Jocelyn de Rohan
Parti visiter ses domaines dans une île voisine, le duc de
Rohan fut déçu d’apprendre à son retour qu’une bataille avait eu lieu en son
absence.
Il fut l’invité particulier du banquet donné par le comte de
Prunelé, savoura la prestation de la belle Aliénor et se dit avec une petite
pointe d’amertume que décidément il y avait une page blanche sur le livre de sa
vie, là où d’autres connaissaient de belles aventures.
Décidé à rencontrer l’amour, Jocelyn de Rohan parcourut la
campagne, escorté par de vigoureux guerriers qui l’aideraient à abattre les
bandits de grand chemin si d’aventure il s’en présentait et il fut
particulièrement attentif au moindre bruissement lors des haltes auprès d’un
feu de camp.
Il arriva enfin aux portes d’un château qu’il ne connaissait
pas, sonna de l’olifant et déclina son nom et ses titres à l’hôtesse qui se
présenta.
Invité à prendre place à sa table et heureux de se voir
proposer une nuitée en cet endroit charmant, le duc demanda à se retirer dans
une pièce réservée à des ablutions pour apparaître costumé et parfumé de frais.
Dame Anne des Merveilles s’inclina devant une telle demande
car elle semblait être l’apanage d’un hommage à sa beauté.
Sa belle chevelure blonde cascadant sur ses épaules de
guerrier rompu à tous les exercices de sa caste, le chevalier était si lumineux
que son hôtesse succomba d’emblée, en rêve à ses charmes.
Ils mangèrent et burent des préparations délicates et
choisies et lorsque le repas fut terminé, Dame Anne proposa à Jocelyn de lui
conter une romance de sa composition.
Le duc fut flatté par cette proposition et il se dit qu’il
était le seul à avoir rencontré une conteuse qui soit également une dame de
haut lignage, son blason orné de marguerites et sa devise en faisant foi.
« De gueules à une rose tigée et feuillée d’argent » :
la devise était brodée au point de croix couleur or, ce qui lui donnait un
cachet supplémentaire.
Dame Anne des Merveilles installa le duc dans un petit salon
et commença ainsi sa romance.
Le Lai de Blanchefleur
Dans un château de neige, la belle Blanchefleur rêve en
attendant le prince des Mille et Une Passions.
Son corps irradie l’amour. D’une blancheur nacrée, soyeuse
au toucher comme les pétales d’une rose d’amour, comprenant une vallée
prometteuse d’extase, sa belle nudité se tend sous les caresses promises et se
love dans les dentelles, sous le satin et le plumetis de la garniture de l’alcôve
dotée d’un ciel de lit où jouent les amours mythologiques, sous la forme de
chérubins.
Quand le prince la serre dans ses bras, sa blonde chevelure
s’épand sur la taie de l’oreiller et ses lèvres de rubis s’ouvrent pour
recevoir les baisers.
Fou d’amour, le prince lui murmure des mots si doux que son
corps se cabre et s’ouvre de mille façons, en épousant les formes veloutées et
les parfums de la rose absolue dont elle est l’emblème.
Puis un nuage pourpre, ourlé d’un rose ardent, entoure les
amants, les laissant seuls, dans l’intimité de leurs joutes amoureuses, sous la
musique envoûtante d’un tambourin, aux accents rythmés d’une mélodie ancienne
et sans cesse renouvelée.
Dans son château de neige, la belle Blanchefleur vous
attend, princes venus de tous les horizons et assurément elle choisira le plus
beau et le plus désirable, le plus passionné et le plus talentueux pour l’accompagner
dans son jardin d’amour.
Dame Aude des Merveilles se tut et des anges passèrent.
Jocelyn de Rohan était sous le charme mais ses rêves ne le
guidaient pas vers la Blanchefleur des nuages, il regardait Aude, au bord de l’extase.
Auréolée par le charme impulsé par le lai écrit sous l’impulsion
des Muses, Aude bénéficiait de la beauté du chant qui se reflétait sur son
visage.
« Dame d’amour, lui dit doucement le duc de Rohan, mes
rêves n’iront pas vers le château de neige où la belle Blanchefleur attend son
prince, c’est vers vous, si vous le permettez, qu’iront mes soupirs passionnés
car aucune femme n’a suscité en moi une telle passion et je ne doute pas d’éprouver
un plaisir immense en découvrant les charmes de votre intimité si vous acceptez
ma demande en mariage ».
Rosie par l’émotion, Dame Aude protesta par bienséance puis
elle accepta le baiser du duc.
Tous deux s’en allèrent, enlacés, dans le jardin d’amour
pour se donner réciproquement mille et une promesses d’une passion hors norme,
fondée sur la magie des mots.
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