Trempant ses jolis
pieds dans les eaux vives des ruisseaux, la fée Noisette rêvait tout en
surveillant le petit monde de son royaume, notamment les écureuils si facétieux
et prêts à de nombreuses cabrioles au péril de leur vie.
Dans l’eau claire d’une
rivière abandonnée et cachée dans un écrin de verdure en forme de cœur, un
bouclier d’argent porté par trois naïades surgit dans un éclaboussement d’écume.
« Le chevalier à
qui ce bouclier est destiné ne doit pas être loin » pensa la fée et elle
ne se trompait guère car des mains protégées par des gantelets d’acier ciselé
se posèrent sur ses épaules et elle se laissa guider par ce héros échappé d’un
cercle légendaire.
Juchée en amazone sur
l’alezan de son beau chevalier, la fée contemplait son visage dans le reflet du
bouclier. Son charme était indéfinissable. Cependant la fée aperçut un pli
cruel à la commissure de ses lèvres charnues, au parfum de cerise. Elle ferma
un instant les yeux et fut propulsée à terre alors qu’elle tenait toujours le
bouclier.
Étourdie par le choc, elle se rassura
en constatant qu’une farandole d’écureuils l’entourait d’une courbe
protectrice. Des bébés écureuils sur les genoux, la fée se consolait d’avoir
perdu un bel amour mais soudain, en posant le regard sur le bouclier, elle vit
avec surprise un visage diabolique entouré de serpents qui s’échappaient du pli
cruel de la jolie bouche qu’elle avait contemplée en rêvant d’un amour fou :
le chevalier était un monstre échappé de son château en ruines et sans le
secours de ses téméraires écureuils, elle aurait été dépecée pour entretenir un
rite satanique !
La fée Noisette retrouva avec bonheur sa jolie
chaumière au cœur de la forêt et se jura de ne plus se laisser séduire par un
chevalier. Elle jeta le bouclier d’argent dans le courant de la rivière et un
saumon l’emporta sur son dos jusqu’au château des souvenirs perdus.
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