mercredi 17 décembre 2025

Vol nuptial

 

 



Des ibis se sont envolés pour dénicher un nid d’amour et ils l’ont trouvé, à mille lieues de leur refuge habituel, les Landes d’ Aquitaine.

Un berceau de jasmins et de roses s’offrit à leurs regards et ils s’y installèrent commodément pour vivre un amour sans nuages.

Hélas un oiseleur était dans les parages et il les cueillit à l’épuisette pour les vendre au marché.

Espérons qu’on ne nous achète pas pour enrichir un plat : mange-t-on des ibis ? Je ne le crois pas mais parfois les gourmets ont des idées étranges dit le malheureux fiancé.

Un acheteur emporta le couple dans une jolie cage dorée et déposa ce présent singulier à l’entrée d’un palais.

C’est pour un remake d’Ali Baba et les 40 voleurs dit l’ibis mâle féru de cinématographie et de littérature ?

Une jolie princesse au caftan orné d’oiseaux stylisés et de fleurs leur souhaita la bienvenue et accrocha la cage à proximité d’une fenêtre d’où l’on découvrait la foule multicolore pressée de réaliser des achats de fête.

«  Qu’est ce qui vous ferait plaisir, oiseaux de mes rêves dit la princesse ?

Que vous nous libériez osa répondre l’oiseau frustré de ses ébats amoureux ! L’amour en cage, c’est joli pour une fleur mais pour nous, oiseaux des grands espaces, c’est impossible !

Eh bien, soit répondit la princesse » et elle ouvrit grand la fenêtre et la cage.

Notre couple s’envola et retourna sur les rives de l’étang qu’ils avaient quittées sottement.

Ces roseaux feront l’affaire, ma mie et le couple connut les amours éphémères décuplées par les affres de la capture.

De beaux ibis aux plumes cendrées avec des points d’or naquirent à l’issue de leurs ébats.

Un jour, la princesse eut la surprise de recevoir la visite d’oiseaux portant ses couleurs et elle sut que c’était un cadeau du couple qu’elle avait libéré.

Elle s’en réjouit et donna l’ordre de les laisser voler dans le palais à leur guise, en hôtes d’honneur.

La table ronde des temps nouveaux

 

 

 


L’annonce d’une Table Ronde, originale et portant une facture moderne puisque sa dirigeante, destinée à siéger à la place d’honneur était une jeune femme, Hortensia d’ Amboise qui préféra prendre le nom de Tréhorenteuc pour souligner ses racines celtiques.
Par ailleurs il n’était plus question de partir à la recherche du Saint Graal puisque ce saint calice avait été offert à Hortensia par une puissance féerique émanant du Miroir aux Fées.
Cette pièce inestimable serait posée au milieu de la Table Ronde et on veillerait à ce que personne ne s’en empare.
Des gardiens du Saint Graal furent nommés et l’on installa près du palais, des bâtiments réservés au personnel et aux gardiens de la sécurité générale.
Dame Laura de Beauregard envoya plusieurs chevaliers appartenant à son escorte personnelle car en amoureuse de Brocéliande, elle voulait y avoir sa part.
Hortensia fut enchantée de cette collaboration : elle pourrait désormais compter sur l’aide précieuse de cette grande dame en cas de besoin.
Il ne restait plus qu’à composer l’assemblée siégeant à la noble table : chaque chevalier ou dame de haut rang verrait son nom gravé sur le dossier du fauteuil qui lui était réservé selon les traditions ancestrales.
Hortensia siègerait à la place d’honneur et elle aurait à ses côtés son frère Arthur d’ Amboise et Célio, le jeune vénitien qui avait offert à l’assemblée son aide assortie de cadeaux précieux dont un splendide miroir qui faisait l’admiration de tous.
Seraient placés de part et d’autre de ce trio magique, Anna, la merveilleuse conteuse qui connaissait toutes les légendes de la forêt mythique, Armand, extraordinaire voltigeur en arts équestres, Floriane, la pâtissière aux recettes savoureuses parlant aux gourmets dans une explosion de saveurs symphoniques, Ange qui semblait être né, un dé d’or à la main tant ses créations de haute couture étaient originales et poétiques, Bella la mathématicienne qui composait et résolvait des équations dignes d’avoir été engendrées par l’enchanteur Merlin.
Il restait des places à pourvoir et des chevaliers venus de toute l’Europe firent le déplacement, rêvant d’appartenir à la noble compagnie.
Ne voulant pas s’en faire des ennemis, Hortensia les engagea tous, en chevaliers de secours : elle pensait avec sagesse que la maladie pouvait frapper les détenteurs du fauteuil convoité. Des destinées contraires étaient aussi à envisager, c’est pourquoi cette précaution fut admirée par tous.
Pour les fauteuils vacants, de concert avec ses chevaliers, elle choisit la belle Guenièvre de Tréhorenteuc, ainsi prénommée par sa mère qui était une adepte des romans de Chrétien de Troyes.
Furent également retenus Lancelot des Merveilles dont la beauté et la justesse des arts chevaleresques rappelaient la figure centrale de la Table Ronde initiale, Briac de Kenmare, venu d’Irlande et l’extraordinaire Duncan d’Aberdeen qui enchanta tout le monde par sa façon virile de jouer de la cornemuse et ses kilts flamboyants.
La première réunion connut une audience quasi sacrée car le thème du jour était d’une impérieuse nécessité : il s’agissait de préserver la forêt d’incendies d’origine criminelle et de sauvegarder le site du Val-sans-Retour et de la forêt de Brocéliande tant aimée.
Le bruit courut que tout allait, à présent, connaître l’ordre et la beauté et les fées de la forêt ainsi que les lutins s’en réjouirent au premier chef car la préservation de leur chère forêt était leur unique préoccupation.
La paix régna dans la forêt et chacun eut l’impression que le beau temps de la Table Ronde était de retour.

