j’ai repris la plume pour raconter par le menu les aventures de la princesse Mimosa à qui je prête intelligence et courage d’aimer à perdre la raison.
Consumée par cet amour torride, la princesse Mimosa a décidé de tout quitter, ses richesses, son palais pour suivre le bel inconnu à la cape de rêve mais alors qu’elle s’apprêtait à le suivre au bout du monde, il s’est dissous dans un nuage bleuté, laissant la princesse à sa balancelle et ses rêves d’amour fou que les oiseaux transmettent aux jeunes filles isolées, éprises d’idéal et de grand ciel bleu où vogue l’écume des passions oubliées et chantées au fil du temps.
La complainte de la princesse Mimosa s’y joint et devient un opéra de l’amour éternel.

lundi 24 novembre 2025

La guitare bleue de Johnny

 

 


C’est la fée des Merveilles qui l’a retrouvée, la légendaire guitare bleue de Johnny.

Achetée à prix d’or aux USA par Eddy à la demande de Johnny, la guitare avait fait corps avec le rocker un soir de concert.

Était-ce l’effet de la guitare ou celui du chanteur, la salle était en transes et Johnny ne savait plus comment remercier ce public si chaleureux.

Alors, après un ultime  salut, il lança la guitare merveilleuse dans la foule.

Une admiratrice eut la chance de s’en saisir et ne croyant pas à cette faveur inouïe  , elle s’enfuit en emportant le trophée d’amour.

Des années plus tard, sentant venir l’ange de la mort, elle désira remettre l’objet de sa passion à une personne qui pourrait en prendre soin avec tout l’amour dédié à Johnny.

Elle rencontra, après maintes recherches, la personne idéale et lui remit la guitare azurée avec ses larmes venues du jardin d’Eden.

Que la nouvelle égérie de Johnny prenne soin de l’instrument paradisiaque jusqu’à la fin de ses jours !

 

Horizons nouveaux

 

 

  


Ophélia grandissait en beauté et en sagesse, suscitant l’admiration de tous.

Elle aimait nager dans les rivières du domaine et sortait de l’onde comme une divinité aquatique.

Un jour, alors qu’elle émergeait des roseaux et revêtait sa tenue vestimentaire de jeune châtelaine, s’enveloppant d’une grande pèlerine de laine pour ne pas subir un refroidissement, elle croisa le regard d’un chevalier qui semblait foudroyé par sa beauté.

Alban de Belletoise descendit de cheval et s’inclina devant elle avec respect et ferveur.

Il confia sa monture Etoile du Nord à son valet et chemina auprès de la jeune fille sous le prétexte que les routes n’étaient pas toujours sûres.

Ils arrivèrent ainsi au château de Beauregard où le chevalier fut présenté à Florian et Ondine, les parents de la jeune fille.

Alban de Belletoise était le fils d’un noble seigneur dont les exploits guerriers faisaient l’objet de chansons de geste tant ils étaient fabuleux. C’est pourquoi il fut reçu avec toute la déférence due à sa parenté.

Par ailleurs c’était un jeune homme charmant dont la conversation était si plaisante que personne ne vit le temps filer.

Florian lui fit préparer une chambre d’hôte et l’on se préoccupa du valet d’épée et des chevaux.

La soirée fut des plus agréables car les cuisinières avaient fait montre de tout leur savoir et des plats savoureux se succédèrent au rythme des heures.

Tandis que se nouait une idylle entre la belle Ophélia et le charmant Alban de Belletoise, Laura, l’une des châtelaines les plus remarquées par les princes et les chevaliers des environs, mit un terme à tous leurs espoirs en faisant savoir haut et fort qu’elle avait décidé de consacrer sa vie au rude métier des armes.

On essaya de l’en dissuader, en vain ! 

« Il faut bien que quelqu’un soit l’âme guerrière du château » dit-elle et elle commanda un équipement complet au forgeron de Brocéliande.

Sa cuirasse impressionnait par sa beauté et que dire de ses armes et de son bouclier si ce n’est qu’ils étaient le reflet de son âme guerrière ?

Elle s’entrainait consciencieusement chaque jour et chacun l’admirait pour son courage et son adresse.

