Alors qu’elle se frayait un chemin dans
les souks de Marrakech, Latifa entendit une petite voix qui se voulait
suppliante : « Achetez-moi par pitié ! Dieu vous le
rendra ! » Elle finit par trouver l’émetteur. C’était une magnifique théière
en argent, exactement l’objet qui lui manquait pour offrir à ses invités la
touche finale raffinée et délicate de tout repas festif. Elle marchanda pour
l’usage et mit le bel objet soigneusement emballé dans du papier de soie dans
son couffin.
Pour faire bonne mesure avec son
opération coup de cœur, elle acheta également des colliers de perles « mignonnettes »
réalisés artisanalement, de la menthe et de la verveine pour étrenner la
théière et enfin quelques pâtisseries orientales dont elle raffolait !
Elle partit d’un bon pas vers son Riad
car elle savait que la cuisinière avait préparé une excellente pastilla aux
pigeons, son plat préféré qui ne souffrait pas de retard.
Les aiguières d’eau de rose circulèrent
autour de la table ronde en argent massif. Après ces ablutions, chacun se
servit délicatement d’une part raisonnable et dégusta ce mets princier.
De la crème parfumée à la fleur d’oranger
et parsemée d’amandes effilées dorées au four contribua à plonger les convives
dans une atmosphère gourmande. Enfin la théière apparut. Sa splendeur éclata,
reléguant les pâtisseries à un rang inférieur.
Ce fut un émerveillement total lorsque
la maîtresse de maison laissa couler le thé parfumé dans les verres filé or.
On eut l’impression que des anges
volaient dans la pièce, jouant à cache-cache dans les lourdes tentures de
brocart.
Après le départ de ses hôtes, Latifa
connut une minute de bonheur. Lorsque toute la vaisselle fut lavée et remise en
place, Latifa déposa en secret un baiser sur la théière qu’elle considérait
comme un objet magique.
Elle eut une nuit sans nuage mais elle
fut brusquement tirée de son sommeil par un cri : « On a volé la
théière ! » Latifa enfila sa robe de chambre et courut à la cuisine.
Elle constata l’absence de l’objet tant aimé mais s’empressa de réconforter la
jeune femme : il n’était pas question qu’elle la soupçonne. « Le
problème trouvera sa solution » dit-elle avec assurance.
À cet instant, le
heurtoir indiqua qu’elles avaient une visite. Elle ouvrit la porte et découvrit
une ravissante petite fille richement vêtue. L’enfant se précipita dans ses
bras ce qui inonda le cœur de Latifa. Elle n’avait jamais pu avoir d’enfant et
son mari avait cédé aux menaces de sa famille. Il avait prétexté un voyage d’affaires
à l’étranger pour briser les malentendus, laissant à sa femme bien aimée le
soin de résoudre leur problème. « Je serai votre fille, mère, si vous le
souhaitez car j’ai été enlevée à ma famille et transformée en théière d’argent
par un marabout. Il y a si longtemps ! Mes parents sont certainement
morts. L’enchantement devait prendre fin grâce à un baiser, ce dont vous m’avez
gratifiée. Je me nomme Bahia ». L’enfant se laissa conduire dans la
chambre qui avait été préparée jadis pour l’héritier de la maison. Latifa l’avait
laissée intacte avec son confort et ses jouets.
Par la suite, Bahia sut se faire
apprécier. Intelligence, beauté et gentillesse formaient sa personnalité et la
rendaient attachante.
Ayant conscience qu’elle ne pouvait pas
raconter à son mari un semblable conte, Latifa résolut de lui présenter la petite
fille par le biais de l’adoption. Elle lui envoya plusieurs photos et messages
par son portable. Son mari fut enchanté par cette solution si agréable à leur
problème et abrégea son séjour. L’enfant fut rapidement adoptée et pour briser
toute question concernant la théière en argent, Latifa se rendit au souk et
acheta un ustensile plus rutilant encore. Elle fut soulagée de n’entendre
aucune petite voix l’implorer. Bahia devint l’enfant de la maison et rendit le
bonheur à toute la famille.
De plus,
quelques mois plus tard, Latifa eut la certitude qu’elle était enceinte et qu’un
bébé naîtrait bientôt dans ce Riad ensoleillé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire