
Des rideaux de velours bois de
rose laissaient filtrer les rayons du soleil dans l’atelier de Francis, offrant
ainsi des couleurs tendres qui nimbaient Céleste, modèle posant nu sur une
bergère bleue.
Les yeux posés tour à tour sur la toile et sur la jeune
beauté dont il voulait saisir toutes les nuances de sa chair nacrée, Francis
prenait à peine le temps de nettoyer ses pinceaux, craignant de voir s’échapper
un reflet lumineux.
Céleste réclama une pause,
revêtit une ample robe aux couleurs de l’arc-en-ciel et but à petites gorgées
du thé au jasmin.
Francis avait sorti son carnet d’esquisses
et poursuivait son travail de capteur d’âme singulière.
Céleste était pour lui une énigme
vivante. Sa beauté relevait du divin et du mystère antique.
Un jour, lorsqu’il en aurait
perçu toutes les nuances, elle ne l’intéresserait plus mais pour l’instant, il
la voulait toute à lui.
Il posa ses crayons sur une table
de merisier, enlaça Céleste, l’embrassa voluptueusement, la coucha sur son lit
à baldaquin et s’empara des trésors cachés au tréfonds de son jardin d’amour.
Au réveil, il était seul.
Céleste s’était éclipsée
discrètement, emportant la liasse de billets qui rémunéraient ses heures de
pose.
Dans son petit appartement
douillet et confortable, elle prit un petit déjeuner reconstituant, chassa
Francis de sa mémoire et fit courir sa plume sur un parchemin rose pour
emprunter une voie de traverse qui la conduirait à Compostelle.
Francis, de son côté, reprit ses
pinceaux et trouva la nuance irréelle et sublime, un mélange de camélia, d’hibiscus
et de crème onctueuse : il termina enfin son tableau.
Céleste resplendissait au cœur d’une
forêt imaginaire inspirée par Brocéliande et son légendaire étoilé.
Nue, elle était nimbée d’une
lumière irréelle et divine.
Son corps dont il croyait
connaître les moindres frémissements offrait au monde une nouvelle naissance de
Vénus, au cœur de la coquille nacrée, au sortir de l’onde.
Enivré par toute cette beauté,
Francis ressentit à nouveau la morsure du désir et il courut à la recherche de
son aimée, son incroyable Céleste qui incarnait à elle seule toutes les femmes
du monde qui auraient pu le surprendre et l’aimer.
Sur la route qui le conduisait
vers sa belle d’amour, il croisa une étoile filante, fit un vœu et se retrouva,
pantelant auprès de son amour pour lui offrir son cœur enrobé de tendresse.
Il lui apportait en outre cette
couleur profonde de l’émoi qu’il avait vu naître de ses pinceaux et qui
porterait désormais son nom, le rose Céleste !