Il était une fois une
princesse à qui une fée oubliée au fin fond du royaume avait prédit qu'elle
mourrait en se piquant à un rosier. Par précaution, le Roi publia un édit
interdisant la culture des roses sous peine de mort. Ignorant cette terrible
prédiction, la princesse grandit dans l'insouciance et devint une ravissante
jeune fille dont tous les hommes étaient épris. On organisa des goûters
champêtres et les jeux succédaient aux tablées gourmandes. Une partie de
cache-cache faillit se terminer en drame car la princesse poussa une porte
dissimulée sous un amoncellement de chèvrefeuille et pénétra dans un jardin où
de splendides fleurs inconnues et parfumées renvoyaient la beauté du monde à la
façon d'un prisme odorant: c'étaient des roses !
Au moment précis où elle
tendait la main en approchant son visage de ces fleurs embaumées, un tourbillon
de chevaux miniature taillés dans le cristal de roche forma un cordon sanitaire
qui lui en interdit l’accès.
« Ne touchez pas à ces
fleurs, ma Reine, car sur ma foi, elles causeraient votre mort. » dit une
voix profonde, veloutée et mélodieuse. Le plus beau prince du monde se tenait à
ses côtés. Il était moulé dans une superbe tenue pourpre où couraient les
lianes de roses d’or stylisées et de fleurs du printemps, d’un blanc nacré pour
servir les chaudes couleurs de cette tenue d’apparat de haut dignitaire.
La princesse, ravie de cette
rencontre, accepta d’offrir sa main gantée à ce bel homme de sang royal, à n’en
point douter et ils cheminèrent côte à côte jusqu’à une tente circulaire où
apparaissaient divans profonds, tables en mosaïque et fer forgé. Un orchestre
entama une valse champêtre où le gazouillis des oiseaux était reproduit grâce à
un instrument en forme de rouge gorge.
Les jeunes gens s’assirent
et goûtèrent ces instants exquis puis on leur servit mignardises et verrines de
préparations légères aux écrevisses et légumes coupés en dés et colorés. Mini
tourtières et sabayons servis en flûtes
à champagne terminaient l’agréable moment festif couronné par une tour gélifiée
à la rose ornée de groseilles. Avant que la princesse n’ait pu goûter cette
merveille, le prince la trancha et il en sortit un dragon ailé cracheur de feu
qui fit pleuvoir une incroyable couronne d'épines qui semblaient provenir d’un
gigantesque roser.
« Vous en seriez morte,
ma mie ! » dit le Prince avec une profonde tristesse.
Il révéla alors à la
princesse Souad dont il était devenu profondément épris le terrible destin qui
avait été prédit le jour de son baptême.
Souad était une jeune fille
parfaitement équilibrée et elle accueillit cette nouvelle avec un certain
soulagement. Il suffirait de rencontrer cette fée pour lui demander de renier
cette malédiction dit-elle calmement et elle ajouta : « Je ne peux
tout de même pas passer ma vie à redouter les roses qui sont de véritables dons
de la nature ».
Un grondement accompagné d’éclairs
noircit le paysage et la fée maléfique apparut dans une calèche noire tirée par
des dragons. Elle invita la princesse à la rejoindre d’un claquement sec de son
éventail. Le prince souhaitait suivre ces dames mais les dragons le clouèrent
sur place en déclenchant une ronde de flammes infranchissables.
Souad fit face à son destin
en prenant place dans la calèche. La fée posa une main rassurante gantée de
dentelle noire sur celle de sa filleule. Le curieux attelage pénétra dans une
enceinte pavée et de grands cygnes noirs se précipitèrent pour ouvrir la porte
de la calèche. La fée Pavot et son invitée entrèrent dans un château sculpté à
même la roche. Lorsqu’elles furent installées et qu’on leur eut servi le thé
accompagné de scones, la fée révéla son secret à la princesse. Le vœu funeste
émis à sa naissance n’était en fait qu’un leurre. « Vous êtes ma fille,
mon enfant et il était nécessaire que je laisse planer une malédiction sur
votre tête afin d’éloigner les prétendants qui règnent toujours à la cour.
Seul le Prince Sabre du Rosier
a déjoué mes plans en simulant à merveille le rôle du parfait amoureux. Son
unique but consistait à s’emparer de vos pouvoirs après vous avoir laissé
croire à l’amour éternel qui n’existe que dans les contes de fées. Vous et moi
sommes des fées véritables et il nous appartient de veiller sur un monde
tourmenté où règnent le désordre et la guerre. Nous devrons nous pencher sur le
sort des humbles et leur apporter réconfort et argent en récompense de leur
travail ».
La fée Pavot ordonna alors
que l’on conduise la princesse dans ses appartements qui étaient d’une grande
beauté. Mis à part la chambre et le cabinet de toilette, il y avait une
bibliothèque et un salon où des instruments de musique et une table d’écrivain
inciteraient la jeune fille à améliorer sa culture.
Avant de suivre femmes de
chambre et valets, la princesse avait osé demander à la fée par quel subterfuge
elle pouvait être sa fille mais cette dernière lui avait répondu avec un fin
sourire : « Ceci, ma fille, est une autre histoire ! ».
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