Retour aux sources
Sublimée par la douleur, Blanchefleur n’avait jamais été
aussi belle. Le miroir de l’eau lui renvoyait son image, magnifiée par la
lumière irisée du jour.
Chaque matin, elle se levait de bonne heure pour franchir
les cercles de brume qui entouraient l’étang.
Elle admirait les fleurs qui cherchaient la caresse du
soleil et en cueillait quelques-unes pour en orner l’autel de la Vierge Marie.
L’après-midi, elle se promenait avec les enfants, jouant à
la balle ou pratiquant l’art de la devinette.
Les jours passaient dans un bonheur relatif, l’absence de l’aimé
se faisant toujours sentir.
Un après-midi, une colombe déposa sur sa fenêtre une fleur
de jasmin et un message ainsi libellé : » Suis la route du jasmin et
la ville des Mille et Une Merveilles tu trouveras ».
J’ai passé l’âge de répondre à l’impérieuse promesse des
messages sibyllins se dit Blanchefleur, se remémorant avec douleur le message
qui l’avait conduite en terre de Brocéliande où elle s’était, peu à peu,
laissée enfermer.
Pour chasser la morosité de ses souvenirs, Blanchefleur s’en
fut, en calèche, au Val-Sans-Retour et elle souhaita vibrer près du Miroir aux
Fées, grâce au vol gracieux des libellules.
C’était un spectacle charmant mais soudain une musique se
fit entendre et un prince apparut dans un nuage rose ourlé de pourpre.
Il maniait l’oud ancestral et il susurra un chant d’amour
dédié à la belle occidentale dont chacun rêvait.
« Dale de beauté, ô Blanchefleur au teint semblable au
lys, je suis le prince Jasmin, pour vous servir et je suis venu d’orient pour
vous séduire et vous aimer.
Je vous promets les mille et une ivresses d’une passion si
profonde qu’elle vous fera tout oublier.
J’ai hâte de sentir votre corps épanoui comme la rose du
matin tout contre le mien, dans une alcôve où nos étreintes seront sans limite.
Laissez-moi vous aimer, gente dame ou j’en mourrai ».
Il se tut et se prosterna au pied de sa dame, attendant sa
réponse avec fièvre.
Blanchefleur releva doucement le prince Jasmin et tout en
lui caressant la joue, l’informa qu’elle avait trois enfants et que, sans l’offenser,
elle souhaitait leur consacrer sa vie.
Le prince lui répondit qu’il connaissait l’existence de ces
enfants qu’il chérirait comme les siens. Il leur avait déjà fait ériger un
palais proche du sien avec laquais, maître d’armes, dames d’atour et tout ce
qui convient à l’éducation d’un enfant.
Mais ajouta-t-il langoureusement, je compte bien avoir des
enfants avec vous et ils seront les joyaux de mon royaume.
Un palanquin emmena Blanchefleur qui ne voyait pas comment
résister à un prince aussi charmant.
Vos enfants vous suivront lui dit le prince Jasmin en la
couvrant de baisers et c’est ainsi que Blanchefleur parcourut la route du
jasmin à la recherche du bonheur fou des Mille et Une Nuits.
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