dimanche 9 novembre 2025

Le concours

 




Le bois charmant méritait son qualificatif : la clairière avait été aménagée pour pallier les intempéries ; un village de toile digne du Camp du Drap d’Or établi par François Premier pour recevoir Henri VIII d’ Angleterre avait été conçu pour célébrer le poète de l’année.

Des tables rondes garnies de carafes de liqueurs, de fleurs et de petits verres filés or charmaient les poètes dont on avait retenu les textes.

Pancakes, crêpes, bricks garnis, fruits, cookies et madeleines apaiseraient les petites faims en attendant le banquet final concluant l’élection du prince des poètes.

La fée Rubis avait délégué ses pouvoirs à la fée bleue adepte de la poésie.

Des orateurs se succédèrent. Des prix d’encouragement furent décernés et les lauréats reçurent leur trophée, lyre d’argent, rose d’or, statuette d’ivoire représentant la muse de la poésie lyrique, Erato, en rougissant.

Les auteurs primés remercièrent les membres du jury et attendirent que soit prononcé le nom du vainqueur.

Marion et Mérovée du Hainaut n’avaient pas été cités. Leurs chances demeuraient donc intactes. Ils se rencontrèrent autour d’une tarte aux pommes dont les fées découpaient des parts.

En savourant cette pâtisserie d’automne, ils échangèrent des propos nuancés de poésie et chacun apprécia la finesse de l’esprit de l’autre.

Ils s’assirent sur un banc, à l’écart de la foule et joutèrent à l’envi.

«  Ma chère, si vous le souhaitez, je vous élirai ma dame d’amour. Il me semble, à vous voir et à vous entendre que j’ai trouvé l’âme-sœur que j’ai cherchée en vain. J’ai cru être amoureux de la fée Rubis mais je m’aperçois aujourd’hui que c’était un leurre. Le destin m’a incité à concourir pour que je vous rencontre, j’en suis persuadé à présent ».

Marion, au comble de l’émotion, s’apprêtait à répondre lorsque la fée bleue annonça le nom du vainqueur. Il s’agissait d’un poète classique, roi du sonnet. Les poèmes réunis dans un livre Les Cieux déracinés étaient si beaux que l’azur s’était fendu en éclats de soleil libérant des oiseaux de paradis.

Le poète couronné remercia le jury, la fée Rubis et son adjointe la fée bleue puis il félicita tous les participants à la mise en valeur d’un art parfois délaissé.

Couronné de roses, il repartit avec son trophée, une coupe en porcelaine de Sèvres, un chef d’œuvre aussi accompli que sa poésie.

Nullement déçus de n’avoir pas été distingués, Marion et Mérovée du Hainaut s’éclipsèrent discrètement pour abriter leur amour naissant dans le manoir ducal de Mérovée.

Les invités de la poésie participèrent au festin final en savourant des parts d’agneau de lait farci, rôti à la broche après avoir été enduit de miel, d’haricots blancs en sauce et de salades composées.

Une lyre de caramel était posée sur des disques de génoise fourrés à la crème et chacun se régala des parts servies par les fées et les lutins.

La fée Rubis les remercia pour leur collaboration et promit de lancer un nouveau concours l’année suivante sur un thème différent.

On chanta, on dansa, on dormit dans les tentes aménagées en nids douillets et l’on se quitta, à regret, avec des souvenirs dans le cœur.

Le doux royaume des enfants perdus

 

 

 


Dans le royaume des enfants perdus, les bambins courent sur la plage, s’arrêtant pour ramasser des coquillages et écouter la mer sous la surveillance de leurs nourrices bretonnes aux coiffes légères de papillon.

Le petit Roi de Rome escalade une dune, encouragé par un grenadier préposé à son service :

«  Courage, Altesse ! Pour succéder à votre père, il faut fortifier vos mollets ; comme lui, vous partirez à la conquête du monde. Vive L’Empereur » !

Le petit roi arrive tout essoufflé et s’endort dans les bras du vieux soldat, vétéran de toutes les batailles.

Candy et la princesse Sarah fabriquent une poupée destinée au prince des collines. Elles ajustent des coquillages nacrés pour former la corolle de la robe majestueuse de leur reine.

Elles baptisent la poupée Gwendoline du nom de leur nourrice qui leur offre deux perles pour les yeux de la poupée et un croissant en pétales de roses pour la bouche. Les vagues bouclées de ses cheveux proviennent de chutes de dentelle couleur or.

Gwendoline est si belle qu’elle procurera un désir d’amour au prince des collines.

D’autres enfants poursuivent des rêves d’une autre sorte.

Avec des coquilles d’huitres, Tiphaine construit l’armature d’un bateau de pêche. La voile est tissée dans un nuage et donnera de l’allant à l’embarcation.

Claudine ramasse des plumes pour confectionner des porte-plumes destinés à garnir les encriers des écoliers car elle a décidé de devenir institutrice ; elle fabrique une école du rêve.

La fée Aurore qui règne sur ce royaume fait quelques apparitions et se réjouit de voir s’épanouir les enfants que l’on croyait perdus.

Elle organise un goûter géant et tous les enfants se régalent des merveilles venues des cuisines du palais, cannelés, gâteaux bretons, gelées de fruits, dragées et pommes d’amour.

Des carafes d’orangeade et de lait aux amandes circulent à la ronde.

Le goûter achevé, les enfants sont pris en charge par les nourrices qui les bercent en chantant des romances bretonnes  qui parlent d’amour, de pêche et de grand vent.

Au royaume des enfants perdus, une page se ferme dans une envolée de pétales de roses.

samedi 8 novembre 2025

L'ange des nuées

 

 



Johnny l’avait promis, il en parlerait au Diable mais lorsqu’il arriva au Paradis, ce désir disparut avec ses tatouages.

Protégé par Saint-Michel-Archange qui jadis terrassa le dragon représentant les forces du Mal, Johnny se souvint des albums où il avait chanté l’amour.

«  Oh Marie si tu savais

Tout le mal que l’on me fait

Oh Marie si je pouvais

Dans tes bras nus me reposer ».

Les paroles de cet hymne inspiré lui vinrent aux lèvres et les anges déposèrent des couronnes de roses à ses pieds chaussés de mocassins  façonnés dans les nuages de l’aube.

Heureux de voir venir un jour nouveau chargé d’amour, Johnny dispersa les roses sur les rives de l’étang des chimères où ses fans l’attendaient.

«  Demain ce sera le grand jour

Il faudra faire preuve de bravoure

Pour monter au front en première ligne

Oh Marie, je t’en prie, fais-moi un signe ».

Le signe vint sous la forme de colombes qui déposèrent des couronnes de lauriers et d’oliviers en signe de paix sur la terre fourbue par tant d’inutiles combats.