vendredi 8 août 2025

Recherche d'un coupable

 

 



Le commandant de gendarmerie fut heureux de pouvoir compléter une fiche concernant Flavio Montebello. Sa mémoire ravivée faisait remonter à la surface des noms, celui de sa ville natale, Florence, sa spécialisation, ébéniste dans une confrérie réputée et le nom de plusieurs mères de compagnons accueillant les ouvriers à chaque étape.

Il eut ainsi le spectre complet de celui dont on se moquait discrètement au village avant sa disparition.

Se référant à la formule latine «  Cui bono fuerit » que l’on traduit en Français par A qui profite le crime, Hugues de Montalabert se transforma en fin limier pour trouver le criminel qui avait enlevé, blessé et emprisonné le malheureux amant de cœur.

La boutique de Violette déjà mise sous surveillance pouvait révéler les allées et venues de suspects potentiels.

Mis à part quelques chasseurs qui venaient s’approvisionner avant de partir à l’affût, il n’y avait personne qui puisse susciter un soupçon.

Alors Hugues de Montalabert eut une idée : et si le criminel se cachait sous le visage débonnaire et quasi angélique du berger qui emmenait le troupeau de chèvres dans les alpages, familier de Violette ?

Cet homme voulait peut-être régner sur la jeune femme sans partage.

«  Si je me présente en uniforme, il se refermera comme une huitre » pensa-t-il . de plus,  au village ,chacun connaissait son voisin.

Il recruta donc des auxiliaires de police habiles en camouflage et leur demanda de se présenter comme des touristes pour épier les allées et venues de Maxence, le berger apprécié par tout le village.

Violette serait l’appât innocent. Elle allait parfois dans les alpages admirer les bêtes qui lui procuraient le lait d’excellence nécessaire à la fabrication de ses fromages. Elle apportait des provisions de bouche à Maxence, se réjouissant de le voir si actif, si beau, un pâtre biblique et Virgilien.

Un jour, alors que Flavio fabriquait une table de chevet en merisier et en bois de rose, sculptant des cœurs et des roses au burin, Violette prit la route de l’alpage, panier au bras.

Il faisait beau. Maxence l’accueillit comme si elle était la reine de Saba. Il disposa une nappe sur sa table de berger, mit des couverts et mangea à belles dents en compagnie de Violette le fromage merveilleux de sa confection. Il avait mis une bouteille de vin rosé au frais dans le torrent et en but de belles rasades.

Le repas terminé, Maxence parla d’un lieu où fleurissaient des edelweiss.

« Je voudrais vous montrer ces fleurs de rêve dont les pétales ont l’aspect velouté de votre épiderme. Allons-y, vous ne regretterez pas cette excursion ».

Sans méfiance, Violette suivit le berger qui lui fit gravir une pente abrupte. «  A nous la beauté et l’amour » lui disait-il pour la motiver.

Soudain, il lui fit face, la saisit par la taille et l’embrassa fougueusement. Surprise par l’attaque, Violette tenta de se débattre mais le pire serait arrivé si deux hommes vigoureux, les auxiliaires de police déguisés en touristes n’avaient pas surgi d’un rocher derrière lequel ils s’étaient dissimulés.

Ils passèrent les menottes au violeur et redescendirent au village pour procéder à son interpellation dans les règles de l’art, Violette servant de témoin à charge.

On dépêcha un berger dans l’alpage pour surveiller le troupeau.

Violette s’en voulait d’avoir été si naïve ; à aucun moment, elle ne s’était méfiée de cet homme !

«  La beauté du visage n’est pas forcément celle de l’âme » dit sentencieusement Frère Alain, mis au courant de l’arrestation.

Flavio se montra compatissant et réservé car il ne voulait, en aucune façon, sembler vouloir profiter de la situation. Mais ce fut Violette qui fit les premiers pas en lui prenant la main : «  Vous avez toujours été mon bon ange mais je ne l’avais pas compris. Me pardonnez-vous » ? dit-elle en frémissant.

Flavio l’attira tendrement à lui et lui proposa de rester à ses côtés pour la vie si elle y consentait.

«  Je vous attends au confessionnal, mes enfants dit gaiement Frère Alain et nous envisagerons ensemble les procédures de fiançailles et de mariage ».

C’est ainsi que se termina l’enquête du commandant Hugues de Montalabert et que commença une belle histoire d’amour unissant deux êtres prédestinés pour valoriser les beautés de la vallée.

jeudi 7 août 2025

Au pays des chamois

 

 


La demeure de Violette était suffisamment vaste pour que Flavio dispose d’un espace agréable destiné à favoriser sa guérison.

Frère Alain vint lui rendre visite, se félicitant de sa bonne mine.

Violette insista pour qu’il reparte au presbytère avec un panier de bons produits. «  Ne me poussez pas à la gourmandise » dit le prêtre en souriant mais il accepta ce don car, bien souvent, son assiette était dégarnie. Il proposa à Flavio de venir le voir, ce qu’il accepta avec joie.

Frère Alain lui fit visiter l’église. Flavio resta figé face à une statue en bois de la Madone portant son enfant avec amour.

Voyant son intérêt pour la sculpture, Frère Alain l’emmena dans un atelier proche de l’église où un compagnon du devoir s’était installé pour réaliser son chef d’œuvre.

L’atelier était pourvu de tout le matériel servant à la sculpture ou à la fabrication de meubles. Du bois s’entassait dans un coin, merisier, châtaignier, hêtre, chêne et même du bois de rose.

Flavio s’extasia devant ces richesses et demanda au prêtre l’autorisation de travailler le bois : «  J’étais moi aussi compagnon du devoir précisa-t-il et j’ai réalisé un chef d’œuvre consistant en une vierge à l’enfant parmi les chamois et les edelweiss. C’est pour me ressourcer dans cet environnement alpin que je suis venu dans cette région et le hasard voulut que je tombe follement amoureux de votre fromagère, me faisant perdre la raison !

Remarquable dit Frère Alain ! Tu retrouves la mémoire et nous voici au cœur de ta destinée ! On dit que les voix de Dieu sont impénétrables et nous en avons la preuve puisque j’ai eu l’intime conviction d’apporter une aide révélatrice en prononçant une homélie destinée à te retrouver. Dieu a permis que tu aies la vie sauve ; cet atelier est à toi, je te fais confiance ».

Sur ces mots, les deux hommes partirent porter la bonne nouvelle à Violette : son poète avait retrouvé une grande partie de sa mémoire. Il était sculpteur sur bois, spécialisé dans l’art liturgique.

«  Il faudra informer la gendarmerie dès demain dit Violette mais ce soir, fêtons cet événement mémorable en savourant un bon repas »

C’est ainsi que s’acheva une journée fertile en émotions et en découvertes.

La java du Diable

 



«  Un jour le Diable fit une java

Qui avait tout l’air d’une mazurka

Valse à trois temps, il n’savait pas

Ce qu’il venait d’composer là !

Aussitôt la terre entière

Par cet air fut enchantée ».

Tu voulais parler au Diable, me voici, cria le Diable aux portes du Paradis. Il portait une cape rouge sang et des éclairs brillaient dans ses yeux.

Oublie-moi dit Johnny, j’ai dû écrire cela une nuit de lune rousse car depuis je me suis voué aux colombes de la paix. L’Archange Saint-Michel t’a terrassé alors que tu voulais encercler son corps de tes anneaux maléfiques.

Désappointé, le Diable s’en prit à un autre chanteur.

Protégé par les aigles et les loups, Johnny revint sur les berges de l’étang chimérique pour donner un concert dont le maître mot était l’amour.