Le prince au teint de lys
Il était une fois un prince au teint de lys et de rose et
aux cheveux blonds comme les blés. On le prénomma Daniel.
Il grandit avec la force du héros dont il portait le nom et
nul ne pouvait lui résister.
Un jour, il décida de partir au loin afin de mettre à l’épreuve
ce don qu’on lui attribuait.
Il sella son cheval Sabot d’écume et partit en direction des
forêts avoisinantes.
Il chevaucha longuement et finit par arriver dans une
clairière habitée par un ermite qui avait fait vœu de mutisme.
Il lui confia son cheval et marcha à l’aventure.
Un lion se profila à l’horizon et alors que Daniel
envisageait de l’affronter à mains nues, un chevalier à la cotte de mailles
usagée apparut. Il prit ainsi la parole :
« Je suis Yvain, celui que l’on nomme le chevalier au
lion. J’errais dans la forêt, prêt à mettre fin à mes jours car la dame de mon cœur
m’avait chassé pour avoir oublié la date de nos épousailles quand ce lion est
apparu.
Loin de se jeter sur moi pour me déchirer à belles dents, il
s’est couché à mes pieds et j’ai pu constater qu’il souffrait à cause d’une
épine qu’il avait dans le pied.
Je la lui enlevai et lui passai un onguent qui le soulagea.
Depuis ce jour, il ne m’a pas quitté et nous sommes amis,
soudés par une compréhension réciproque : il me garde et je lui évite les
inconvénients de sa condition animale.
Daniel fut enchanté par cette rencontre et lui conta que son
prénom était prédestiné à l’amitié vouée aux lions puisque le héros éponyme,
jeté dans une fosse habitée par les lions avait été épargné par ces bêtes que l’on
disait féroces, grâce à l’intervention d’un ange.
Tout en devisant, Yvain et son ami Daniel, suivis par le
lion arrivèrent aux portes d’un château.
« Il me faut te quitter dit Yvain car j’ai fait vœu de
vivre en ermite ».
La séparation se fit instantanément et lorsque les deux
silhouettes ne furent plus qu’un point à l’horizon, Daniel activa le heurtoir.
Une hôtesse lui apparut, vêtue de longs voiles brodés d’or.
Elle lui accorda l’hospitalité et ils entrèrent dans un boudoir où on leur
apporta les rafraichissements d’usage.
Daniel accepta de passer quelques jours au château et ce fut
une suite de jours enchanteurs où la qualité des repas fut à la hauteur des
aubades charmantes, données sous de multiples formes.
Daniel se rendit compte que les arts avaient été un peu
délaissés dans son éducation.
La force brute, même ciselée par l’art chevaleresque, était
en quelque sorte éloignée des centres primordiaux de la vie.
Lorsqu’il quitta ses hôtes, Daniel prit la décision de se
retirer dans un ermitage pour y méditer.
Il reprit Sabot d’écume, son fidèle cheval, et s’en retourna
à son château pour le laisser en bonne compagnie.
Il se fit construire un ermitage où il se retira, priant sa
famille de venir le chercher si besoin était ;
Il vécut ainsi quelques années et lorsqu’il connut les
livres saints et qu’il joua correctement de plusieurs instruments de musique,
composant des mélodies et des romans, il décida de sortir de sa retraite.
Devenu sage, Daniel désira de fonder une famille et il
chercha parmi les damoiselles des alentours, celle qui aurait eu l’éducation
nécessaire pour donner à leurs enfants le goût des belles lettres et du savoir.
Élodie fut choisie pour sa connaissance des langues
anciennes et sa pratique de l’enluminure, de la broderie, de la peinture et de
l’écriture de romances que Daniel prit plaisir à mettre en musique.
Ils vieillirent auprès de leurs enfants et une heureuse
destinée les préserva de guerres meurtrières.
Yvain qui avait été convié à leurs noces eut la chance d’obtenir
le pardon de sa dame.
Quant au lion, il vécut encore des jours de bonheur auprès
de son ami et se contenta de promenades dans le parc, sans souci des horizons
lointains et du gibier.
Daniel et Yvain devinrent des amis inséparables et l’on dit
que parfois, dans la forêt, les fées se racontent leur histoire, se félicitant
d’avoir assisté à l’éclosion des arts au détriment de la force, fût-elle
chevaleresque, et des instincts brutaux des bêtes que l’on dit sauvages et qui
manquent tout simplement d’amour.
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