Par un beau
soir nimbé de brume, le prince Hicham chevauchait le long d’une rivière qui
serpentait dans la plaine. Il tomba soudain en arrêt devant un arbre qui
abritait dans ses frondaisons une femme d’une grande beauté.
Pris d’un
désir irrésistible, il lui envoya son gant, rêvant d’un geste similaire mais la
belle ne répondit pas à ses avances.
Déçu, il
revint promptement en son château, dîna frugalement de pain et de fromage, but
quelques gorgées d’un vin frais et se coucha rapidement, non sans avoir laissé
sa fenêtre grande ouverte.
Dans la
nuit, sentant une chaude présence à ses côtés, il alluma une chandelle et
reconnut avec bonheur la femme tant désirée. Il l’aima fougueusement, le désir
renaissant à chaque instant car la belle répondait à ses caresses avec
infiniment d’ardeur.
Au
lendemain, il la contempla longuement, fit une toilette rapide, commanda un
petit déjeuner copieux.
Mais
lorsqu’il revint, elle avait mystérieusement disparu, laissant dans la chambre
une odeur de prairie et de rivière.
Le prince
fit seller son cheval et prit la direction empruntée la veille. Il exécuta
plusieurs parcours le long de la rivière mais l’arbre de la veille avait
disparu, laissant un buisson de fleurs pourpres à sa place. Il en cueillit une
brassée, les confia à une personne de sa suite qui avait jugé bon de veiller
sur lui.
On dressa
une tente et chacun s’ingénia à distraire le maître de sa mélancolie. Le plus
charmant des pique-nique lui fut présenté : pâtés en croûte, ailes de
volaille en gelée, gâteaux crémeux, assortiment de fruits divers en auraient
charmé plus d’un et finalement le prince succomba à ces tentations gourmandes,
rêvant d’un jour où sa belle Mélusine lui reviendrait.
Le nom de
Mélusine lui était venu spontanément. Un conte de sa nourrice émergea des
replis de sa mémoire. Venue des brumes, une jeune beauté avait séduit un prince
et elle avait accepté sa demande en mariage à une seule condition : qu’il
ne cherche pas à la voir le samedi. Son frère ayant aiguisé sa jalousie, il
avait rompu le serment en observant la princesse par le trou de la serrure.
Elle prenait son bain et alors qu’elle était toujours aussi sublime, elle
déployait une queue de sirène. Elle vit son prince dans le miroir qu’elle
tenait à la main, poussa un cri d’effroi, se précipita vers la fenêtre et, des
ailes lui poussant opportunément dans le dos, s’enfuit en proclamant son amour
perdu sous la forme de sanglots.
Mélusine, ma
belle Mélusine murmura le prince si tu veux m’honorer de ton amour, je jure de
ne pas chercher à te voir si tel est ton bon plaisir.
Il ordonna à
son écuyer de porter les fleurs au château et d’en orner sa chambre.
Il réclama
une pelisse bien chaude et des coussins, désirant dormir près de la rivière au
cas où la belle Mélusine souhaiterait son étreinte. Des jours, des nuits
passèrent et le prince finit par se résigner à regagner son château, les nuits
devenant de plus en plus fraîches.
Enfin alors
qu’il était habitué à l’idée de ne jamais la revoir, il vit arriver au château
cinq beaux enfants qui lui ressemblaient et qui avaient dans les yeux les
points d’or de la sirène.
Que
s’était-il réellement passé ? Il ne trouva jamais la réponse mais éleva
avec amour les trois petits princes et les deux jolies princesses que Mélusine
lui avait légués !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire