lundi 29 juillet 2024

Jongleurs, troubadours et ménestrels

 




Le chef Roland du Breuil était un cuisinier de grand talent mais il avait un violon d’Ingres, la comédie !

Il lui arrivait de composer un menu à thème et celui dont il était le plus fier rendait hommage aux troupes de comédiens qui proposaient parfois leurs services au château, les jours de liesse.

Il avait observé ces artistes ambulants pour adhérer le plus possible à leurs talentueuses prestations.

Chacun sait que dans les cuisines, entre deux performances culinaires, un relâchement est de mise. La fantaisie s’installe en maîtresse femme.

Lucas jonglait avec des oranges, Marcello interprétait un air de Carmen de sa voix de ténor. Quant au chef, Roland du Breuil, déguisé en troubadour, il chantait une romance retraçant les amours impossibles entre une souveraine et un ménestrel.

Reprenant les rôles d’amuseurs, de chanteurs et de dresseur d’ours qu’ils cultivaient au château, le chef et ses adjoints se mirent en route, grimés de sorte qu’on ne puisse pas les reconnaître.

Lorsqu’ils parvinrent au château sombre du seigneur Malvin, célèbre pour ses faits d’armes et sa cruauté, Bernard, le second du chef se présenta comme le directeur de la troupe Soleil Noir.

«  Si Monseigneur Malvin nous fait la grâce de nous voir interpréter un spectacle écrit pour lui, nous serons très honorés et nous ne demanderons qu’une botte de paille pour dormir et une miche de pain pour toute pitance ».

Ce dernier argument séduisit le seigneur Malvin car son avarice était notoire.

L’ours était muselé et son dresseur paraissait de taille à le maîtriser en toute circonstance.

Bernard demanda un délai d’adaptation, prit note des dimensions de la salle de réception où un banquet devait être donné en l’honneur d’une très jolie femme, future épouse du seigneur.

«  C’est sans aucun doute notre Gloria dit Roland du Breuil. Ce monstre a l’intention de l’épouser pour en faire son jouet. Heureusement, mes amis, nous sommes là et nous allons l’enlever pour la ramener en notre château ».

Après le potage et un assortiment de terrines et de viande séchée, le seigneur et ses hôtes réclamèrent des divertissements.

Unique femme de la soirée donnée en son honneur, Gloria, vêtue d’un bliaut fleurdelisé, coiffée d’un hennin, portait un voile de mousseline blanche qui laissait deviner sa beauté et ses larmes.

Roland du Breuil, troubadour de circonstance, interpréta avec émotion une chanson du répertoire de Bernard de Ventadour, poète occitan réputé.

Avec brio, Roland insérait dans la chanson quelques mots pour permettre à Gloria de l’identifier.

Il susurrait qu’un cuisinier célèbre était amoureux fou d’une partenaire pour qui il concoctait des pâtisseries dignes de sa beauté, tourments d’amour et gâteau basque fourré à la confiture de cerises noires.

Puis le troubadour s’effaça pour laisser place au jongleur.

Le seigneur demanda ensuite la prestation du montreur d’ours.

C’était le signal attendu par la troupe.

Au milieu de l’exercice périlleux qui consistait à faire danser l’ours sur ses deux pattes arrières, le jongleur qui mimait l’animal dressé de manière comique lança soudain un filet.

Gloria se trouva prise dans un entrelacs de solides cordages, Roland la chargea sur ses épaules et la troupe disparut promptement.

La herse ne s’abattit point sur le pont-levis car un nuage noir, composé de coquillages et de crustacés avait envahi la salle de réception, laissant le seigneur Malvin dans une colère bleue.

Cachés dans les fourrés voisins du château, les guerriers de la garde de Philibert le Beau amenèrent les chevaux destinés à la pseudo-troupe.

C’est au galop que le chef Roland du Breuil ramena Gloria, sa bien-aimée, dans son havre de paix.

Il la déposa délicatement sur un lit qui avait appartenu à une grande dame, la débarrassa de ses accoutrements avec douceur, la revêtit d’une tenue de nuit digne de sa beauté et effleura ses lèvres roses d’un baiser.

Reconnaissante, Gloria se laissa bercer par un amour naissant.

Lors de ses noces forcées avec un seigneur de mauvais aloi, elle avait reconnu le chef à l’évocation des prouesses culinaires dont il avait le secret et elle ne put qu’admirer l’audace et l’inventivité de celui qui avait risqué sa vie pour sauver la sienne.

Elle s’endormit en gardant sur ses lèvres le doux souvenir d’un baiser prometteur.

