Le voyage de Tom
Bercé par le doux roulis des
vaguelettes de son étang royal, le petit roi Tom ainsi prénommé pour son
apparence angélique, suivait du regard les oies sauvages. Soudain, les
sarcelles qui emmenaient sa nacelle douillette furent prises d'un irrésistible
besoin de s'envoler avec les oies sauvages et ce fut sur l'étang une folle
envolée qui se termina pour Tom par une arrivée sur le rivage où il ne reconnut
pas le moindre élément du paysage qui lui était familier. Il marcha dans le
sable, réconforté par la présence d'un oiseau bleu qui lui murmurait des
encouragements à l'oreille. Enfin il arriva près d'un palais qui n'était pas le
sien mais qui lui ressemblait étrangement. Une petite fille de son âge, vêtue
de crinoline et chaussée d'espadrilles accourut à sa rencontre et lui prit la
main, le conduisant directement à la cuisine qui fleurait bon la brioche et le
chocolat. On les servit puis Gwendoline, tel était son nom, lui montra sa
chambre, décorée de tissus provençaux. Une élégante suivante de la princesse lui
prépara un bain; vêtu d'un joli costume de nuit, Tom ne se fit pas prier pour
se glisser dans des draps parfumés à la lavande et s'endormit, rêvant que sa
mère, disparue mystérieusement un soir d'orage, venait le chercher Alors que Tom dormait
profondément, une mélodie se fit entendre et un joueur de harpe entra dans la
chambre, suivi par une ravissante jeune femme aux longs cheveux épars noués de
roses. Un éclat lunaire illumina la pièce et Tom se leva spontanément. Il
revêtit un joli costume de velours, chaussa des bottines en écorce de bouleau
et s'enveloppa d'une cape de laine. La Dame lui prit la main et ils marchèrent
jusqu'au rivage où les attendait un batelier, la pagaye à la main. Ils
entrèrent dans une barque où un dais royal les abritait du vent. Ce fut une
traversée idéale, ponctuée de cris d'oiseaux dérangés dans leur sommeil. Ils
arrivèrent enfin auprès d'un château si élégant qu'on aurait souhaité y passer
le reste de ses jours, du moins c'est ce que lui murmura la dame aux beaux
cheveux. « On l'appelle le Château de la Reine Blanche et je ne
t'apprendrai pas que cette Reine, c'est moi. Le dieu du vent m'a enlevée un
jour d'orage et je ne serai rendue à ma
famille que le jour où je rencontrerai un enfant au cœur pur; cet enfant, c'est
toi! ». La Reine se tut et ils partirent en direction du château où les
serviteurs avaient préparé une belle flambée. Blotti contre cette apparition
digne des contes de sa nourrice, Tom se laissait aller au gré de l'aventure. On
leur servit un vol au vent de volaille, une charlotte à la confiture de lait et
ils burent du jus de raisin et du sirop d'orgeat. Un vent tourbillonnant les
souleva du sol. La Reine s'envola sous l'apparence d'une mésange bleue et Tom
retrouva la barque royale qui le ramena directement chez lui alors que l'on
commençait à s'inquiéter de sa disparition. Heureux d'avoir rencontré la Reine
Blanche dont tout le monde parlait, il feignit une grande fatigue pour ne pas
avoir d'explications à donner. A partir de ce jour, les oiseaux furent ses amis
et rêvant de revoir la petite fille en crinoline de son aventure, il ne cessa
de regarder le vol des oies sauvages. « Tu es encore trop jeune pour
aimer, lui dit une voix familière mais je veille sur toi ». Tom reconnut
la mésange bleue et il lui envoya des baisers de sa petite main royale !
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