Louis, Armand, Esther et Obin trouvèrent tous leur destin et des mariages se succédèrent au château pour se terminer par celui d’Ophélia et Alban.

Chacun fut soulagé de savoir que le château de Beauregard serait défendu par une reine guerrière, Laura à l’épée étincelante, joliment nommée Gaillarde.

Les jours passèrent et chacun se livra à ses occupations favorites, s’attendant à ce que de nouvelles aventures réveillent le château.

 

Lilwenn en son manoir

 

 



Tombant des nues en apprenant sa filiation avec la comtesse et le prénom identitaire Lilwenn qui serait désormais le sien, la jeune héritière embrassa tendrement ses parents de substitution, Louis et Camélia Le Cam et partit s’installer au manoir comme convenu par voie testamentaire.

Aidée par le personnel de la maison, elle prit rapidement ses marques et lut en priorité le récit de vie que sa mère n’avait pas pu terminer.

Sensible aux souffrances de celle qui lui avait donné la vie, elle lui pardonna de l’avoir confiée à de braves gens.

Inspirée par le récit joliment écrit de sa mère, elle prit la plume à son tour, s’exprimant dans un style similaire pour dire son amour filial.

Elle raconta les différentes étapes de sa vie, incluant les personnes de bien qui lui avaient donné leur affection en ignorant ses origines.

Le livre s’étoffa si bien que lorsqu’elle y mit le point final, il se présentait comme une œuvre romanesque de bon aloi.

Lilwenn chercha un éditeur pour que chacun connaisse l’origine de sa naissance.

«  Que toutes les jeunes filles se défient des beaux parleurs qui,  sous l’apparence d’amants passionnés souhaitent cyniquement allonger leur liste de victimes vertueuses tombées avec éclat » ! avait-elle conclu.

Devenue par la magie de l’écriture celle qui rendait à sa mère son honneur perdu, Lilwenn accola à son prénom celui de Gwendoline et de Louison qu’elle avait porté avec tant de fierté et d’amour.

Son livre, trait d’union filial , intitulé Lys d’amour,  connut un vif succès , obtint des prix littéraires convoités et circula dans de nombreuses régions.

Un véritable engouement pour le livre eut lieu jusqu’en Louisiane où chacun se remémora le séjour de la comtesse.

Les prétendants éconduits surent enfin pourquoi Gwendoline avait refusé leur demande en mariage.

Marin et Soizic Le Guen, les fidèles serviteurs de sa mère, l’invitèrent à séjourner en Louisiane dans l’hacienda léguée par la comtesse.

«  Vous apprendrez ainsi à mieux la connaître car elle a vécu de longues années en ce lieu après vous avoir donné le jour » dirent-ils avec conviction et Marin ajouta qu’elle trouverait sans nul doute matière à l’écriture d’un second livre.

Lilwenn prit la mer et vogua vers le retour aux sources de Gwendoline, jeune fille frappée au cœur par l’indélicatesse d’un séducteur.

La pie aux yeux bleus

 

 


 


