En négligé de soie

 

«  De toutes les matières

C’est la ouate qu’elle préfère

Passive, elle est pensive

En négligé de soie ».

Fredonnant la chanson, Capucine esquissa un pas de danse, faisant voler les pans soyeux de sa robe-fleur. Elle attendait la venue de Gabriel, son amant de cœur.

Elle tapota les coussins du sofa, vérifia la bonne marche de la machine à café, disposa des puits d’amour sur un drageoir garni de guimauve et de cœurs coulants à la myrtille.

Un coup de sonnette strident la fit sursauter. Livraison dit une voix anonyme. Ouverture de la porte. Un homme cagoulé aux mains puissantes ferma la porte à clef derrière lui, jeta la jeune femme sans ménagement sur le sol et la viola longuement et férocement avant de partir, la laissant exsangue, endolorie, l’âme brisée.

Capucine réussit à se lever, elle se vêtit sobrement, ferma la porte sans laisser de mot pour Gabriel et se dirigea vers le commissariat pour porter plainte.

On la renvoya d’un service à l’autre. Lasse de ce jeu de ping-pong, elle sortit pour se réfugier à l’hôpital. Nouvelle déconvenue. Les urgences étaient prises d’assaut. Se ravisant, Capucine quitta l’hôpital, retira de l’argent à la banque, acheta un sac de voyage, une tenue de rechange, quelques robes seyantes, une trousse de toilette et prit le train en direction des Landes où elle possédait une jolie maison à colombages située au cœur d’un airial lumineux fréquenté par les chevreuils et les sangliers.

Arrivée à bon port, Capucine enleva les housses qui protégeaient le mobilier, donna un grand coup de balai dans toutes les pièces pour chasser la poussière, alluma le feu dans la cheminée et attendit la venue de Quitterie, sa nourrice, pour savourer un plat de sa confection : elle l’avait avertie de son désir de retrouver le nid familial sans en dire davantage.

Quitterie habitait un charmant petit village, Eugénie-les-bains, qui se transformait en centre touristique durant une longue saison thermale.

Elle vivait dans un chalet spacieux et possédait un poulailler, un verger et un potager.

Sa Clio chargée de victuailles en tout genre, elle prit la route, heureuse de retrouver celle qui était restée son enfant.

Les retrouvailles furent chaleureuses.

Quitterie se mit immédiatement au travail. Elle chauffa la garbure traditionnelle dans la crémaillère, prépara une salade gasconne avec une laitue romaine, des gésiers poêlés, du foie gras d’oie posé sur un blinis, des pignons de pin et des champignons émincés.

Le dessert consistait en la pâtisserie régionale par excellence, la tourtière landaise, feuilletée, fourrée aux pommes et flambée à l’Armagnac, eau de vie ancestrale émanant de chais prestigieux.

Les deux femmes savourèrent cet excellent repas, burent un excellent Tursan avec modération puis, le café dégusté, elles débarrassèrent la table, remirent de l’ordre dans la cuisine et se retirèrent dans leur chambre respective pour se reposer avant d’établir un programme pour les jours à venir.