Le temps des révélations

 

 

  


Alors que la vie avait repris son cours normal à Fleur-Lez-Lys, Camélia ayant repris sa place à l’école du village, les notables de la commune, Amélia et sa fille reçurent une invitation au château.
La grande table était dressée dans la salle de réception ; chacun prit place en suivant l’étiquette nominative des couverts puis le marquis donna le signal des réjouissances.
On servit du champagne accompagné de biscuits roses de Reims puis les plats aussi succulents les uns que les autres se succédèrent, saumon en gelée, pintade et pigeonneaux aux amandes, pastilla à la rose et gâteau aux fruits pour ne citer que les plus appréciés.
Pour clore le repas, on but au choix, du thé, du café, du vin de fleurs et pour Camilla, de l’infusion à la rose et aux épices.
Le marquis prit alors la parole et entama un long récit.
Dans sa jeunesse, il était tombé follement amoureux d’une jeune fille sans titre de noblesse.
Oubliant les principes de sa famille, il lui promit le mariage.
En proie à une ardente passion, il n’eut pas la force de réfréner son désir et fit de Marjolaine son épouse avant l’heure.
Or, un soir, alors qu’il se rendait à un rendez-vous d’amour avec son aimée, il tomba dans une embuscade.
Des individus masqués lui administrèrent une volée de gourdins, le démolirent littéralement à coups de poings et de pieds, le laissant pour mort après l’avoir déshabillé et dévalisé.
Il sombra dans le coma et était à deux doigts de passer de vie à trépas quand un marchand de vin le trouva ensanglanté et sans connaissance.
Il l’emmena à l’hôpital après l’avoir couvert d’une houppelande.
Lorsque le marquis retrouva ses esprits, six mois plus tard, il avait tout oublié, y compris son propre nom.
Sa mère l’envoya aux Antilles où elle possédait une belle propriété et s’en remit aux bons soins d’une famille qui était à son service avec dévouement.
Joséphine fut un élément clé de sa guérison, à force d’égards, de soins appropriés et de tendresse.
Pendant ce temps, Marjolaine, ignorant les dommages corporels et moraux subis par son amant, sombra dans le désespoir.
Elle mit au monde une jolie petite fille qu’elle prénomma Camélia en souvenir du berceau de fleurs qui avait abrité leurs amours passionnées.
Elle confia l’enfant à Sœur Marguerite-Marie, la supérieure du couvent de carmélites où elle avait élevée, enfant, en qualité d’orpheline.
Elle pria instamment la supérieure de donner un foyer ou tout au moins une mère aimante à la petite fille et c’est ainsi que Camélia trouva en Amélia une mère accomplie.
Amélia avait juré de ne pas se marier après avoir connu une malheureuse histoire d’amour, l’aimé n’étant qu’un coureur de jupons.
Elle reporta tout l’amour qu’elle gardait en son cœur meurtri sur l’adorable Camélia.
Marjolaine mourut quelques mois après la naissance de la petite fille et Amélia suivit les conseils de Sœur Marguerite-Marie qui la pria d’attendre l’adolescence de l’enfant pour lui révéler les secrets de sa naissance, le nom du marquis n’ayant pas été donné.
Amélia se rendait régulièrement au couvent avec l’enfant et, sous prétexte d’apprendre des chants religieux, passait des moments précieux.
Lorsque le marquis fut guéri, il revint au château. La mémoire lui faisait toujours défaut mais un jour, en passant près d’un buisson de camélias en fleurs, un flash lui traversa l’esprit et il revit nettement la silhouette et les traits de celle qu’il avait tant aimée, Marjolaine, son unique amour, sa fée.
Le nom de Marjolaine lui vint aux lèvres et il ne cessa de chercher cette épouse charnelle.
Il finit par apprendre son décès et le bouche à oreille lui révéla qu’elle avait mis au monde une petite fille prénommée Camélia.
Il mit alors au point l’enlèvement de l’enfant qui portait ce prénom si rare à Fleur-Lez-Lys.
S’il était passé par les voies régulières et administratives, du temps se serait écoulé c’est pourquoi il opta pour un rapt qui lui permettrait d’obtenir rapidement les preuves de sa filiation.
« Dans mes bras, ma fille, l’empreinte ADN a parlé et tu es bien la future marquise des aulnes , ma mère ayant rendu l’âme tandis que je recevais des soins aux Antilles » conclut-il en lui ouvrant les bras.
Il baisa la main d’Amélia, lui promettant de ne pas la séparer de l’enfant à qui elle avait donné tout son amour.
« Vous aurez votre place au château et vous ne manquerez de rien, je vous l’assure ».
Et c’est ainsi que se termina la belle aventure de Camélia, Marquise des Aulnes, à tout jamais l’enfant chérie de Fleur-Lez-Lys, si fertile en rebondissements mystérieux.

