La légende noire
La naissance d’Ophélia fut saluée comme un événement quasi merveilleux.
Florian était très fier d’avoir pu engendrer une telle beauté et son épouse
Ondine frémissait de bonheur, retrouvant ainsi une seconde jeunesse.
Aubépin s’extasiait devant sa petite sœur et il se jura de
la protéger jusqu’à son dernier souffle. C’est pourquoi il commanda au forgeron
de Brocéliande des armes capables de défier tout ennemi qui voudrait s’en
prendre au château et à ses habitants.
Il lui demanda d’incorporer à l’acier de l’épée quelques
orchidées cueillies dans la clairière où ses parents s’étaient rencontrés afin
de lui donner des pouvoirs supérieurs qui devraient contribuer à terrasser l’ennemi et surtout le dissuader de livrer un
inutile combat.
L’épée était si belle que chacun se recueillit devant une
telle arme digne d’un prince.
Ondine fit incruster des rubis sur la garde de l’épée qui
renvoya de tels éclats qu’on la nomma Précieuse sans hésiter.
Quant au bouclier, il était de belle facture et s’ornait de
fleurs sculptées entrelacées.
Espérant ne pas avoir à utiliser ces armes, Aubépin reprit
ses études florales avec assiduité et enthousiasme.
Cependant, dans les environs, une rumeur se propagea,
devenant légende, légende noire pour la préciser tant la terreur régnait parmi
les habitants.
Un certain Dragan était à la tête d’une colonne de pillards
aguerris qui ne reculaient devant aucun combat, préférant avant tout, s’en
prendre aux plus démunis sur le plan guerrier.
Aubépin réfléchissait à l’action qu’il convenait de mener
pour éradiquer ce mal venu du diable quand une troupe osa se présenter au
château avec un meneur qui harangua les habitants en les défiant de se
présenter face à elle.
Il ne faut pas écouter ces beaux parleurs dit Aubépin :
ils songent à nous attirer dans un traquenard.
Chacun s’efforça de vivre comme à l’accoutumée et l’on fit
le compte des vivres qui permettaient de subsister jusqu’au printemps.
Le dénouement fut inattendu car des émissaires venus de la
cour arrivèrent au château et prirent les brigands à revers.
Dragan fut arrêté. Il eut droit à un procès et ne trouva
rien à dire pour sa défense si ce n’est qu’il trouvait inadmissible que des
personnes vivent bien tandis qu’ailleurs il fallait lutter pour vivre.
On lui rétorqua qu’il s’en était pris à de pauvres gens sans
sourciller.
Piteux et déconfit, Dragan écouta la sentence : il
échappait à la mort en dépit du sang qu’il avait sur les mains mais il fut
envoyé dans des mines où il utiliserait sa force au service du royaume.
Heureux d’une issue qui convenait à ses principes, Aubépin
reprit ses chères études et la vie au château redevint douce, comme à l’accoutumée.
On se raconta les épisodes de la légende noire dans les
chaumières et les enfants se couchèrent après avoir promis de ne pas vouloir
ressembler à l’abominable Dragan qui avait semé la terreur dans leur terroir où
régnait la paix, symbolisée par les fleurs.
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