Au sein d’une forêt que l’on disait
impénétrable et au cœur d’un palais inconnus de tous, grandissait en sagesse et
en beauté une princesse qui répondait au joli nom celtique de Nolwenn. Elle
aimait chanter et lorsque ses notes s’élevaient vers le ciel, des trouées
magiques s’opéraient dans les frondaisons et des nuées d’oiseaux accompagnaient
son chant avec amour.
Sa réputation allait en grandissant et c’est
ainsi qu’un prince asiatique eut vent de cette merveilleuse créature, qu’il en
rêva et qu’il décida d’aller à sa rencontre.
On essaya de le retenir car chacun
imaginait qu’un sortilège accompagnait ce renom mais tous les efforts furent
vains. Le prince Lys-Azur prépara de magnifiques cadeaux destinés à la princesse.
Or, jade, vases en porcelaine fine et services somptueux alternaient avec des
balles de soie et des robes de rêve. Enfin le grand jour arriva et le prince
escorté par les meilleurs sabreurs du royaume s’en fut vers son destin.
Loin de se douter qu’elle faisait l’objet
de multiples arrentions, la princesse Nolwenn se rendait régulièrement à la
fontaine sacrée où la fée Viviane et l’enchanteur Merlin s’étaient rencontrés
et elle chantait un hymne à l’amour de
sa composition en espérant qu’un jour il viendrait à sa cour, son bel inconnu,
son Tristan, son Lancelot qu’elle espérait doté d’un avenir radieux
contrairement à ces héros mythiques.
De retour au palais, elle réclamait
écritoire, pinceaux, fusains et plumes pour illustrer un manuscrit personnel d’odes
à l’aimé et de croquis où se dessinait une silhouette élégante, cavalière et
grande par un physique avantageux et de beaux yeux où flottaient lotus et
nuages.
Des paysages harmonieux
jaillissaient également de sa plume et de ses pinceaux et elle créait des
jardins fabuleux où l’aimé pourrait la découvrir au détour d’une allée d’ifs
précieusement taillés.
On fit venir d’Orient des jasmins,
des lys et des agrumes, orangers, citronniers, cédratiers où apparaissait la
main de Bouddha et Nolwenn prit un
plaisir immense à participer aux travaux de jardinage. On créa aussi une
roseraie d’une grande beauté. La princesse y accédait entre les rangées d’hortensias
qui se plaisaient beaucoup en sa terre celtique. Un pavillon de bois et de
verre surgissait parmi les biches et elle aimait y faire halte afin de réaliser
des croquis sur le vif.
En outre, la princesse avait à cœur
de se rendre dans les gigantesques cuisines du palais où étincelaient des ustensiles
en cuivre et en argent afin de parfaire sa pratique de plats traditionnels, le
kig-ha-fars, la cotriade, le homard à l’armoricaine, les coquilles Saint-Jacques,
des plats d’agneau ou de poulets et de merveilleux desserts, le kouign-amann, des
gâteaux de riz, des gâteaux aux pommes et mille et une merveilles, avec des
variantes.
Son plat préféré avait le charme de
la simplicité, il s’agissait de crabes chauds. Quant au dessert, elle optait
souvent pour un gâteau de riz accompagné de crème anglaise. Cependant sa nourrice
avait coutume de lui dire que si l’on attirait l’attention d’un prince par sa
beauté, on le retenait par la confection de plats délicats et renouvelés. C’est
pourquoi elle s’adonnait à la pratique culinaire avec autant d’enthousiasme que
pour ses travaux artistiques.
De son côté, cheveux au vent, le
prince Lys-Azur chevauchait en rêvant. Néanmoins il prit la sage décision de
scinder son escorte en trois, la sienne consistant en la plus légère avec juste
quelques cadeaux de grand prix.
On redoutait souvent dans les
terres inconnues des brigands assoiffés d’or et d’argent ou tout simplement des
pauvres devenus bandits pour ne pas mourir avec leurs familles dans le
dénuement.
