Il
était une fois un prince aux yeux de violette. Alors que sa mère attendait sa
venue avec espérance, il lui vint un désir printanier qui se traduisit par la
recherche de violettes des bois.
Chacun
se fit fort de lui en apporter, à commencer par le roi, désireux de montrer à
son épouse qu’il souhaitait le meilleur pour elle et l’enfant. Or en se rendant
au cœur d’une forêt, il trouva certes un tapis de fleurs odorantes mais aussi
une ravissante jeune femme qui vivait dans une clairière au cœur d’une
chaumière pimpante et romanesque. Le roi succomba aux charmes de la belle
Ana-Lya et ordonna à son retour qu’on érige un palais à l’endroit où il avait
vécu des amours renouvelées et enfiévrées.
Bon
prince, il offrit à la reine les plus belles violettes du monde et partit sans
un regard pour celle qu’il avait prétendument aimée à la folie.
La
reine prit ce revers avec stoïcisme et elle ne pensa qu’à l’enfant. Bien lui en
prit du reste car c’est le plus beau des princes qu’elle mit au monde.
Son
regard était extraordinaire : des éclats de violettes de bois luisaient
dans l’iris de ses yeux et chacun succombait à ce merveilleux miroir de l’âme.
La
reine Maria-Luisa cachait la blessure profonde de son cœur à son entourage et
souriait à la ronde. Cependant un pli mélancolique envahit son beau visage et
elle commença à perdre petit à petit l’éclat de sa beauté. Avoir ainsi été
abandonnée avant même la naissance de son fils lui semblait une flétrissure
sans égale.
Elle
nomma son fils Ange car c’est ainsi qu’elle le voyait. Son regard violet lui
rappelait ce désir de fleurs des bois qui lui avait valu bien malgré elle, sa
déchéance mais lorsqu’il adressait l’un de ses beaux regards à sa mère, Ange
faisait fuir la tristesse. Il était si beau le petit prince que tout le monde
sentait rayonner et fleurir le bonheur par sa seule présence.
De
son côté, le roi allait de désillusions en malheurs auprès de sa compagne.
Ana-Lya fut atteinte par une cruelle maladie qui lui ôta toute sa beauté.
L’enfant
de l’amour qu’elle attendait mourut à sa naissance et bientôt il ne resta
d’elle qu’un petit fantôme flottant dans le beau palais désormais inutile
puisqu’il n’était plus l’écrin de leur passion.
Trop
fier pour implorer son pardon à la reine, le roi partit avec une colonne de
guerriers qui lui étaient fidèles à l’autre bout du monde dans le but d’en
rapporter des merveilles.
Tandis
que le roi Louis-Bonheur s’enfonçait dans des contrées lointaines, collectant
çà et là quelques trésors mais recevant aussi parfois des blessures au cours de
lourds combats, le prince Ange grandissait, causant toujours le ravissement de
son entourage.
Non
seulement, il était beau mais il était charmant et plein d’attention envers sa
mère et son entourage.
Lorsqu’il
se promenait dans la campagne sur son poney Tournesol, il ne manquait jamais de
saluer les paysans qui œuvraient sur les terres du domaine, ce qui lui valait
de recevoir tartes maison, œufs, poules et légumes choisis.
Les
cuisiniers, au palais, s’empressaient de réaliser maints plats délicieux.
Par
ailleurs des envois singuliers parvenaient au palais, des moutons mérinos, des
jeunes filles pleines de charme que la reine fit entrer au nombre de ses dames
d’honneur, des bijoux et des caissettes de pièces d’or. La reine voyait là le
témoignage du repentir de son époux mais sa blessure restait vivace tant elle
avait souffert de cet injuste abandon.
Les
présents finirent par se raréfier et la reine en déduisit que son époux était
peut-être mort ou qu’il avait cédé aux charmes d’une jeune fille.
Loin
de tous ces soucis, le prince Ange commençait chacune de ses journées à son écritoire.
Il aimait écrire des poèmes à la gloire
des fleurs, de sa mère et de chaque événement de sa vie de jeune homme.
