En chemin vers l’île des enfants perdus, le Père Noël stoppa
son attelage de rennes pour consulter une dernière fois sa liste d’appel.
Susan, Léa, André, Harry et Benjamin n’avaient émis aucun
souhait. Par contre, Emmanuel, Prince, Johnny, Elodie, Laure souhaitaient tant de jouets qu’il aurait été impossible de
les réunir.
Robots, quads, circuits vertigineux, trains enchantés ,
poupées enrubannées et maisons de poupée revenaient souvent sur la liste
illustrée, de même que des livres imagés, des instruments de musique,
harmonicas, guitares, pianos et albums mélodieux.
Un étui en forme de guitare recelait des compact disques du
grand rocker récemment disparu et il figurait au nombre des objets désirés pour
commémorer le souvenir de l’éternel charmeur aux yeux de rêve.
Avisant une chaumière illuminée par des guirlandes féeriques
représentant des tableaux fabuleux, le Père Noël décida de faire une pause
avant de reprendre la route. Bien lui en prit car un bon feu flambait dans la
cheminée de la pièce principale et des offrandes alléchantes étaient disposées
sur une table joliment décorée.
Pyramides de fruits, coupes d’entremets fleurant bon l’orange
ou la violette, pièce montée de choux à la crème chiboust, couronnés de
chocolat attiraient l’œil.
Cependant le Père Noël ne goûta aucune de ces merveilles et
il demanda à la fée de cristal présente en ce lieu d’emballer soigneusement
toutes ces douceurs car il se promettait bien d’en faire profiter le maximum d’enfants.
Il se contenta de boire un chocolat chaud et reprit la
route, ragaillardi par cette halte merveilleuse.
Les rennes allaient bon train, pressés d’arriver à bon port
pour pouvoir repartir dans leur pays de glace où ils se sentaient si bien.
Ils prirent leur envol aux abords d’un grand lac pour
déposer enfin le Père Noël et sa précieuse cargaison près d’un château gothique
où vivaient les enfants perdus.
On les appelait ainsi pour évoquer le fait qu’on les avait
rassemblés dans ce lieu grandiose parce qu’ils avaient perdu un ou deux parents
et que personne ne pouvait s’occuper d’eux.
Dans ce château, outre l’éducation et l’enseignement
dispensés à tous les enfants, une ambiance Charlie Chaplin berçait de tendresse
ceux qui pouvaient en manquer.
Pas de rap mais la musique des films du grand cinéaste qui,
à l’âge de cinq ans, avait volé au secours de sa mère, brusquement aphone dans
son tour de chant, huée de ce fait par une salle bruyante et sans cœur. Le
petit Charlie avait alors bondi sur scène et il chanta pour permettre à sa mère
de se réfugier dans sa loge avant d’être congédiée.
Rien d’étonnant dès lors à ce qu’il ait préféré le cinéma
muet au parlant !
On visionnait aussi un merveilleux film Courgette qui
racontait la vie d’un enfant, orphelin d’une mère adonnée à la boisson. Son
séjour en orphelinat lui avait permis de faire des rencontres qui avaient donné
un sens à sa triste vie.
Bref les animations culturelles avaient pour but de pallier
le manque d’amour parfois ressenti par les enfants.
Le personnel du château s’activa pour faire disparaître les
cadeaux du traineau afin de les disposer au pied du gigantesque sapin qui
trônait au milieu de la salle à manger.
Le Père Noël avait l’intention de voir les enfants s’emparer
de leurs présents et d’assister à leur bonheur. C’est pourquoi il demanda à
être remplacé par un amateur du grand nord pour le retour.
Il échangea sa robe rouge fourrée d’hermine et sa toque
contre une tenue civile et ordonna aux rennes de rentrer avec sa doublure
occasionnelle, ce qui fut fait.
La nuit fut courte et peuplée de rêves pour chacun.
Au petit matin, les enfants se précipitèrent auprès du sapin
et découvrirent les trésors qui leur étaient réservés. Le Père Noël était
méconnaissable et d’une rare élégance. Il portait un costume trois-pièces et
une chemise à jabots. Un Borsalino gris souris cachait ses boucles argentées et
de beaux souliers vernis parachevaient cette toilette ultra chic.
Il observait les enfants, craignant que l’un d’eux ou plusieurs
ne soit déçu. Mais aucune déception ne s’afficha sur le visage des enfants.
Quant à ceux qui n’avaient rien demandé, ils découvrirent le cadeau du Père Noël
et parurent enchantés.
Jessica emporta bien vite la maison de poupée qu’elle
déballa d’une boite décorée de roses, dans sa chambre. Elle passa une bonne heure à placer meubles et
poupées dans chaque pièce. A sa manière d’installer un samovar et de préparer
un service à thé, on devinait qu’elle avait souvent observé ce rite si habituel
dans la grande Russie dont elle était originaire.
Père Noël apprit à connaître chaque enfant à sa façon de
manipuler jouets et fantaisies qui révélaient des éléments de son caractère.
Il y avait tant d’histoires secrètes à reconstituer en
chacun d’eux !
Aucun enfant ne parut déçu, au grand soulagement du Père Noël
qui avait emporté dans sa malle de voyageur, de quoi pallier tout
mécontentement : drones-reporters, Fée Clochette pour les amoureux de
Peter Pan, circuits électriques, théâtres de marionnettes, jeux de société et
bien entendu un choix de livres féeriques ou récits d’aventures.
Une pile de cahiers était prévue également pour les
écrivains en herbe.
Par la suite, le Père Noël se plut tant parmi les enfants qu’il
prit place auprès des éducateurs sous le nom de Guillaume.
Plus les jours passaient, plus il appréciait ce nouveau rôle
qui le rapprochait des enfants.
De son côté, au Groenland, l’éducateur qui avait pris sa
place, appréciait ce rôle de Père Noël si bien qu’il accepta l’échange définitif
sans problème.
Restant en contact avec sa doublure, Guillaume lui passa une
fabuleuse commande qu’il réservait aux enfants insulaires en guise de surprise
gigantesque : la création d’un voilier où chaque enfant aurait sa cabine.
Guillaume pensait que cet enfermement insulaire les privait
de tout contact avec autrui.
Imaginez la joie des enfants lorsqu’ils virent le voilier
ancré dans la crique réservée aux bateaux !
Chacun découvrit sa cabine avec bonheur et lorsque le moment
du départ arriva, des hurrahs retentirent à bord et tous les habitants de l’île
s’en furent à la conquête du bonheur, ce qui était, somme toute, le cadeau de
Noël le plus fabuleux de tous les temps !
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