Les attaques eurent bien lieu et il
y eut des morts de part et d’autre. Quelques bandits parvinrent à s’enfuir avec
un butin prodigieux mais ils n’en bénéficièrent pas longtemps car ils s’entretuèrent
pour s’emparer du trésor. Des habitants découvrirent les cadavres et des
cadeaux somptueux dont ils ne soupçonnaient pas l’existence. Craignant des
représailles, ils suivirent les traces des voleurs et arrivèrent à l’escorte
qui bivouaquait au clair de lune. Le prince Lys-Azur fut sensible à leur honnêteté
et il les récompensa en distribuant équitablement quelques présents. Il les
invita à passer la nuit auprès d’eux afin de ne pas succomber à une nouvelle
attaque.
Le lendemain, ces braves gens
partirent, nantis d’objets d’art qui les aideraient à affronter les intempéries
et aléas de la vie.
Une jeune paysanne, Fleur de Marie
plut beaucoup au maître d’armes de l’escorte. Il lui promit de venir la
chercher pour l’épouser à leur retour et en guise de gage, il lui offrit une
chevalière qui ornait le berceau du premier enfant de sa famille. Rougissant à
l’évocation de ces éléments concrets, la jeune paysanne s’en revint au village,
le cœur plein d’amour car cet homme au beau visage ne lui était pas indifférent.
Cet épisode digne des romans d’amour
plut au prince car il y voyait les prémices de la passion qui le dévorait pour
une belle inconnue. Il ajouta un ballot de soie à la chevalière et recommanda à
la jeune fille de se constituer un trousseau qui mettrait sa beauté en valeur. « Vous
êtes si belle lui dit-il que si mon cœur n’était pas pris ailleurs, je vous
aurais fait un brin de cour ». Enfin après un solide petit déjeuner, la
troupe se remit à cheval pour la conquête de la princesse lointaine. La nuit
suivante, après un bivouac enchanteur où s’exprima un poète avec lyrisme, le
prince Lys-Azur fut réveillé par une bulle de clarté lunaire. Intrigué, il en
suivit le parcours et se retrouva loin de son camp en pleine nature où chaque
élément paraissait étrange. Près d’un étang, un troupeau de buffles paissait
avec sérénité.
Une jeune fille brune aux longs
cheveux étoilés de diamants roses caressait celui qui semblait être le chef du
troupeau Lys-Azur s’approcha, subjugué par ce tableau charmant et se sentit
happé par les cheveux par une force surnaturelle.
Au petit matin, on s’aperçut avec
effroi de la disparition du prince. Le maître d’armes prit la tête des
recherches et ils arrivent enfin auprès du lac mystérieux. Un buffle bleu
semblait les attendre et les suivit docilement. Le chef de l’escorte trouva un
indice sur le terrain. Il s’agissait d’un collier de perles de grande valeur
que le prince destinait à la princesse de ses rêves et qu’il gardait
soigneusement sur lui. Il avait certainement fait une mauvaise rencontre à
moins qu’un sortilège ne se soit déclenché.
Le maître d’armes opta pour la
deuxième hypothèse. La présence du buffle bleu dont les yeux rappelaient le
beau regard du prince lui semblait évident. C’est pourquoi il prit la décision
de regagner le campement, d’attendre le lendemain matin pour reprendre la route
qui menait à la forêt imprenable. Personne ne s’étonna du fait que le buffle
bleu les avait suivis jusqu’au bivouac car tous pensaient que cet animal
fabuleux était l’une des clefs de l’énigme de la disparition du prince et
chacun s’accoutuma à sa présence, étrangement réconfortante.
Lors de la traversée de territoires
étrangers, il était l’objet de l’affection des habitants et l’escorte
bénéficiait de cadeaux apportés spontanément à cet animal qui semblait être un
signe bienveillant des dieux. Corbeilles de semoule cuisinée, fruits,
cotonnades et lainages assortis à des bijoux artisanaux se succédaient à la
grande joie des guerriers qui voyaient s’accroître les dons destinés à la princesse.