En se mirant dans les eaux d’un lac aux reflets turquoise, une pie se retrouva pourvue d’yeux bleus, ce qui fit d’elle une diva.
Elle vola d’arbre en arbre, cherchant des émeraudes ou des rubis nichés dans des corbeilles de brindilles tressées et elle finit par découvrir un magnifique saphir qu’elle porta en pendentif pour égayer son plumage demi-deuil.
Sortant de sa chaumière, panier au bras, la belle Graziella partit à la recherche de champignons et de fruits sauvages, nèfles, noisettes et baies dont elle ferait des tourtes et des gâteaux.
De son côté, un prince chevauchait en espérant rencontrer la femme de ses rêves.
Cette beauté apparaissait toujours la nuit, le laissant seul, au réveil.
Il fallait bien qu’il la trouve, cette femme idéale, aux yeux bleus et à la peau nacrée.
Le hasard voulut que Graziella, la pie et le prince Théodore convergent vers un grand châtaignier qui promettait de beaux fruits à la belle saison mordorée où l’on récoltait le maïs et le raisin.
La pie se percha sur l’épaule de Graziella et lui offrit son amulette turquoise, ce qui accentua l’éclatante beauté de la jeune fille.
Le prince descendit de cheval, baisa la main de la jeune fille qui était encore plus belle que la princesse de ses rêves et le trio baigna dans une lumière azurée aux reflets d’argent.
Consciente d’avoir favorisé une rencontre inédite, la pie s’éclipsa, cherchant une aventure qui lui permettrait de se renouveler et d’apporter à des couples le bénéfice de ses yeux bleus.
Graziella et Théodore devisèrent gaiement, trouvant un sujet de prédilection dans l’art de préparer des champignons et des baies sauvages.
Théodore envoya un message à son escorte qui le suivait toujours à bonne distance, s’apprêtant à intervenir si besoin était et il lui demanda de lui fournir prestement un carrosse attelé à des chevaux pommelés.
Son écuyer se chargea de ramener Polaire, sa fidèle jument, dans les écuries de son palais.
Les jeunes gens prirent place dans l’habitacle confortable du carrosse et ils mirent à profit le temps du voyage pour mettre leurs cœurs à l’unisson.
Ravie du dénouement, la pie chercha un lac d’émeraude pour offrir à un prochain couple le talisman du bonheur.

dimanche 23 novembre 2025

La rivière aux fleurs

 

 


Dans sa jolie robe de fête, Aliénor marchait à petits pas sur les berges d’une rivière où voguaient  des nymphéas.

Cueillant des fleurs de mauve, du serpolet et dénichant des œufs de cailles dans les buissons, Aliénor se félicitait à la perspective de cuisiner un plat aux parfums printaniers.

Un jeune homme assis sur un rocher dessinait le contour de la rivière, la peuplant de sarcelles et de cygnes.

Rodrigue présenta ses hommages à la jeune fille et la félicita de sa récolte qui débordait d’un panier. Il lui demanda l’autorisation de croquer sa silhouette sur son carnet d’ébauches artistiques, se promettant de réaliser un portrait qui lui vaudrait, s’il savait s’y prendre, un prix lors des prochains salons des artistes.

Aliénor consentit à prendre la pose et lorsque le jeune homme eut terminé ses esquisses, elle lui proposa de goûter à sa récolte du bord de l’eau.

Sa cuisine était spacieuse. Des bocaux de conserves diverses, d’épices et de champignons séchés garnissaient une étagère et un jambon fumé prêt à être découpé pendait aux solives.

La jeune femme s’éclipsa dans sa chambre pour se changer après avoir installé Rodrigue près de la cheminée.

Vêtue d’une robe en coton et d’un tablier, elle se mit en devoir de préparer l’un des plats délicieux dont elle avait le secret.

Pendant ce temps, le jeune artiste dessinait le décor qui lui servirait à composer le fond de son tableau. Il voulait peindre Aliénor dans sa robe féerique, celle qui avait fait d’elle la représentation symbolique de la rivière aux fleurs et de ses nymphéas impressionnistes.

Lorsque tout fut prêt, Aliénor convia son hôte à prendre place à la table qu’elle avait dressée à l’aide d’un service en porcelaine, de couverts en argenterie, de verres en cristal de baccarat.

Des chandeliers éclairaient la pièce et Rodrigue se félicita de la couleur obtenue qu’il reproduirait dans son tableau en un jeu de clair-obscur qu’il affectionnait.

Puis il oublia la peinture et son projet pour savourer un plat parfumé merveilleusement cuisiné par une experte en gastronomie.

Le repas achevé, il accepta la proposition d’ Aliénor consistant à occuper la chambre d’ami de sa demeure.

«  Vous me rendrez la pareille plus tard lorsque je me rendrai dans votre atelier pour la réalisation de ce portrait qui m’honore » dit-elle au jeune homme.

Rodrigue s’installa chez sa muse et dormit en rêvant qu’elle se livrait à un numéro artistique, changeant de tenue comme si elle détenait  le pouvoir d’une baguette magique.

Aliénor remit de l’ordre dans sa cuisine et la salle à manger puis elle dormit sans nuage en imaginant le tableau de nymphéas serpentant dans la toile de fond de son portrait.