Une longue attente
Après le départ de Gabriel d’Occitanie pour sauvegarder son
château de Monségur, Laura de Beauregard vécut dans l’attente fébrile de
nouvelles.
Elle trompait ces moments d’angoisse en activant ses
exercices guerriers avec ses hommes de troupe car le danger était omniprésent
dans le royaume.
Les premières lettres de Gabriel parvinrent au château,
offrant un peu de douceur à la jeune femme. Elles étaient écrites sur
parchemin, dans une élégante cursive tracée en lettres turquoise et , de plus,
elles étaient accompagnées de somptueux bijoux célébrant l’Occitanie sous forme
de bagues, de colliers et de croix richement travaillés et ornés de rubis et de
grenats.
Pour ne pas être en reste, Laura commanda un assortiment d’armes
aux forges de Brocéliande et elle broda une chemise de lin destinée à son bien
aimé. Roses, pivoines et églantines s’entrelaçaient pour former le plus beau
tapis floral qui soit.
Elle se retirait parfois dans le jardin d’amour pour relire
les missives qui étaient toutes des chants passionnés destinés à raviver les
flammes passionnées qui les avaient embrasées.
« Dame d’amour, chère Laura, il s’en faut de peu que
mon cœur ne se brise lorsque je pense à vous, ce qui est une constante, même
lorsque je pars avec mes guerriers, revêtu d’une armure sombre pour ne pas être
remarqué, afin de constater l’avancée de nos ennemis.
Si d’aventure, je devais quitter ce monde, je vous demande
de ne pas sacrifier votre jeunesse et votre beauté et de choisir celui qui
saura vous entourer de tendresse et d’amour.
Dans le cas où vous n’en feriez rien, je vous donne
rendez-vous dans la Jérusalem céleste où je vous attendrai en chevalier
servant.
Belle Laura, je vous aime tant que mon esprit s’égare et que
j’embrasse le vent en croyant vous serrer contre mon cœur.
Soyez assurée de ma fidélité et de mon amour
incommensurable.
Je m’en remets à Dieu pour que ma destinée soit liée à la
vôtre et j’espère pouvoir sauver Monségur qui connaît une période périlleuse.
Je vous quitte en souhaitant que les roses de votre cœur s’épanouissent
sous mes baisers ardents.
Votre Gabriel ».
Le temps s’écoula avec l’implacable rigueur du sablier et
les lettres s’espacèrent, faute de cavaliers, tous requis pour la sauvegarde du
plus beau des châteaux.
Laura avait commandé une cotte de mailles robuste et
élégante car elle projetait de se rendre à Monségur pour prêter main forte au
chevalier mais elle n’eut pas à mettre son projet à exécution : une
terrible et dernière nouvelle lui parvint par la grâce d’un parchemin transmis
par une palombe, l’oiseau mythique de l’Occitanie : son bien aimé était
mort en livrant une dernière et terrible bataille avec toute la bravoure dont
il était capable.
Le château de Monségur avait été pris par l’ennemi.
Les derniers habitants avaient péri dans un horrible bûcher
dressé pour l’exemple et ses murailles avaient été démantelées, faisant de ce
beau château, altier et superbe, une ruine que chacun viendrait hanter au fil
des jours.
Laura ajouta un liseré noir à sa tenue de guerrière et se
mura dans un chagrin muet, se promettant d’attendre les derniers moments de sa
vie terrestre pour rejoindre son bel et unique amour.
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