Il était une fois une
princesse qui refusait toutes les propositions de fiançailles venues des
princes proches de son royaume. À l’abri dans les murs ocre de son
palais, Batoucha, belle parmi les belles justifiait ces affronts infligés à des
jeunes gens de qualité et de belle prestance par la révélation de son magicien
personnel : elle ne devait accorder sa main qu’au prince capable de faire
surgir un lac en plein désert et de lui offrir un palais de marbre couleur
turquoise où le soleil viendrait se mirer et renvoyer ses rayons à travers le
prisme de joyaux diamantaires.
Chacun rit sous cape à
l’énoncé de ce sortilège impossible à réaliser et les princes furent soulagés d’avoir
été éconduits par une princesse aussi fantasque et ils se tournèrent vers d’autres
partenaires pour convoler en des noces prospères.
Il n’en resta qu’un :
s’inclinant devant sa reine, la main sur le cœur, il lui jura de parcourir le
monde pour trouver le palais de Turquoise et il partit en emportant pour
talisman le foulard de soie de l’élue de son âme.
Les années passèrent,
le prince ne revenant pas, Batoucha en déduisit qu’il était mort ou qu’il avait
rencontré une femme plus belle qu’elle n’était, ce qu’elle trouvait tout à fait
insupportable.
Craignant que les
quolibets dont elle commençait à faire l’objet ne détruisent son royaume, elle
ordonna que l’on selle son vaisseau du désert, Nuage Bleu et rassembla une
petite escorte pour partir à la rencontre de son destin. Ils s’enfoncèrent dans
le désert, se reposant la nuit en un bivouac improvisé. Batoucha était
infatigable car elle croyait en son étoile. Elle était certaine qu’un lac
réservé aux flamands roses surgirait du désert et qu’elle découvrirait ensuite
le palais bleu.
Comme il lui
paraissait fade, son palais natal, construit avec la terre de son royaume. Même
si les sculptures étaient absolument admirables, cette habitation ne lui
semblait pas digne de sa beauté. Poursuivant son idéal, elle notait à peine la
fatigue de son escorte. Certains notables se groupaient dès qu’ils le pouvaient
pour fomenter une révolte tant cette marche désespérée leur semblait
détestable.
Alors qu’un audacieux
venait de prendre la décision de poignarder la princesse tyrannique dans son
sommeil, un nuage bleu se forma, en dispersant les cendres du bivouac.
Batoucha enfourcha
Nuage Bleu et suivie de deux amis fidèles quitta ces lieux, abandonnant les
conspirateurs à leur sort. L’aube se leva sur un paysage souriant. Une oasis s’offrait
à leurs yeux éblouis. Ils y furent accueillis en hôtes de marque. Un bain
salvateur leur enleva toute fatigue et le banquet leur restitua toutes leurs
forces et leur bel enthousiasme.
Poulets farcis aux
amandes cuits en tajine, gâteaux au miel et tranches de melons parfumés à la
fleur d’oranger régalèrent les convives, à l’abri du vent de sable sous une
tente où l’on servit ensuite le rituel thé à la menthe assorti de loukoums et
de cornes de gazelle.
Après ce véritable
festin, Batoucha demanda à se reposer, ce qui lui fut accordé. Allongée dans un
hamac sous une tente royale, elle se laissait aller à une douce rêverie. Elle
eut l’impression de voir un tapis volant mais pensa qu’il s’agissait d’un rêve.
Lorsqu’elle découvrit en s’éveillant un paysage qui se déroulait comme un
ruban, elle réalisa enfin qu’elle vivait un moment exceptionnel et féerique.
Le tapis finit par
ralentir et la déposa, ô merveille, sur les marches d’un palais couleur turquoise
où des diamants étincelaient. La prédiction était en partie réalisée. Il n’y
manquait que le lac « Venez, princesse, le lac vous attend » lui dit
l’audacieux jeune homme qui était à la recherche de l’improbable royaume. Il
lui prit galamment la main, lui fit traverser le palais de part en part et ils
arrivèrent au bord d’un lac bleu où s’ébrouaient des flamants roses.
« Dorénavant, on
vous nommera la princesse Turquoise » lui dit amoureusement son valeureux
prétendant et il dévoila son identité : il était le prince de la pléiade
et il était à la recherche de son passé et du royaume prédit à Batoucha dont il
était épris. « Si vous le désirez, ô ma reine, vous deviendrez mon épouse
et nous aurons de beaux enfants aux yeux couleur de lumière ; sinon je
rejoindrai la constellation à laquelle j’appartiens pour y siéger auprès des
étoiles de ma famille ».
Batoucha n’hésita pas longtemps. Adressant un regard
langoureux au prince de son cœur, elle lui dit simplement « Je serai ta
princesse Turquoise » et ils s’unirent dans un baiser fougueux.
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