La fontaine de Barenton
Le comte Louis avait offert à sa dame d’amour un magnifique
attelage comprenant un réceptacle luxueux et d’un confort inouï.
Blanchefleur se
décida à entamer une excursion dans les environs car elle songeait souvent avec
inquiétude à la personne qui avait écrit cet étrange message dans la chambre
secrète et tout naturellement, elle jeta le dévolu, pour la destination, sur la
fontaine de Barenton afin de suivre, à son tour, la piste indiquée.
L’attelage provoquait l’admiration de tous les villageois
qui prenaient le frais sur leur perron, à la mode paysanne.
Le cocher portait une livrée or et argent qui captait les
rayons du soleil et renvoyait à chacun un peu de ce luxe qui leur était
étranger.
Près de la fontaine, l’attelage s’arrêta car le reste de la
route se faisait à pied.
Blanchefleur mit des chaussures de marche et prit une canne
pour se mouvoir plus aisément sur le sentier à peine foulé par des pèlerins
adeptes des légendes bretonnes.
Elle posa sur ses cheveux un chapeau protecteur muni d’une
voilette et elle partit d’un pas léger, à la conquête de son devenir.
Lorsqu’elle parvint aux abords de la fontaine, sa fidèle
mésange sur l’épaule, elle fut arrêtée par un chant mélodieux. Un barde
s’exprimait avec amour et intensité en s’accompagnant d’une harpe celtique.
Belle à la Fontaine
Belle d’amour, mon
enfant, ma tendre amie, je t’en prie, accorde-moi l’un de tes regards.
Plus belle que la fée Viviane, tu m’offres ton beau corps
dont j’aspire les parfums.
Je te veux pour l’éternité, mon ange, ma beauté et je
disputerai ton âme avec le diable car semblable beauté ne peut exister sur
terre si le Malin n’entretient pas cette splendeur pour mieux se l’accaparer.
Que le bel aubépin s’exprime par ma voix et qu’il te ramène
à la raison, ma douce aimée !
Le barde se tut et disparut dans un nuage de roses et
d’aubépines, ne laissant de lui, près de la fontaine, qu’une harpe et des
buissons de fleurs blanches qui contrastaient avec l’émeraude de la forêt.
Blanchefleur contempla l’eau de la fontaine et se vit comme
dans un miroir.
Louis, son bel amant, se tenait à ses côtés et lui envoyait
des baisers de sa jolie main ornée de bagues et de bracelets d’argent.
En voulant lui prendre la main pour lui renouveler son
amour, Blanchefleur ne rencontra que la surface de l’eau qui se mit à
bouillonner tandis qu’un grand vent soufflait, jetant à bas les feuilles qui
formèrent un tapis végétal où se mêlaient de jolies aubépines.
Blanchefleur foula ce tapis royal et parvint, de l’autre
côté de la fontaine, illuminé par un miroir de brume.
Elle franchit aisément cette barrière de perles d’eau et
chemina jusqu’à un joli château de briques roses où elle semblait attendue.
Un majordome vint à sa rencontre, l’aida à se chausser de
ballerines scintillantes et tous deux gravirent les marches d’un escalier
majestueux.
Luths, mandolines et clavecin, grâce à des musiciens
experts, firent entendre une aubade de bienvenue.
On lui fit prendre place dans un fauteuil confortable et
Blanchefleur attendit que l’hôte des lieux se manifeste.
Il apparut enfin. Il était de haute stature. Sa longue
chevelure bouclée était ceinte d’une couronne de laurier.
Il tenait à la main une harpe celtique et c’est en s’inclinant
qu’il révéla son identité :
« Merlin, pour vous servir, gente dame. Vous avez
accompli ce pèlerinage pour entendre l’histoire de la Dame Blanche et vous la
connaîtrez bientôt, foi d’enchanteur.
Patientez un peu et soyez ma dame en cette attente car j’ai
dû user de mon dernier charme pour échapper à la prison de verre où Viviane me
croit enfermé.
Adonnons-nous ensemble aux plaisirs de la terre, offerts en
ce jour par notre belle Brocéliande aux mille et un secrets. »
Subjuguée, Blanchefleur suivit l’enchanteur et ils
participèrent au meilleur des repas, œufs brouillés et galettes de sarrasin,
pousses du jardin avec des fleurs de mauve, fromage au lait de chèvre et
naturellement, les bons gâteaux au beurre, façonnés avec adresse par la
cuisinière du château.
Des hanaps de boissons fraîches agrémentaient ce repas,
simple et prodigieux à la fois.
C’est alors qu’apparut la plus ravissante des femmes, vêtue
avec recherche et magnificence.
« Dame Blanchefleur, permettez-moi de me présenter :
Je suis Enora, celle que tous les amateurs de légendes connaissent sous le nom
de Dame Blanche.
Je vais vous conter mon histoire et vous invite à passer
dans le salon d’argent où vous serez plus à l’aise pour entendre mon récit. »
Et elle fit volte-face tandis que Merlin donnait galamment
le bras à Blanchefleur pour la conduire dans ce salon réservé aux contes.
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