L’âme de la fontaine de Barenton
Dans son palais oriental et ses fabuleux jardins, partagée
entre sa belle et odorante orangeraie et sa gloriette embaumée par les fleurs
et les fruits de saison, la belle Blanchefleur vivait sa grande passion aux
côtés de son époux le prince Jasmin à qui elle avait donné de magnifiques
enfants, Nourredine et Fouad, Maya et Lila si adorables qu’on ne pouvait que
les aimer.
Outre les nuits qui lui apportaient des sensations
inexpliquées et toujours renouvelées, ses moments favoris restaient ceux
qu’elle passait à déguster un excellent breuvage, le moka qui lui apportait un
regain de vigueur. Elle le dégustait à petites gorgées, en compagnie de son
époux.
L’âme de la fontaine de Barenton, si longtemps incarnée par
son défunt époux, le chevalier de Ponthus, restait ancrée dans sa mémoire et
pour que perdure son souvenir, elle avait fait venir de Brocéliande l’armure du
chevalier et des objets personnels qui lui avaient appartenu. Un peintre avait
réalisé des aquarelles représentant la fontaine et le château, demeuré si
longtemps un sanctuaire.
Une pièce du palais réservé à ses enfants et à ceux qui les
servaient était à l’image de ces objets devenus cultes et Blanchefleur s’y rendait
pour embrasser Amour, Aurore et Lilwen et leur rappeler, sous forme de saga,
les exploits de leur père.
Cependant il arriva que dans cet espace-temps sans nuages,
des rêves récurrents obscurcissent ses nuits.
La fontaine bouillonnait sans relâche, s’emparant de sa
personne.
Blanchefleur devenait la fontaine et cette fantasmagorie était
si vivace qu’à son réveil, elle avait la tentation de se débarrasser de cette
eau qui coulait en son corps comme une rivière.
Elle était la fontaine et semblait à la merci du premier
vandale qui songerait à s’emparer de sa personne dédiée à Brocéliande.
Lorsqu’elle s’ouvrit à ces fantasmes à son époux, le prince
Jasmin, ce dernier sourit et lui répondit sans ambages :
« Blanchefleur, ma Dame à nulle autre pareille, je
savais qu’il viendrait, ce jour, où, pour ne pas vous perdre, je devrais vous
renvoyer en Occident.
J’ai pris les devants, mon âme et j’ai fait réaliser une
armure à votre taille, solide, sans défaut et poudrée d’or, comme il sied pour
une reine.
Une escorte est prête avec mes meilleurs guerriers pour vous
accompagner jusqu’en terre de Brocéliande. De plus des mules chargées de biens
et de richesses destinés à être prodigués autour de vous, rouleaux de soies,
services à moka que vous aimez tant, porcelaines de Chine et tant de merveilles
qui vous sont coutumières feront le lien entre nos deux univers.
D’ailleurs je vous suivrai par la pensée et je ne manquerai
pas de surgir à vos côtés lorsque ma présence sera nécessaire.
Avec ma garde royale,
je mettrai à mal ceux qui veulent en découdre avec la reine de mon cœur et
défendrai votre fontaine qui est devenue mienne puisque vous en êtes le symbole
vivant ».
Heureuse d’avoir un époux aussi aimant et prêt à l’aider
dans sa tâche considérée comme sacrée par les divinités de la forêt,
Blanchefleur éprouva un amour immense et un regain de bonheur vivace pour cet
orient qui ne lui avait apporté que le bonheur et lorsque ses bagages furent
prêts, elle prit la tête du convoi, en armure, pour se porter au secours de
leur fontaine immortelle.
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