Le Prince Noir
La terre occitane tremblait sous les sabots du destrier du
Prince Noir qui semait la terreur en Aquitaine.
Or, un jour, il advint qu’il croisa une jolie paysanne aux
tresses blondes et aux lèvres d’un arrondi en accroche-cœur.
Ne résistant pas à la tentation, il s’empara de la belle
Suzanne et l’enveloppa dans sa cape noire.
Il l’emmena dans un beau castelet qu’il réservait pour ses
plaisirs et lui fit préparer une suite digne d’une reine.
De fait, elle était sa reine et il comptait bien la séduire
en respectant le code de l’honneur.
Il vint chaque jour, lui apportant des cadeaux, fleurs,
joyaux, objets de commodité, savons parfumés : rien n’était trop beau pour
elle.
Suzanne était heureuse et elle chantait, pour le plus grand
plaisir du prince qui s’assoupissait dans un fauteuil, les yeux mi-clos, un
sourire aux lèvres, ce qui lui arrivait rarement.
Elle s’enhardit jusqu’à demander au prince l’autorisation de
se promener dans les alentours. Il y consentit à condition qu’elle soit
accompagnée et escortée.
« Vous m’êtes si chère que je ne supporterai pas que l’on
vous enlève » dit-il pour toute explication.
Le lendemain, vêtue de ses plus beaux atours, escortée comme
il se doit pour une reine de cœur, Suzanne fit une apparition remarquée sur la
place du village où le marché hebdomadaire avait déployé ses pavillons.
Elle prit un grand plaisir à réaliser quelques emplettes et
elle revint en son logis assigné, les bras chargés de douceurs qu’elle aimerait
transformer en plats savoureux et de tissus dont elle souhaitait faire des
robes et des ornements décoratifs.
Elle se mit aussitôt au travail et bientôt des arômes de
cannelle, de miel, de plantes odorantes flottèrent dans le château.
Le prince savoura ces plats nouveaux et il prit l’habitude
de venir manger en cet enclos réservé aux plaisirs.
Suzanne s’empara d’une boite à couture qui semblait oubliée
dans une chambre et elle se mit derechef, à tailler, coudre, broder. Sous ses
doigts de fée, des pièces merveilleuses naissaient, la rendant plus jolie
encore.
Les fauteuils et toutes les pièces d’accommodement connurent un renouveau qui transforma
complètement l’apparence du château, lui donnant une note féerique qu’il n’avait
pas auparavant.
Le prince vit d’un autre œil cette femme qu’il avait emmenée
pour satisfaire ses désirs : elle lui devint indispensable et il en tomba
amoureux de manière approfondie et sincère.
C’est ainsi qu’il se présenta, un jour, un anneau d’or à la
main et qu’il offrit à sa dame le mariage et l’honneur de porter son nom
princier.
Suzanne devint princesse, des noces furent célébrées et le
soir même, le prince connut les délices d’une fabuleuse nuit d’amour, à la
hauteur de ses espérances.
Ils vécurent ainsi, heureux et unis, et bientôt des enfants
naquirent au foyer, renforçant l’harmonie du couple et inculquant au prince le
désir définitif de construire un monde où la guerre serait définitivement exclue.
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