Un collier de fleurs, L’Amour
en cage alternant avec des œillets, fut la parure que retint la reine des
prairies afin de parachever sa toilette, une longue robe fendue sur les côtés
et une ombrelle pour se protéger des effets du soleil ardent. Elle croisa sur
son chemin le prince des amours perdues qui lui offrit galamment le bras. Ses
bracelets d’or pur tintaient et c’est au rythme de cette douce musique qu’elle
écouta les paroles du prince qui lui racontait avec une certaine mélancolie des
désamours au quotidien de nombreux amants déçus.
« Si nous
pouvions, ma chère, rompre des unions qui n’ont pas lieu d’être puis refaire
des couples en harmonie en les faisant se croiser, comme nous, sur un chemin
propice à l’éclosion d’un bel amour tout neuf, nous accomplirions sans doute
une belle tâche » dit le Prince et Sylvia ne put s’empêcher de penser qu’il
songeait peut-être à elle. De nombreux princes l’avaient déçue mais il lui
arrivait de penser que son destin était celui d’une femme seule pour accomplir
au mieux la remise en état de nombreuses friches qui s’amoncelaient dans son
royaume.
Sylvia avisa un arbre
en forme d’oiseau et souhaita s’y arrêter pour étudier la structure d’une telle
merveille. Le prince obéit à ses vœux et en s’approchant de ce végétal étrange,
ils virent nettement qu’il s’agissait d’un arbre mort recouvert de feuilles d’or.
Des oiseaux de toutes les couleurs s’y étaient posés, lui donnant cette
apparence ailée.
Une véritable
symphonie éclata au pied de l’arbre, ravissant le jeune couple qui chanta à l’unisson.
Le prince avait une voix de ténor, Sylvia, celle d’une soprano et leur duo
provoqua l’éclosion de jeunes tulipes qui tendirent leur calice vers le ciel.
Après ce chant
improvisé mais d’une grande pureté, le couple sentit s’instaurer une harmonie
délicieuse. Ils s’installèrent au pied de l’arbre afin de prolonger ces
instants fugaces d’émotion et contemplèrent la prairie, admirant cette vaste
plaine où se mêlaient pousses variées et fleurs si fraîches qu’on hésiterait à
les cueillir. Un ballet floral de petites divinités des champs apporta nappe
colorée et multitude de coupelles au contenu varié, déclinaison de physalis,
nom savant de l’amour en cage, afin d’honorer le ravissant collier de Sylvia, préparations
de galettes fines fourrées d’un mélange de riz, de fruits secs et de fleurs
comestibles, bouchées fromagères et fruits en abondance, nature ou en garniture
de tartelettes avec un nappage de gelées diverses. Des pichets d’eau fraîche et
de jus de fruits complétaient ce pique-nique agréable. Après cet intermède, les
deux amants, ainsi pourrons-nous les nommer désormais, avec le sens qu’on
donnait à ce terme au XVIIème siècle,
unirent leurs rêves dans un berceau de nuages.
Pour la première fois de
sa vie, le prince se sentait léger. Les amours perdues qui ternissaient
habituellement son horizon s’étaient évaporées comme autant de gouttes de rosée
qui s’accrochèrent aux herbes.
Quand le soleil se fit
de plus en plus discret, ils décidèrent de prendre le chemin du retour. Des
lapins couraient dans la prairie et leurs ébats les amusèrent. Le prince prit
la main de Sylvia pour lui éviter les mottes touffues qui pouvaient cacher
quelques pièges. Ainsi unis, ils arrivèrent au croisement de leurs chemins. Le
prince baisa la main de la reine qui s’éloigna, à regret, dans un halo de
vapeur bleutée. Sylvia se défit de sa parure, son collier d’amour en cage et d’œillets
et égrena les fleurs sur son chemin. Elles se transformèrent en joyaux que la
reine des prairies offrit, en pensée, aux promeneurs qui trouveraient la clef
de son royaume.
Revenue en son fief de verdure, elle réclama à ses
serviteurs un bain aux essences parfumées, se délassa en compagnie de son ami
fidèle, un rouge-gorge superbe, se sécha et vêtue d’une robe de lin s’assit
dans un fauteuil en rotin pour admirer le coucher du soleil. Elle ferma un
instant les yeux et lorsqu’elle les rouvrit, ce fut pour voir une farandole de
tourterelles ornées d’amour en cage. Chacune d’elles portait un message et
Sylvia découvrit avec bonheur une demande en mariage du prince qui lui jurait
un amour éternel. Il avait offert sa charge de grand officier des amours
perdues à son bras droit et décidait dorénavant de ne plus sacraliser qu’un seul
amour, si elle y consentait, celui de leur couple qu’il mènerait comme une
barque d’argent sur un lac de pourpre. Sylvia sourit et lui renvoya les
tourterelles avec des colliers de rubis et de turquoises pour acceptation de
cet amour fondé sur la vitalité de son royaume, au cœur d’une prairie sans
cesse renouvelée, gage d’éternité.
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