Les jours passèrent comme un enchantement. Cueillette de plantes odorantes, de fruits des bois et de fleurs comestibles ou destinées à s’épanouir dans les vases de La Jalousie, nom de la maison de Capucine ainsi nommée depuis des lustres sans qu’on en connaisse la raison, occupaient une partie du temps de Quitterie et de sa filleule.
Les plats se succédaient, les deux femmes rivalisant d’innovation et d’attachement à la tradition.
Capucine oubliait progressivement l’attaque criminelle dont elle avait été victime lorsqu’elle constata, un soir, en faisant sa toilette, que son ventre s’était arrondi. Elle consulta un médecin qui confirma son état.
Elle prit la décision de garder l’enfant mais de taire l’origine de sa création.
Quitterie, folle de joie, entoura Capucine de son affection, lui interdisant tout effort qui pourrait nuire à l’enfant.
Gabriel naquit dans une maternité renommée et l’on s’extasia devant sa beauté. C’était un enfant magnifique. Capucine l’aima instantanément.
Elle décida de rester à La Jalousie durant sa petite enfance. Elle se mit à la poterie et vendit ses œuvres sur les marchés. Gabriel trottinait à ses côtés, mangeait un fruit ou une sucrerie offerts par les vendeurs charmés par sa gentillesse et ses longs cils.
Ce détail « longs cils » frappa Capucine en plein cœur. En effet l’homme qu’elle avait aimé, Gabriel, avait ces longs cils qu’elle aimait contempler lorsque, les yeux mi-clos, il lui prodiguait des caresses appuyées.
« C’est l’effet du hasard » se disait-elle pour se rassurer. « Le monstre qui m’a violée ne peut pas être Gabriel » : elle avait d’ailleurs donné son prénom à son fils pour effacer le souvenir du terrible monstre qui était à l’origine de sa création.
Puis petit à petit, elle en vint à penser que cette métamorphose d’homme doux et romantique en bête féroce n’était pas impossible.
« Je savais peu de choses le concernant. Je m’étais laissée aller à une douce rêverie, me croyant aimée ».
Capucine pensa qu’il valait mieux chasser le souvenir de cet homme aux deux facettes et elle renonça à comprendre les raisons de son acte.
Soulagée d’avoir résolu une énigme, elle se rassura en pensant qu’elle n’avait jamais parlé de sa propriété landaise et que ce malade ne pourrait jamais l’y retrouver.
Elle n’en chérit que plus son petit Gabriel aux longs cils, souhaitant qu’il devienne un jeune homme humaniste et proche de la nature généreuse de son terroir natal.
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