La belle Gwendoline
Tout le monde s’ingéniait, au château, à tirer le comte
Louis de sa torpeur.
Depuis la disparition inexpliquée de sa belle Blanchefleur,
il n’avait plus le goût de vivre.
Il s’était fait raconter mille fois par le cocher l’expédition
à la fontaine de Barenton mais ce dernier n’avait relevé aucun indice après son
étrange éclipse.
Seule, la mésange aurait pu en dire plus, son chant, d’ailleurs,
était devenu mélancolique mais nul ne pouvait en décrypter la teneur.
On fit venir un ménestrel réputé pour son talent et ce
dernier chanta des mélodies troublantes qui arrachèrent des larmes au bel amant
inconsolable.
Dans les cuisines, on rivalisa d’adresse et de subtilité
gourmande.
Des cygnes en pâte feuilletée, fourrés d’abats hachés,
mijotés dans un mélange de beurre, de crème fraîche et d’herbes parfumées et
revigorantes, apparurent sur la table, au milieu de feuilles de nénuphar
caramélisées et de petits pains dorés.
Le comte s’efforça de faire honneur à ces plaisirs afin de
rendre hommage au travail de la brigade mais chacun put voir que le cœur n’y
était pas.
C’est alors qu’apparut une belle jeune fille, accompagnée
par une biche et son faon.
Le comte la reçut et lorsqu’il la vit, il eut l’impression
de la connaître.
Cette jeune personne, de fort belle apparence, se prénommait
Gwendoline et elle fit part du motif de son voyage.
Elle avait quitté son village car un seigneur méprisable
avait tenté d’abuser d’elle à maintes reprises.
Les animaux de la forêt l’avaient aidée à s’échapper, à commencer
par un cerf dix-cors qui n’avait dû son salut qu’à la fuite.
Pour ne plus mettre tout ce petit monde en danger,
Gwendoline avait décidé de se mettre en chemin et de se rendre au Pas du Houx
où, disait-on, vivait un noble seigneur animé des meilleures intentions.
Heureux de cette bonne réputation, le comte eut à cœur de l’honorer
de belle manière.
Il commanda à son grand veneur de conduire la biche et son
faon dans un bel enclos situé près du jardin d’amour, proche d’une volière où s’ébattaient
paons et volatiles de toutes sortes.
Il demanda aux dames chargées de l’entretien du château, de
préparer une chambre pour servir d’écrin à la plus belle des jeunes filles et
les pria, par ailleurs, de lui offrir un assortiment de toilettes dignes de sa
prestance.
Gwendoline lui apprit que, dans son village, elle était
renommée pour la qualité de ses travaux de couture et de broderie.
Enchanté, le comte promit de lui fournir du tissu et un
nécessaire à broder.
Bientôt Gwendoline se livra à tant d’activités qu’une aile
du château lui servit d’atelier.
Les jeunes filles du village vinrent suivre des leçons et l’on
ne cessa de prodiguer des louanges envers celle dont le talent était à la
hauteur de sa beauté.
Fasciné par cette jeune fille qui rendait son âme au
château, le comte Louis reprit, peu à peu, goût à la vie et chacun se félicita
de l’influence heureuse d’une villageoise venue de loin pour échapper à un
infâme suzerain.
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