L’inquiétante disparition du poète émut les habitants du village. Avant l’événement, on riait sous cape de l’amour ardent et naïf qu’il vouait à Violette mais avec le constat de sa volatilisation et la vue de sa tente lacérée et maculée de sang, personne n’osa se livrer à la moquerie et l’on commença même à jeter un regard noir à la jeune fille dont on se demandait si elle n’était pas impliquée dans cette tragédie.
Le maire de la commune Labastide des Lys proposa aux habitants de mener une battue dont on espérait qu’elle conduirait à la découverte de ce qu’il était arrivé au malheureux poète.
On fit comprendre à Violette que sa présence n’était pas souhaitée. La jeune fille en avait gros sur le cœur mais elle pensa que les faits prouveraient son innocence.
Durant la battue, elle fabriqua des petits fromages crémeux sur lesquels elle écrivit Flavio en utilisant une confiture d’airelles dont la recette provenait de sa famille.
Elle disposa les fromages sur une table proche de la mairie en laissant sa carte avec ces mots « Servez-vous ». Ce geste fut apprécié et les habitants du village se reprochèrent leur dureté vis-à-vis de celle qu’hier encore on portait aux nues.
Le fromage Flavio fut ensuite réclamé à la boutique car il était délicieux et ceux qui avaient prévu de boycotter le magasin de Violette renoncèrent à ce projet qu’ils qualifièrent d’injuste et ridicule.
La battue n’avait rien apporté. On avait l’impression que le jeune homme s’était littéralement volatilisé.
Comme le poète était de frêle apparence et qu’il ne pesait guère, des personnes se demandèrent s’il n’avait pas été mis à mal par des rapaces et emporté comme trophée par un aigle royal.
On se mit à observer les oiseaux, se défiant de ceux qui décrivaient des vols concentriques et, par mesure de prudence, les mères mirent leurs enfants à l’abri, leur interdisant toute sortie.
Les gendarmes continuaient à prospecter et visitaient systématiquement chaque maison, interrogeant les habitants sur leur emploi du temps durant la soirée où l’on supposait que Flavio avait été enlevé.
Un gendarme spécialisé en ce type d’exercice profita d’une absence de Violette pour installer divers systèmes de surveillance, caméra dissimulée dans un lustre, capteur téléphonique et autres subtilités techniques destinées à répertorier les agissements de la jeune fille qui demeurait au centre du problème.
Le renom du fromage Flavio se répandit dans les vallées voisines et pour faire face à la demande, Violette dut engager une employée.
Séverine, brevetée en comptabilité et en recherche d’emploi, fut heureuse de trouver du travail : Brasser les produits et contribuer à leur fermentation lui plurent. De plus elle contribuait à parfaire un fromage d’exception et elle avait gardé un joli trait de plume pour écrire le nom de Flavio en lettres stylisées sur ces fromages de luxe.
Violette avait mis une chambre à sa disposition et se félicitait de la présence de la jeune fille en son foyer. C’était à la fois une aide précieuse et une personne à qui elle pouvait parler le soir, au moment où elle sentait poser sur ses épaules le reproche muet de la disparition d’un homme.
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