jeudi 2 octobre 2025

Poséidon

 

 


Les jours se succédaient avec leurs contraintes et la réalisation d’exploits dignes des Travaux d’ Hercule pour Salomé et ses compagnons de chaîne, comme aux galères, finissaient par quitter un milieu professionnel dont le slogan «  toujours plus » n’impliquait aucune valorisation pour le salarié.

Quelques instants de bonheur lors de la pause-repas près du Food Truck en compagnie d’ Alexandre l’aidaient à tenir.

Conscient de la valeur de sa clientèle, le chef cuisinier se surpassait, variant les plats du jour avec la carte locale des produits de base, tête de veau, chou farci, pintade rôtie à la broche et quelques délices gourmands, Merveilles, Religieuses ou tartelettes aux fruits de saison.

La nuit, des rêves récurrents ensoleillés avec des escapades en sandales spartiates et péplum brodé l’aidaient à supporter la lourdeur de sa charge professionnelle.

Or, au moment où Salomé touchait enfin au but et formulait la synthèse de ses travaux, un voile noir la frappa de cécité et elle s’effondra, tête première, sur son clavier. On la transporta, inconsciente, à l’hôpital et le diagnostic fut sans appel : burn out !

Après un traitement de choc, Salomé fut envoyée dans une maison de repos où elle reprit, peu à peu, goût à la vie simple, emplie de petits bonheurs, un rayon de soleil, un chant d’oiseau, le sourire d’un infirmier ou d’un compagnon de convalescence.

Lorsqu’elle  fut jugée apte à reprendre le travail, elle revint au bureau avec une décharge d’heures pour l’aider à reprendre pied dans le quotidien usuel.

Alexandre n’était plus à son poste. Elle salua le retour de son ancien compagnon Rodolphe Vignacourt à son aile droite, l’aile gauche étant l’angle mort d’un mur.

«  Votre séjour à Athènes vous a sans doute révélé de nouvelles approches » dit-elle à son voisin de bureau lors d’une brève pause.

Ce dernier répliqua qu’il n’était jamais parti et qu’il était resté à son poste, à ses côtés, sans faillir.

Interloquée, Salomé déduisit que son mal était profond : elle s’était imaginé la présence d’Alexandre, réincarnation du héros de ses rêves !

Elle pensa que le recours à une aide psychologique voire psychiatrique s’avérait nécessaire.

Soudain son écran se voila d’un bleu intense et un nom en lettres capitales enluminées apparut : Poséidon ! Puis un autre nom s’afficha : Apollonia !

Salomé déduisit de ces données qu’une force obscure lui indiquait que son salut viendrait de la mer Méditerranée. Mettre le cap sur le Pirée, voilà mon objectif se dit-elle et elle rédigea une lettre de démission pour ses employeurs.

De retour en sa demeure, elle mit de l’ordre dans ses affaires, affréta un voilier et embarqua pour traverser la mer et retrouver les éléments nécessaires à son équilibre, le bleu, le soleil, le marbre et la mouvance romanesque incarnée par Alexandre Massilia.

mercredi 1 octobre 2025

Le quadrige du soleil

 

 

Aurige solaire d’un attelage azuré, Johnny, sous une pluie de roses, est passé sous l’arche paradisiaque réservée aux chanteurs, aux poètes et aux âmes sensibles.

Il a arrêté ses chevaux près d’un lac lunaire où rêvent les jeunes filles, seules, délaissées et brûlant d’une infinie passion qui éclate sur leurs lèvres et dessine des cœurs avec des doigts en pétales de roses.

Des lucioles féeriques laissent dans leur sillage des perles d’eau, de nacre et de cristal.

Les chevaux se sont ébroués sur les berges.

Johnny a sorti sa guitare et s’est mis à chanter, rejoint pour les refrains par des anges.

Comme envoûtées par son chant, les dryades, couronnées de lauriers et de fleurs d’aubépine ont dansé en martelant le sol et en s’aidant d’un tambourin ont imprimé le rythme.

Johnny a chanté toute la nuit puis il s’est laissé choir sur l’herbe fraîche et s’est endormi, attendant qu’une belle s’échappe d’un conte de fées et vienne lui donner le baiser du retour à la vie.

En attendant ce jour béni, chantons et dansons car le quadrige de Johnny est prêt pour le voyage de l’éternel recommencement.