 

Coeur d'amour


 

 



En traçant dans le ciel un énorme cœur rose, un cœur d’amour, la patrouille de France, un soir de fête olympique, offrit à Vincent Niclo, le ténor du rêve absolu , le bonheur de poser le pied près de la Tour Eiffel pour chanter Le rêve passe, succès de Tino Rossi évoquant l’épopée napoléonienne.

Napoléon, le grand oublié de notre Histoire, le libérateur des peuples opprimés, L’ Italie et la Pologne notamment, s’est penché sur le ténor à la voix d’or et lui a confié la clef du succès, l’amour de la liberté et un cœur énorme pour aimer à l’infini.

Vincent chante Le rêve passe, accompagné par des rossignols du Japon, repris en sourdine par la Garde Républicaine et les notes cascadent comme les rivières de Corse qui chantent sur les galets.

Demain, l’ Aigle retrouvera sa place aux Invalides et Vincent Niclo, magnifique Aiglon de l’amour sèmera sur les cœurs de ses fans les rubis d’une âme pure et inscrite dans l’ Histoire à la manière d’un diamant.

Relais de chasse

 


Apprenant que le château de Philibert le Beau restait sans la direction de son prince du fait de son mariage avec la belle Roxane, le prince Abdallah proposa à son propriétaire d’occuper le château dont il ferait un relais de chasse.

Le couple accepta sa proposition, reconnaissant de savoir le château en sécurité. Le prince remercia les jeunes mariés en leur offrant des cadeaux précieux et il assura Philibert le Beau qu’il prendrait soin de son château et qu’il quitterait cette perle de granit si le propriétaire des lieux en manifestait le désir.

Gloria souhaita rester au service du nouveau châtelain, ce qui réjouit le prince Abdallah féru de sa manière innovante en matière de gastronomie.

La jeune fille avait renoncé à séduire Asuncion car ce dernier avait été anobli par la princesse Roxane du fait de ses services rendus. Un abîme considérable s’était creusé entre eux, Gloria demeurant paysanne et cette faille sociale rendait des épousailles impossibles.

Le chef cuisinier du château, homme de bien et compétent en son domaine, lui fit quelques avances mais Gloria préféra conserver sa liberté, se souciant avant tout de son art culinaire.

Le chef Roland du Breuil eut à cœur de concevoir un menu extraordinaire pour marquer l’installation au château du prince Abdallah.

Déçu par le dédain manifeste exercé à son endroit par la jeune Gloria, il se montra directif et pressant sur un plan professionnel.

Gloria souhaitait renouveler sa carte personnelle pour satisfaire son chef et servir au mieux un prince qui lui avait accordé sa confiance.

Elle demanda au chef l’autorisation de se rendre dans la campagne environnante pour y trouver une idée nouvelle. Une plante inconnue m’offrira peut-être la clef d’un plat original et savoureux précisa-t-elle.

Heureux de cette initiative, le chef octroya à Gloria le bon de sortie demandé et d’une voix plus douce qu’à l’accoutumée, il lui recommanda la prudence.

Sans l’en informer, il pria deux serviteurs aguerris au combat de suivre discrètement la jeune fille.

«  Elle est si belle qu’elle pourrait tenter un voyou et nous aurions des comptes à rendre au prince » dit-il pour justifier sa démarche car il souhaitait cacher son inclination pour la jolie cuisinière.

Les guerriers, Arnaud et Renaud dissimulèrent leur sourire en ajustant leur masque de fer destiné à éviter les balafres, atteintes aux yeux et autres coups détestables.

Un panier au bras, Gloria se dirigea dans un sous-bois. Elle y trouva des fleurs, des champignons et des plantes qui fleuraient bon l’accommodement d’une sauce destinée à une préparation culinaire autour d’un gros gibier ou d’une terrine de lièvre.

Au moment où elle se baissait pour cueillir ces plantes odorantes, une main brutale lui ferma la bouche, coupant sa respiration.

Arnaud et Renaud furent témoins de la scène à bonne distance et ils ne purent empêcher l’individu, un colosse, d’emporter la jeune fille inconsciente et de disparaître dans les fourrés.

Renaud courut au château chercher de l’aide tandis qu’ Arnaud suivait  la piste du ravisseur, marchant sur ses pas en respectant son rythme pour ne pas être repéré.

Le colosse parvint à une sorte de forteresse noire et il disparut en empruntant une porte dérobée.

Informé de la situation, le chef Roland du Breuil se tordit les mains de désespoir puis il fomenta un plan qui lui permettrait de délivrer la belle Gloria dont il était amoureux. Par ailleurs il était le garant et le responsable de la sécurité de ses employés en l’absence du châtelain ;

La garde personnelle du prince trouva l’idée du chef géniale et chacun reçut un ordre de mission précis pour mener à bien la délivrance de la plus jolie cuisinière des environs.