Les paillettes de l’or
perdu des Nibelungen épousent le fil du courant et descendent les rivières
comme le faisaient les Vikings, efficaces et terribles sur leurs drakkars,
semant la mort et l’épouvante. Elles s’amoncellent dans les grottes où rêvent
les sirènes. Des bijoutiers s’activent pour créer des merveilles qui orneront
le cou et les poignets de princesses un soir de bal.
Et pendant ce temps,
harassés et les yeux pleins d’étoiles, les poètes, philosophes et orpailleurs
de la terre ferment les paupières comme s’il s’agissait d’un rideau théâtral.
Oubliés, soucis, rêves, pensées et calculs équilibrant les forces du monde !
La vie de toutes les
scènes orchestrées par un Dieu secret, énigmatique et horloger en orfèvrerie,
apparaît spontanément, en harmonie et parfois en contradiction avec les
principes immuables réitérés en de nombreuses périodes.
De même que les
orpailleurs séparent l’or du caillou, le poète, le philosophe, le moraliste tamisent
les mots pour les ordonner en phrases mystérieusement claires, « Je pense
donc je suis », « L’homme n’est ni Ange ni Bête », « De
mémoire de rose on n’a jamais vu mourir de jardinier », « Science
sans conscience n’est que ruine de l’âme » mais ils ont oublié que des
forces obscures résident dans l’éclat de la pierre précieuse qu’ils taillent
pour rehausser sa beauté et apparaissent alors de savants ignorants qui
jonglent avec les mots pour précipiter les peuples naïfs du haut d’une falaise,
comme le fit jadis le joueur de flûte maléfique et talentueux.
Que tout l’or du monde
disparaisse ou qu’il serve de jouet comme dans l’Eldorado de Voltaire et que
reviennent en grâce l’amour et la force des mots !
« Tant de villes
et de civilisations englouties, tant de vies massacrées pour de l’or et du
poivre !» s’indignait déjà Montaigne au XVIème siècle alors qu’il
contemplait le monde à travers son vignoble, du haut de sa bibliothèque perchée
dans sa tour.
Oui, regardons le
monde avec les lunettes de Montaigne et prenons l’or pour ce qu’il est, une
émanation de la beauté au même titre que les fleurs et les oiseaux.
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