Miroir, mon beau miroir
Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle, mais
le miroir restait muet alors la princesse le brisa et il y eut une multitude de
fragments éclatés sur le sol dallé de marbre du palais et c’est ainsi que la
princesse se blessa et que son sang se répandit sur les dalles, se transformant
en pavots qui éclatèrent comme des soleils.
Une jeune paysanne en fit de beaux bouquets qu’elle alla
vendre en ville le jour du marché et il se trouva un prince pour les lui
acheter : il voulait un présent rare et charmant pour séduire une dame de cœur
et cela convenait à merveille. Ces fleurs étaient si belles qu’il semblait qu’une
bonne fée les eût conçues pour ensorceler une dame en mal d’amour !
Le prince Aymé alla porter ce bouquet à la demoiselle qui
parlait à son cœur et il joignit un parchemin d’amour lesté d’un rubis précieux
mais ô surprise, le présent se transforma en un miroir magique et merveilleux
et il se mit à parler à la belle qui se conforma à ses conseils.
Vêtue d’une robe majestueuse et simple à la fois, elle
envoya au prince des baisers ardents du haut de son balcon, alors qu’il
passait, à cheval, près de sa demeure et elle se laissa choir élégamment pour
se retrouver en selle, derrière lui. Elle se serra contre celui qu’elle avait
reconnu pour être son fiancé et ils allèrent jusqu’au palais du prince pour
clamer leur amour.
Ainsi fut fait et les deux amants préparèrent des noces
ardentes et en guise d’invitation, des miroirs garnis de roses furent envoyés à
tous les recoins du royaume.
Chacun eut à cœur d’assister au mariage d’ Aymé et Clotilde
et les charmants enfants qui portèrent la traîne de la mariée furent
récompensés par des dragées aux couleurs de la princesse, bleues sur un semis
de roses blanches.
Quant à la princesse qui avait brisé le miroir dans un
moment d’humeur, elle fut emportée dans un pays dominé par le gris et l’amertume
des oubliés.
Elle ne revint jamais et fut condamnée, pour sa peine, à
façonner des miroirs qui brillèrent de mille feux, bleuis et anoblis par ses
larmes !
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