Brocéliande et ses sortilèges
Les jours passaient au rythme des saisons à Beauregard et
Florian tâchait de sortir d’une langueur singulière qui s’était emparée de lui.
La prévision d’une naissance annoncée par son épouse Ondine,
rayonnante de bonheur et les prémices d’un mariage entre la belle Aliénor et le
comte Guillaume de Malestroit ne parvenaient pas à chasser la mélancolie
profonde qui s’emparait de tout son être.
Il décida de partir en forêt de Brocéliande. Il usa d’un
prétexte, à savoir une visite de courtoisie au forgeron qui avait fabriqué son
épée Royale, devenue légende et crainte de ses ennemis pour son efficacité.
Seul un acte de traitrise de l’un de ses valets d’épée lui avait valu de tomber
aux mains de l’ennemi mais grâce à son épouse Ondine, il avait pu se défaire de
ses chaînes et retrouver sa liberté, reprenant au passage ses armes quasi
sacrées.
Depuis son retour, fasciné par l’amour des fleurs, de la
liberté et de la paix prôné par son fils Aubépin, il avait accompli un
pèlerinage intérieur qui le conduisait peu ou prou vers l’abandon de la force
armée qui faisait bien des dégâts collatéraux sur la route des conquêtes.
Cheminant ainsi et rêvant tout éveillé sur son cheval Foudre
de guerre, il fut soudain alerté par la silhouette gracieuse d’une jeune fille
vêtue d’un robe rouge. Elle appelait au secours, ses cheveux noirs en désordre.
N’écoutant que son bon cœur, Florian s’apprêtait à descendre de cheval pour lui
apporter l’aide demandée mais il fut devancé par un cavalier qui n’hésita pas à
fouler sous les sabots de son cheval la créature éplorée.
Furieux et prêt à en découdre avec ce cavalier aux velléités
assassines, il descendit de cheval, ce que l’assassin présumé fit également.
Quelle ne fut sa surprise de constater que ce cavalier n’était
autre que son fils Aubépin dont il admirait l’amour des fleurs et de l’harmonie !
Aubépin l’embrassa tendrement et lui donna la clef de son
étrange conduite :
« Père, vous n’avez pas reconnu la fée Morgane qui
enferme les chevaliers de son choix dans le Val sans Retour, leur ôtant la
mémoire après les avoir attirés dans un guet-apens dont elle a le secret.
Constatez par vous-même qu’il n’y a pas de corps à l’endroit
où j’ai foulé cette sorcière : seule une fumée rouge s’est échappée de ce
corps voué aux démons.
Je vous ai suivi avec discrétion car j’avais remarqué qu’un
souvenir vous tenaillait.
Vous n’avez jamais parlé de vos combats, ce qui est l’indice
d’un remords refoulé.
Sachez, cher père, que vous avez accompli votre devoir et
nous vous devons la quiétude qui nous berce à Beauregard.
Soyez fier de votre épée et de vos armes : sans elles
nous serions peut-être captifs de ces personnes qui nous envient notre réussite
et notre bonheur ».
Heureux d’avoir pu engendrer un tel fils, Florian retrouva
enfin cette paix de l’âme qui l’avait quitté, et ils repartirent vers le plus
beau des châteaux en se promettant de revenir ensemble remercier le forgeron
qui avait conçu des armes dignes de celles du divin Achille..
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