A
l’approche du printemps, les Tulipots, notamment les plus jeunes, eurent envie
de battre le pavé pour clamer leur colère. Imitant les Frondeurs qui menaient
une lutte intestine à la Maison du Peuple, les idéalistes qui allaient de Solferino
aux cafés branchés en passant par les plateaux télévisés pour proclamer leur vie,
sortaient les drapeaux à l’effigie du parti au pouvoir pour contester une loi
Travail censée en donner à tous et naturellement aux Jeunes. « Oh mais le
compte n’y est pas disaient-ils pleins de rage, imitant le loup de la fable. Où
sont les promesses tenues dans les meetings proclamaient-ils, oubliant que tout
homme politique, même sincère, ne peut tenir toutes les promesses faites pour
obtenir des voix » et boudant avec rancœur, ils juraient la perte de celui
qui avait voulu leur bonheur, quitte à faire le jeu de prédateurs tapis dans l’ombre,
prêts à ramasser la mise sur le velours de la Présidentielle.
Puis
un homme aux épaisses moustaches qui semblaient d’un autre temps et qui
consistaient à donner un air farouche à un visage somme toute ordinaire battit
le pavé et multiplia les déclarations de guerre à un gouvernement qui cherchait
seulement à trouver des solutions de réussite dans un pays bloqué par tant d’usages
et de lois que la contradiction était au
cœur de la marelle politique où le ciel était assombri par des nuages noirs.
Il
osa même s’en prendre au ballon rond dont la fête était annoncée. Il n’hésita
pas une seconde à s’adresser aux camarades travailleurs afin qu’ils bloquent le
pays de manière rédhibitoire.
Dans
ce jeu pervers, un homme jeune, aux beaux yeux bleus et aux déclarations
empreintes de bon sens et stigmatisant à la fois le gouvernement qu’il servait
et les pseudos révolutionnaires, se fit remarquer dans des postures
singulières, notamment la pêche à l’anguille en Camargue, terroir privilégié pour
celui qui amorce une conquête lente et sûre du pouvoir.
Son
nom hantait les médias et son sourire à la fois angélique et carnassier
flottait sur le drapeau où se détachaient ses initiales. E. M. qui épousaient
celles de son mouvement En Marche, si bien nommé pour celui qui entamait une
longue marche vers le château central dont chacun rêvait.
Parallèlement,
jeunes et moins jeunes investissaient la Place de la République, sous le nom de
Nuit Debout. C’était à la fois un mouvement destiné à la reconquête de l’esprit,
au théâtre comme dans les périodes pré
révolutionnaires et bien entendu aux épisodes festifs gourmands, merguez et
saucisses chères à tout mouvement populaire rôtissant sur des braseros.
On
interdit l’alcool car des abus conduisirent certains rêveurs à des débordements
dont ils n’étaient plus maîtres.
Interrogé
sur la valeur qu’il accordait à ce mouvement si singulier, Manolète rétorqua
par une boutade disant qu’en ce qui le concernait, il était toujours debout
nuit et jour, faisant ainsi allusion au farniente que l’on prêtait à ces révolutionnaires
qui rebattaient les cartes du monde la nuit mais qui vraisemblablement
dormaient le jour.
Cette
remarque attisa la recrudescence de la colère dite patriotique mais on reçut un
peu moins les meneurs sur les plateaux médiatiques, certains journalistes
pensant à juste titre que leur corporation serait peu ou prou remise en cause
tant la volonté de tout détruire pour pouvoir renaître devint pressante.
Des
ultras, cagoulés et matraqués s’en prirent au matériel urbain et aux biens des
commerces avoisinants, brisant les vitrines et allumant des feux pour bien
marquer leur territoire.
La
haine de l’état sous toutes ses formes fut à son comble quand des énergumènes
connus des forces de police selon l’expression consacrée, mirent le feu à une
voiture avec la volonté d’enfumer les passagers jusqu’à ce que mort s’ensuive.
N’écoutant que son courage, un homme qui venait de se faire recaler à un examen
le menant à la titularisation, évita les coups qu’un adversaire voulait lui
porter en pratiquant un évitement sportif admirable.
Les
photos firent le tour du monde et le président l’anoblit par une légion d’honneur
méritée. Orson Casenave, présent à la cérémonie, assura ce brave des braves qu’il
serait élevé au grade supérieur en respectant les normes administratives
usuelles. Le jeune femme qui était à ses côtés dans la voiture transformée en
brasier connut également les honneurs de la République, ce qui était tout de même
la moindre des choses, compte tenu de la frayeur qui avait dû surgir lors de
cet épisode douloureux.
On
arrêta les agresseurs présumés et à la suite d’une plaidoirie bien menée par un
avocat talentueux, chacun évita la prison où tout quidam sensé aurait voulu l’y
conduire, sous prétexte qu’il était difficile, voire impossible de déterminer
si la personne jugée était seule ou appartenait à un groupe !
Subtile
distinction qui valut à chaque criminel en puissance de battre le pavé à
nouveau, à sa guise et de fomenter, pourquoi pas ? une nouvelle révolte !
Déçus
par ces rebondissements sauvages, de nombreux Tulipots se tournèrent vers un
parti qui promettait de mettre un terme à l’impunité, oubliant que sa figure de
proue était avocate et qu’elle ne pourrait, en aucun cas, contourner le code
civil, à moins de le détruire pour en faire une réécriture, ce qui ne
manquerait pas de jeter à nouveau de vagues de mécontents dans les rues .
Et
pendant ce temps, le président élu homme politique mondial 2016 se demandait si
sa préconisation n’allait pas se trouver vérifiée.
Avant
d’être élu, conscient de la difficulté de sa tâche, il aurait confié à des
proches « J’espère qu’on ne nous jettera pas des pierres à la fin ».
Certains
plumitifs, agressifs et virulents mirent un bémol à leurs éditos au vitriol et
l’on commanda des ouvrages lénitifs notamment un livre intitulé Mademoiselle qui
brossait un tableau charmant de la vie privée élyséenne.
Bel
Aubépin se fendit d’un petit ouvrage intitulé sobrement Qui est l’ennemi ?
rappelant à toutes fins utiles que le royaume des Tulipots restait le point de
mire d’un ennemi protéiforme, qui pratiquait la haine des valeurs ancestrales
de notre pays, de Saint Louis à nos jours, nommé Daesh dont le drapeau noir
flottait comme l’étendard du malheur annoncé.
Mais cela c’est une
autre histoire.
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