mardi 16 décembre 2025

La ducasse des enfants

 

  


Le garde-champêtre de Fleur-Lez-Lys fit savoir à grands coups de roulement de tambour que la ducasse des enfants aurait lieu plus tôt que prévu et il ajouta en frisant sa moustache qu’il y aurait une surprise.
Les cuisinières se mirent au travail pour préparer les plats de circonstance, langue de bœuf à la sauce piquante, tête de veau vinaigrette, tartes au maroilles, andouille de Cambrai et sa farandole de légumes.
Quant aux pâtisseries, on laissait libre cours à la fantaisie de chacune mais on comptait absolument sur des financiers aux amandes, des tartes à la crème et aux pruneaux, des tartes traditionnelles à la cassonade, du pain d’épices et des gelées de fruits.
Toute innovation serait la bienvenue !
Angelina dont on vantait toujours les mérites prépara des babas au rhum, des diplomates à la crème pâtissière et à la gelée de cassis, des tourments d’amour et des pâtisseries d’inspiration orientale dont les recettes lui avaient été offertes par un « tourlourou » qui avait été militaire en Algérie.
De la bière légère, de la cervoise seraient servies à la table des adultes.
Il y aurait, pour les enfants, des carafes de limonade au sirop d’orgeat, de violette ou de cerise.
Un manège de chevaux de bois s’installa sur la Grand-Place et l’on disposa également des jeux de fléchettes et d’anneaux avec des lots de poupées, de vaisselle et de nougats.
Le grand jour arriva et l’on vit, pour la première fois dans le village, le marquis des aulnes.
Il donnait le bras à une adorable petite fille vêtue d’organdi, de satin et de soie.
On ne la reconnut pas tout de suite car on ne lui connaissait pas de telles tenues mais un cri finit par jaillir dans la foule : « Camélia, mon enfant » !
Amélia lui ouvrit grand les bras ; Camélia se blottit contre elle en versant des larmes de joie.
Le marquis s’éclipsa et disparut dans sa Rolls, distribuant des dragées et des bonbons acidulés aux enfants qui passaient.
« Mais que t’est-il arrivé, mon enfant, mon cœur, mon aimée » ? disait Amélia, balbutiant sous le choc de l’émotion.
« Le marquis t’expliquera lui-même les raisons de mon enlèvement, il me l’a promis mais en attendant, Maman, profitons de la fête. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut se régaler et s’amuser à la ducasse des enfants ».
Et chacun suivit ce conseil en profitant des merveilles d’un jour qui ne reviendraient que l’année suivante.
Tout le monde se félicita du retour de Camélia et l’on remit au lendemain le temps des explications.

