Décor : le banc des origines au Luxembourg
Jacqueline
Merci chère Sophie d’avoir répondu à mon invitation sur le
banc de notre rencontre. Souvenez-vous : je doutais de l’existence des
fées tandis qu’en lisant un livre de Marguerite-Marie, vous étiez persuadée de
leur présence parmi nous.
Sophie
Quelle belle rencontre ! Ensuite, grâce à vous, nous
avons essaimé et c’est un véritable rucher d’amis chers qui s’est constitué.
Jacqueline
J’ai juste donné le coup de pouce initial en utilisant mon
hôtel particulier. Mon mérite n’est pas exceptionnel. Et à présent, chère
Sophie, le temps est venu, au terme de nos cent jours, de faire le point sur nos
acquis concernant ce fameux thème de la féerie.
Sophie
Les cent jours ! Nous voici en train de parler comme
les personnalités du monde politique ! Ai-je réussi à vous convaincre de
l’intérêt féerique de notre univers qui s’en va, de jour en jour, en lambeaux
concrets et désespérants ?
Jacqueline
Je me suis laissé emporter par l’enthousiasme. Les contes de
notre amie y sont pour beaucoup mais j’ai aussi des exemples illustrant le côté
plausible de cette lumineuse façon de concevoir le monde. Jeanne Moreau, cette
grande actrice dont le visage et la voix sont ancrés en notre mémoire, déclara
un jour qu’elle croyait aux anges et aux fées. Si une fée surgissait
brusquement et se tenait à ses côtés, disait-elle un jour lors d’un entretien,
elle n’en serait pas étonnée.
Cette croyance plaide en la faveur du monde féerique car
Jeanne Moreau était une personne authentique, intelligente et bien ancrée dans
le monde réel.
Sophie
Je ne connaissais pas cette anecdote et je suis heureuse de
l’engranger dans ma hotte de fée. Pour ma part, je comptais apporter une pierre
blanche à ma thèse en citant Bruno Bettelheim et sa Psychanalyse des contes de
fées. Son analyse thématique regorge d’exemples précis, extraits de contes
célèbres et il en donne une interprétation, voire une étude précise.
Le petit chaperon rouge serait à la fois séduit, effrayé et
curieux face au loup qui représenterait les multiples facettes masculines. Fuir
ou se jeter dans ses bras, quitte à être dévorée ? La lisière entre le
réel et le conte est très mince, un voile de brume qui dissimule parfois le lit
des rivières, tout aussi dangereuses et attrayantes.
Jacqueline
Passionnant ! Je vais dévorer ce livre et me conduire
en louve de papier.
Passe un jeune homme vêtu avec élégance. Un camélia orne la
boutonnière de sa veste.
Pardonnez-moi, mesdames, puis-je m’asseoir à vos côtés ?
Les deux amies éclatent de rire, à la grande stupéfaction du
jeune homme puis Jacqueline prend la parole.
Ne vous méprenez pas, cher ami. Nous ne nous moquons pas de
vous. Simplement, vous reproduisez sans le savoir un schéma qui nous a unis
dans une chaîne d’amitié. Sophie lisait un recueil de contes sur ce banc, je l’ai
interpellée et me suis assise à ses côtés puis nous avons constitué un cercle d’amis,
au hasard des passages.
Voulez-vous adhérer à notre cercle ?
Bruno, le jeune homme élégant
Bien volontiers, mesdames car je me sens très seul !
Jacqueline
Eh bien, à demain, chez moi 8 rue des Lilas. C’est un hôtel
particulier et vous y serez le bienvenu.
Venez à dix-sept heures, pour le thé.
Tous se quittent.
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