Éveillée par une aubade d’oiseaux, la
déesse Flore sourit au jour et après des ablutions à l’eau de source parfumée
par les bégonias et les magnolias, revêtit une tunique blanche brodée de
pivoines, s’orna d’une parure bleue et s’élança sur les sentiers qui menaient
vers les hameaux.
« Je l’ai vue,
elle est là, notre déesse du Printemps ! » Cette phrase circula de
bouche en bouche et chacun se sentit revigoré. Les travaux des champs parurent
moins lourds et les ouvriers d’une fonderie mythique, menacés par la fermeture
de la maison mère qui fut à l’origine de la Tour Eiffel, gonflèrent leurs
poumons de ce vent d’Espérance et partirent d’un pas léger vers la capitale
dans le but de retrouver emploi et bonheur.
La déesse Flore hésita
un instant puis accepta de revêtir l’écharpe tricolore, jetant sur le bord de
la route ses bijoux qui étincelèrent au soleil puis, lucioles bleutées, se
faufilèrent vers les rivières pour lui redonner leur pureté originelle.
Parmi les ouvriers, la
déesse prenait une dimension nouvelle. Près d’un magicien vêtu d’une
combinaison ignifuge qui faisait jaillir le feu en étoiles incandescentes, la
déesse offrait une note poétique tout à fait inédite en ce cortège.
Plus loin, Ariane
Mnouchkine dirigeait une immense figure symbolique, mouvante et drapée de
blanc, la Justice, entourée par des danseurs moulés dans des tuniques et des
justaucorps lumineux.
La déesse Flore
retrouva ses automatismes printaniers et lança à la foule des bouquets de
jacinthes et d’iris que de jeunes fleuristes enthousiastes lui offraient.
Au fur et à mesure de
la progression du cortège qui se dirigeait vers la Bastille, des groupes l’étoffaient,
les Imprimeurs, de tout temps les alliés des Révolutionnaires, des écoles de
chant qui entonnèrent l’hymne national issu de la Révolution, la Marseillaise,
des polytechniciens et des Saint-Cyriens, prestige de la France et surtout le
peuple parisien plein de ferveur, applaudissant à la fois le retour du
Printemps et l’éveil de citoyens assoupis.
Ravie de la tournure
de cette fête du Printemps inhabituelle et pleine d’émotion, la déesse chargea
son avatar de rester dans le cortège et s’éclipsa pour regagner les rives de
son royaume protégé par les cygnes et les divinités de la nature.
Elle s’endormit tandis que les rossignols chantaient
le renouveau et que les rivières déposaient fleurs et joyaux dans les roseaux,
guettant la venue des poètes.
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