Par ailleurs, la nourriture leur était assurée et il suffisait de quelques
ingrédients supplémentaires pour que les repas soient fournis et vitaminés.
Enfin la forêt imprenable fut en
vue. L’escorte du prince retrouva les deux colonnes envoyées en rangs dispersés
et donna des explications sur l’étrange
disparition du prince. Le buffle eut à nouveau sa part de succès.
Il fut décidé que l’on partirait,
hache à la main, le lendemain, à la création d’un chemin qui mènerait au palais
de la princesse. Tous pensèrent que le buffle leur serait précieux et qu’il
servirait à ouvrir le chemin.
Aux abords de la forêt, une
quantité d’oiseaux leur tint lieu d’escorte. Le buffle avait fière allure et
lorsque les défricheurs se mirent en devoir de se frayer un sentier, il les
accompagna, prenant bientôt les devants.
La forêt était vraiment très
épaisse et au fur et à mesure que la troupe progressait, les arbres
repoussaient à une vitesse vertigineuse. Chacun pensait sans oser le dire que s’ils
avaient affaire à une forteresse invincible, il leur serait impossible de faire
demi-tour.
Enfin l’horizon s’éclaircit, une
pièce d’eau apparut et au loin, un château de bel aspect se détacha d’une
muraille de nuages bleus.
Sans hésiter, le buffle traversa la
pièce d’eau à la nage tandis que les hommes coupaient du bois pour construire
des radeaux. Ces travaux allèrent tambour battant et chacun eut le loisir d’apprécier
les sculptures en bois de rose d’une lourde porte aux ferrures impressionnantes.
La porte s’ouvrit et une jeune
beauté leur parla ainsi :
« Il y a longtemps que je vous
attends car j’ai entendu parler de vous par les messages des oiseaux. Mais où
est votre prince ? » Un silence se fit mais le buffle bleu que tout
le monde avait oublié flotta un instant dans l’air léger et reprit les traits
et la stature du prince Lys-Azur.
« Me voici, princesse ! J’ai
été métamorphosé en buffle bleu en chemin mais mon maître d’armes a eu la
présence d’esprit de penser que j’avais été victime d’un sortilège en ramassant
le collier de perles que je te destinais en cadeau de demande de fiançailles ».
Le maître d’armes s’inclina aux
côtés de son prince et lui remit le collier qui était absolument merveilleux.
La princesse le reçut avec modestie
et bonheur puis il invita le prince et son escorte princière à la suivre dans
la salle d’apparat du château.
Les hommes d’armes seraient logés
dans les dépendances conçues à cet effet et on leur servirait de bons repas
dans la cour du château, sous un dais fleurdelisé. La salle d’apparat sembla au
prince et à sa cour de belle facture.
Une grande table était jonchée de
plats délicats et de breuvages délicieux et chacun fit honneur à ce banquet.
Puis des dames d’atour conduisirent
les gentilshommes dans leurs appartements et le prince put enfin s’entretenir
en tête à tête avec la belle princesse de ses rêves, Nolwenn aux yeux d’azur. « Voici
notre trait d’union, cher prince, cet azur qui est une partie de votre nom et
la couleur de mes yeux à ce que disent les poètes de mon domaine. Mais
savez-vous pourquoi vous avez été métamorphosé en buffle bleu ?
Mais pour pouvoir protéger mon
escorte et passer inaperçu en traversant les contrées parfois hostiles à notre
égard. Qui aurait pu deviner que le buffle bleu cachait un prince ? ».
Heureux de constater que son prince était aussi intelligent
que beau la princesse Nolwenn laissa délicatement sa tête tomber sur l’épaule
de Lys-Azur et bientôt la nuit les enveloppa, pour les laisser vivre les
prémices d’un bel amour.
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