Elle
a peint ses ongles en bleu, s’est vêtue de turquoise filé or et elle a couru
vers le Maître de l’Alexandrin et le chantre de l’Amour Courtois.
Le
rencontre fut belle, comme leurs lettres et quelques heures plus tard, elle
avait un enfant dans ses bras blancs, un petit garçon qui pleurait parce que
ses camarades se moquaient de sa pauvreté et de ses vêtements rapiécés.
Oh
bien sûr, il avait joué son grand numéro de maître en amour et elle s’y était
prêtée car elle savait que leur avenir était autre.
Avec
lui, elle aurait fait le pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle, elle se
serait rendue à Jérusalem et ils auraient prié pour que la poésie règne sur la
terre comme le voulait Arthur Rimbaud.
Il
lui avait dit : « Ne t’inquiète pas, je te garde ta place »
car s’il était le Maître de l’Alexandrin, elle était son pendant en prose. Deux
corps pour une âme ! Mais il mourut après avoir pu lui prouver qu’il n’avait
pas menti : son poème était en première place derrière son édito.
Cette
mort la laissa désemparée et elle rangea ses stylos pour s’adonner à la
broderie.
Mais
un jour, une petite voix l’interpella « Cesse de remuer le passé, petite,
cet homme n’était pas fait pour toi. Tu n’as jamais voulu voir qu’il avait
trente ans de plus que toi et que si tu n’avais pas été jeune, il ne t’aurait
jamais regardée, en dépit de ton talent. Il t’aimait pour ta jeunesse et pour
se prouver qu’à son âge, il pouvait encore séduire. De plus, c’était un poète,
ne l’oublie pas et les poètes n’aiment que leur personne et le renom de leur œuvre.
Il t’aimait d’une certaine manière, pour jouer à quatre mains avec toi, lui,
prenant le rôle du Roi Soleil et toi, celui d’une favorite. Crois-moi, sa
disparition te sera utile. Reprends tes stylos et écris. Tu n’as besoin de
personne. Tu as un don inné et tous les maîtres en poésie du monde ne t’apprendront
jamais rien. Je suis la fée des sources, pour ta gouverne, celle qui veille sur
toi d’une manière désintéressée. Adieu – Écris, c’est la tâche pour laquelle tu es
faite ».
Et
la petite voix se tut, laissant la jeune femme rêveuse et pensive.
Mais
alors pensa-t-elle, comment se fait-il qu’une harpe céleste me distille d’aussi
beaux chants d’amour ?
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