lundi 15 décembre 2025

Aymeric le roi de la chasse

 

 

 


On dit qu’une laie veilla sur le berceau d’Aymeric, la nourrice ayant déserté son poste tandis que le seigneur et sa dame festoyaient à la cour.

On ne refuse pas une invitation royale et la duchesse Alix se résigna à quitter son premier né.

«  Nounou Faustine veillera sur lui nuit et jour dit son époux Aubin et vous le retrouverez grandi et heureux de se lover sur votre belle poitrine, ma mie ».

Or ce que le duc ignorait c’est que Faustine avait succombé aux charmes d’un félon qui voulut profiter de l’aubaine en s’emparant de l’héritier.

Il versa un narcotique dans le hanap de vin chaud qu’il offrit à la nourrice en conclusion d’une cour habilement menée.

Cependant, lorsqu’il voulut s’emparer du bébé, il recula face à l’hostilité manifeste d’une laie au regard fauve impitoyable.

De retour en son manoir, il fomenta un complot destiné à destituer son suzerain.

Une fois dégrisée, la nounou dépêcha un courrier à la cour pour dénoncer la tentative de rapt. Elle ne quitta plus la chambre du nourrisson, se faisant porter ses repas.

La laie avait mystérieusement disparu et personne ne put dire ce qui s’était réellement passé. On releva des empreintes de sanglier près du berceau, ce qui parut pour le moins étonnant.

De retour au château, le duc et la duchesse redoublèrent de vigilance.

La duchesse décida d’allaiter son bel enfant. On renvoya la nourrice en la dotant d’un beau pécule.

Alix recruta une dame d’atour pour la seconder dans les tâches quotidiennes. Isabeau avait fière allure avec son hennin aux longs voiles brodés et plus d’un gentilhomme demanda sa main ; ils furent tous éconduits avec le sourire et un unique motif : elle se voulait à sa tâche jour et nuit et pour ce faire, elle devait rester célibataire.

On relevait parfois des empreintes des empreintes de sanglier sous les fenêtres d’Aymeric et une légende se forgea selon laquelle l’enfant avait été choisi par une horde pour être leur prince.

«  Ce sera certainement un grand chasseur de sangliers dit son père. Il a été reconnu pour être l’élu et il aura la force et le courage de ces animaux qui ne reculent devant aucun obstacle ».

Le temps passa. Aymeric devint un beau jeune homme et chassa le cerf.

Curieusement, il évitait les sangliers comme s’il savait qu’une mère nourricière avait remplacé la dame préposée à son allaitement.

Cependant, un jour, il se trouva face à face avec une énorme laie qu’il se crut obligé de tuer, son écuyer l’y incitant fortement.

Au moment où il décocha sa flèche, la laie se fendit dans un nuage, faisant pleuvoir une portée de marcassins.

Fortement ému, Aymeric ordonna à ses piqueurs de s’emparer des marcassins et de les ramener au château.

Certain de la véracité de la légende répandue dans le fief à son sujet, Aymeric rentra chez lui et fit savoir à la ronde que le futur seigneur ne tuerait jamais un sanglier, vu que dans son enfance une laie l’avait nourri comme la louve de Rémus et Romulus.

On déclara l’animal sacré et il vécut en sécurité dans le fief seigneurial.

Aymeric apposa une laie sur son blason et sa devise fut D’azur, au sanglier d’or, surmonté de trois roses d’argent.