Un
jour, alors qu’il s’était égaré dans la forêt de leur domaine, il vit une
apparition céleste qui le remplit d’émoi. Elle était si belle qu’il crut voir
une fée. Ils engagèrent la conversation et la jeune fille Belle du Jour, si
bien nommée, le conduisit dans sa demeure faite de briques roses avec de magnifiques
encorbellements sculptés. Ange fit quelques croquis tant l’ensemble lui paraissait
merveilleux puis il se laissa conduire dans une jolie pièce ornée avec goût et
dotée d’un piano. Une dame de compagnie apporta une collation faite de fromage
frais, de jus de fruits et de galettes fines fleurant bon le beurre et la fleur
d’oranger. Puis Belle du Jour se mit au piano et interpréta une sonate avec
émotion et délicatesse.
Les
jeunes gens se quittèrent à regret car la nuit était proche et ils se promirent
de se revoir. De retour au palais, le prince Ange fit part de sa rencontre à la
reine et à sa nourrice qui se réjouirent de cet amour naissant.
Le
lendemain de cette belle journée le roi revint. Il était précédé de son escorte qui offrit à la reine de
nombreux coffrets précieux emplis de soieries, de turquoises et émeraudes et
lourdes pièces d’or. De plus, le roi emmenait avec lui un magnifique alezan à
la robe couleur de feu.
Il
s’inclina aux pieds de la reine pour lui implorer son pardon, ce qu’elle fit
bien volontiers car elle était bonne. Par ailleurs, elle aimait toujours son
mari en dépit de l’immense chagrin qu’il lui avait causé en lui préférant une
autre femme.
Il
serra son fils sur son cœur avec tendresse.
On
improvisa une fête. Les cuisiniers utilisèrent des denrées précieuses apportées
par le roi : dattes et noix fourrées, amandes, miel, pains de sucre et de
sel venu de contrées lointaines. Ils se servirent également de fromage frais de
chèvre des fermes du domaine, d’œufs et de poulets qu’on aromatisa avec des
herbes fraîches du potager. Ce fut un beau festin. Les guerriers de l’escorte ,
conviés à la table royale se régalèrent et déclarèrent qu’il y avait bien longtemps
qu’ils n’avaient goûté tant de mets aussi parfaits. Les pâtissiers n’étaient
pas de reste et ce fut une succession de farandoles et gâteaux sucrés fourrés
de crème et ornés à la poche de roses crémeuses décorées de fruits confits,
orange et angélique ainsi que belles cerises rutilantes. Ce fut à nouveau la
liesse les jours suivants. On rivalisa d’inventivité dans les cuisines pour
apprêter les restes du festin.
Puis
le roi souhaita se retirer dans ses appartements car il était bien fatigué.
La
reine lui apporta elle-même ses repas et ils eurent de doux entretiens,
retrouvant un peu de leur amour fané.
Heureux
de vois sa mère renouer avec un fragile bonheur, le prince pensa au sien. Il
choisit un assortiment de pierres précieuses, de pièces d’or et de denrées
exotiques et s’en fut à cheval à la recherche de son amour.
Mais
il eut beau chercher et reprendre scrupuleusement le chemin qui l’avait conduit
à la maison de l’amour, il ne trouva pas la moindre trace de l’enclos enchanté.
Déçu, il s’assit au pied d’un chêne et sombra dans une semi-somnolence.
Il
fut réveillé par un grincement de roues. Ébloui, il vit apparaître un carrosse d’or
trainé par un magnifique attelage de chevaux à la robe couleur de lune.
Une
princesse apparut à la fenêtre et il reconnut celle qui avait éveillé en son cœur
un amour ardent, Belle du Jour, vêtue avec magnificence de soie et de
dentelles.
Les
amants échangèrent un doux baiser puis Belle du Jour expliqua à son amant que faute d’avoir de ses
nouvelles, elle était partie à sa recherche.
Elle
s’était rendue au palais, ce qui lui avait permis de faire la connaissance du
couple royal. Elle y reçut un accueil digne de
son rang et de sa qualité de future promise du prince. Elle avoua alors
à Ange qu’elle lui avait caché ses origines pour ne lui apparaître que parée de
ses seuls charmes. Non seulement elle appartenait à une lignée royale ancienne et
de renom mais de plus, elle avait hérité d’une princesse des dons en féerie.
« Et
voici pour vous convaincre, mon doux aimé » dit-elle et elle fit
apparaître d’un mouvement gracieux de sa manche ornée de dentelle, la demeure
de leur rencontre d’amour.
Les
deux amants jurèrent de ne plus jamais se séparer et bientôt on prépara au
palais de magnifiques noces qui firent le bonheur de tous.
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