dimanche 10 mars 2024

Ange d'Istanbul

 


Après une nuit passée à traquer le gibier et à le tuer, son fidèle piqueur se chargeant de collecter les dépouilles ensanglantées, Ange revint en son château, prit un bain et enfila une houppelande de satin venue de Samarcande.

Il somnola dans un fauteuil en fumant son narguilé puis sonna Louis.

Il se vêtit avec élégance et se dirigea vers la pièce où l’on servait le petit déjeuner.

Lorsqu’il entra, un éclair traversa la salle ce qui ne manqua pas d’intriguer ses convives.

Ils étaient attablés devant un samovar et étaient en demeure de savourer des blinis et des confitures variées. Une grosse miche de pain, de la brioche, des chaussons aux pommes et une motte de beurre décorée d’une vache moulée complétaient ce petit repas complet. Sumon fumé, tronçons d’anguilles, œufs à la coque et leurs mouillettes beurrées, puits d’amour et tartes aux fruits ajoutaient un supplément pour les gourmets.

Loïc mangea et but modérément pour garder la tête froide face à un hôte qui ne lui inspirait pas confiance.

Il avait entendu parler d’empoisonnements subtils et ne tenait pas à en faire l’expérience.

Malheur à celui qui, succombant à la gourmandise, buvait ensuite une tasse de thé prétendument au jasmin : il sombrait ensuite dans un sommeil qui pouvait s’avérer mortel.

Ange mangeait peu et buvait peu mais incitait ses hôtes à faire honneur aux préparations gourmandes venues des cuisines du château.

«  Quel bon vent vous amène en ces lieux » demanda le maître du château, des lueurs en forme d’éclairs au fond des yeux ?

Loïc jugea prudent de ne pas dévoiler son ordre de mission et il prétendit voyager pour son bon plaisir.

«  Ne seriez-vous pas venus pour vous emparer de l’édelweiss, notre fleur des neiges, remarquable pour ses vertus » insista Ange et ce furent les dernières paroles entendues par le comte de Locronan.

Il sombra dans une sorte de torpeur puis il partit dans un royaume habité par les vautours.

Ange frappa dans ses mains à trois reprises. Ce signal précipita la venue de guerriers vêtus de cuir noir et chaussés de bottes à la hussarde.

Un poignard à la ceinture leur donnait la note farouche ultime.

Ils enlevèrent les chevaliers endormis, la morphine et les somnifères ayant produit leur effet, puis ils les précipitèrent dans un cul-de basse fosse.

«  Bonne nuit, messires » dirent-ils en riant et ils rendirent compte à leur maître de la réussite de leur tâche infernale.

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