Sous les pavés, la mer de la discorde
Des insurgés en tout genre mirent à profit l’anniversaire de
Mai 68 pour livrer une bataille contre le président et son gouvernement.
Une pléiade de mouvements séditieux où se mêlaient des
manifestants classiques à d’autres qui, sous couvert de manifestation festive,
menaient des luttes subversives, incluant parfois des simulacres de pendaison.
Des effigies à l’apparence présidentielle fleurissaient comme les boutons d’or printanier,
portant parfois un impact de balles de façon sinistre et inquiétante.
Des jusqu’auboutistes
en arrivaient à vouloir prendre d’assaut la résidence présidentielle,
détruisant, faute de mieux, les magasins qui évoquaient, à leurs yeux, le
capitalisme dans toute son horreur. Certains enragés rêvaient même d’un événement
subversif total, inscrivant la date 1871 sur les murs, ce que l’on peut
traduire par le rêve de la Commune, ce mouvement de révolte qui mit Paris à feu
et à sang et qui se traduisit ensuite, après l’échec de la révolte, à une
traque des cerveaux instigateurs, si impitoyable que la politique des
gouvernements s’en trouva profondément modifiée, instaurant une sorte de
censure profonde et une mise en œuvre de services secrets qui obligeaient les
partisans de la colère à vivre à l’étranger, témoin le romancier Jules Vallès,
réfugié à Londres pour échapper aux représailles.
Quant au petit peuple qui avait eu la naïveté de croire qu’un
idéal pouvait battre une riche et puissante bourgeoisie, il souffrit plus qu’avant
et des générations entières furent frappées par un ostracisme féroce.
Un bourgeois débonnaire se transforme souvent en loup féroce
lorsque ses intérêts sont menacés.
Loin de toute cette agitation de rue, ne s’émouvant pas des
buchers ou des pendaisons que l’on réservait à ses effigies, le président
allait de l’avant, menant de front des combats pour la modernisation de l’état,
la réduction d’une dette publique qui n’avait cessé de filer par le souci de
clientélisme des précédents présidents et la reconquête d’une Europe qui ne
cessait de se déliter.
Après le Royaume Uni, l’Italie, sans oublier la Grèce qui
avait dû passer sous les fourches caudines d’un état dont la puissance reposait
sur la richesse de sa monnaie, garant de toute chose.
Hildegarde de la Baltique était sortie affaiblie d’une
élection difficile car on ne lui pardonnait pas d’avoir ouvert grandes les
portes d’un pays qui éprouvait une méfiance viscérale pour les étrangers mais
elle restait suffisamment puissante pour brandir l’excalibur de l’entreprise
triomphante, régnant de par le monde, par l’entremise d’entrepreneurs tout puissants.
Après avoir prononcé fièrement une formule choc : «
France is back » , le président se devait de faire rayonner le prestige du
pays en reconstruction de par le monde pour imposer le rayonnement néo-libéral
du pays et gagner des marchés.
Aux moments-clés de ces révoltes qui fleurissaient et
éclataient comme des grenades, au propre et au figuré, laissant des blessures aux
étourdis qui avaient oublié la dangerosité de ces armes défensives policières,
le Connétable et Edouard aux mains d’airain montaient au créneau, faisant
preuve d’efficacité et de discernement politique.
Rassurer les effarouchés et faire trembler autant que faire
se pouvait les insurgés toujours à l’affût d’une meurtrière à prendre d’assaut,
semblait être le leitmotiv de ces deux serviteurs de l’état, impliqués dans
leur tâche civique avec une ardente obligation de réussite.
Pendant ce temps, les grands argentiers œuvraient en toute
tranquillité, menant le redressement financier en toute quiétude.
On s’en prenait rarement à eux à la Maison du Peuple, ce qui
n’avait pas été le cas du président lorsqu’on lui avait confié le portefeuille
de Bercy lors du précédent quinquennat.
Homme fort du régime, il était aussi le plus exposé et le
plus honni !
Désormais placé à la première place de la pyramide, il était
enfin libre de ses mouvements et repoussait d’une chiquenaude, les destructeurs
de pavés qui, à son sens, ne parviendraient jamais à libérer les forces océanes
d’un peuple en totale rébellion.
Il en allait ainsi du peuple, souvent interpellé par une
étrange formule : « les gens », ce qui semblait déconsidérer
leur intelligence et leur force d’intervention, une réminiscence du mot « piétaille »
en quelque sorte car ce peuple, changeant et difficile à cerner, aimait battre
le pavé mais n’oubliait pas de mettre de l’argent sur un livret de caisse d’épargne,
ce qui était tout de même paradoxal : la révolution ou l’épargne, il faut
choisir !
Cette chronique est loin d’être achevée et l’on peut
imaginer que l’avenir nous réservera peut-être des surprises auxquelles on ne
pouvait s’attendre !
L’aventure n’est pas terminée mais, de grâce, laissons les
pavés à leur place car les cantonniers seront une fois de plus mis à
contribution pour redonner à la rue sa fonction piétonnière première.
Sous les pavés, le sable et qu’on n’y touche plus, pour le
bonheur du pays !
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