Parvenu dans l’île, Ange parcourut l’étendue de terre sans rencontrer âme qui vive. Mis à part des rochers, des mares et de la glaise, il n’y avait rien pour accrocher le regard.
Soudain, alors qu’il désespérait de trouver une trace humaine, il découvrit une paire de sabots féminins finement tournés et décorés qui portaient la marque de son père. Il avait chaussé dans son enfance les sabots que son père avait faits pour sa venue au monde. Sa mère avait bercé ses nuits en lui parlant de cet homme merveilleux, travailleur et aimant, mort en allant lui cueillir des myrtilles par la balle perdue d’un chasseur maladroit.
Ces sabots étaient une véritable œuvre d’art, en bois de hêtre ; on y voyait un message d’amour.
Ange reprit le chemin du retour en emportant les précieux sabots.
Gwendoline les reçut comme s’il se fût agi d’une relique et versa des larmes en abondance.
La mémoire lui revint et elle raconta à son fils l’étrange périple vécu auprès de son père lors de sa visite de l’île aux cygnes. Elle fut étonnée d’apprendre que la maison où elle avait été si bien reçue par son époux avait disparu.
« C’est étrange qu’il n’ait pas voulu te rencontrer et te parler » dit-elle.
Ange répliqua que son père devait l’aimer secrètement mais qu’il avait mis toute son énergie pour vivre encore auprès de sa femme des journées d’amour.
Les sabots furent placés dans une vitrine près des sabots d’enfant soigneusement cirés.
Gwendoline assura son fils qu’elle se projetterait désormais dans l’avenir. Ange lui parla alors de Maëva et de son intention de la faire venir pour l’épouser.
Sa mère versa à nouveau des larmes mais, cette fois, c’étaient des larmes de joie.
Ils décidèrent de rester muets sur la rencontre de Gwendoline et de son défunt mari pour ne pas éveiller des soupçons sur la santé mentale de la veuve, voire susciter des quolibets.
« Ce sera notre secret » dit Ange à sa mère et dans un geste de tendresse, il posa sa tête sur l’épaule de cette femme aimante qui, l’espace de quelques jours, avait retrouvé le mari perdu pour ne jamais l’oublier.
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