En
observant le courant d’une rivière, Fleur de Lune vit passer un voilier d’or.
C’était
une pure merveille, de la féerie à l’état pur ! L’image se disloqua pour
céder la place à une joyeuse bande de truites dont la jeune fille tira profit.
Son panier rempli de poissons frétillants, elle prit la route de retour. Elle
fut accueillie par des cris et des rires à la vue de sa pêche miraculeuse.
Chaque
femme s’activa pour tirer le meilleur profit de ce qui deviendrait la base d’un
repas de fête.
Les
galettes de manioc cuisaient sous la braise et des blancs de dinde
agrémenteraient le repas d’une note gourmande avec une purée d’ignames.
Le
repas fut parfait. Fleur de Lune cependant ne pouvait s’empêcher de penser au
voilier d’or dont elle n’avait parlé à personne.
Qui
l’aurait crue ?
Le
lendemain, elle se rendit au bord de la rivière, le cœur battant et il était
là, ancré près d’un bosquet de roseaux. Elle ouvrit la porte et découvrit un
homme d’une grande beauté. Il était grand, ses cheveux flottaient sur ses
épaules et ses yeux brillaient comme des éclats de topaze dans un iris turquoise.
Il portait les vêtements d’un grand seigneur, un jabot de dentelle cascadant
sur une chemise d’un blanc nacré. Ses pantalons de soie noire étaient ceints de
cuir et d’une boucle d’argent. Il portait des bottes souples et un charmant
gilet brodé le protégeait de la fraîcheur, complétant le costume glamour de cet
homme exceptionnel.
Il
entoura Fleur de Lune d’un bras caressant et donna l’ordre à un équipage
invisible de mettre le cap sur l’océan. Le voyage eut la durée du rêve, dense
et intense.
Lorsqu’ils
naviguèrent sur l’océan, Fleur de Lune était définitivement conquise par son
compagnon. Le voilier glissait sur les flots et lorsqu’ils touchèrent au but,
Fleur de Lune eut la surprise de mettre le pied sur le sable d’une île
paradisiaque.
« Venez,
Amour, lui dit son amant, vous allez adorer votre domaine ». Thual, son
prince, la guida jusqu’à une maison à colonnades, blanche et conviviale. Elle
était superbement meublée et des serviteurs apportèrent des mets savoureux,
tourte de volaille, fricassée de légumes et un assortiment de fruits délicieux.
Fleur de Lune et Thual connurent ensuite une nuit passionnée. Tout était
merveilleux et cependant la jeune femme se sentait un peu inquiète. Tout était trop
beau pour être vrai !
Effectivement
elle nota quelques indices étranges.
Thual
disparaissait sans lui donner d’explications et à son retour, il lui offrait
des cadeaux qui semblaient provenir d’un curieux marché.
Elle
posa quelques questions aux domestiques mais n’obtint que des réponses vagues.
Le maître travaillait beaucoup et c’est pour cette raison qu’il revenait chargé
de cadeaux.
Cependant
un jour, elle obtint une réponse. Un déluge de feu se faisait entendre à l’horizon
et soudain, il arriva, le voilier de ses rêves. Il arborait le drapeau noir des
pirates !
Elle
comprit avec horreur en quoi consistait le fameux travail de l’être aimé.
Elle
se vêtit d’une robe confortable, chaussa des bottines de marche et s’enfuit le
plus loin possible de la maison qui reposait sur des rapines.
Elle
marcha longtemps, arriva à l’autre extrémité de l’île, s’embarqua à bord d’une
pirogue et pagaya de toutes ses forces. Elle finit par croiser un navire qui la
débarqua près du delta du fleuve de sa jeunesse. Elle marcha encore et encore
et revint enfin au village, fourbue et les pieds en sang.
On
la soigna puis on la laissa dormir. Au réveil, après un solide repas, elle
raconta son incroyable histoire et chacun s’extasia face à ce récit terrible et
charmant à la fois.
On
mit en garde les femmes et les enfants : ne jamais s’approcher d’un
voilier d’or et n’accorder aucune confiance au premier bel homme venu.
Fleur
de Lune laissa le temps faire son œuvre puis se félicita d’avoir été demandée
en mariage par un jeune veuf qui l’avait remarquée lors de son adolescence.
Le mariage fut célébré
et Fleur de Lune oublia à tout jamais le bel amant menteur du voilier d’or !
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