Le retour de l’enchanteur
En reprenant les cours de littérature à l’école où il régnait
toujours une atmosphère paisible et digne des souhaits de Rabelais, Tiphaine
retrouvait la sérénité et il lui semblait que les heures noires connues lors de
son rapt étaient loin derrière elle.
Or, au détour d’une allée dans le parc, elle eut la surprise
de se trouver en face de son ravisseur. Sa silhouette était gravée dans sa
mémoire de même que son masque vénitien, fort seyant mais portant à réflexion :
que se cachait-il derrière ces dentelles ? Quel visage avait-il en un mot ?
Afin de détendre l’atmosphère et d’empêcher la jeune fille
de s’enfuir, Louis tel qu’il s’était prénommé lors de son enfermement, lui
tendit une liasse de feuillets qui n’étaient autres que les écrits dont elle
avait mûri l’écriture dans le château devenu son habitation bien malgré elle.
« Chère Tiphaine, je tenais à vous rendre votre bien
car je ne doute pas que ces écrits soient pour vous très précieux.
Depuis votre départ, je me morfonds et ne sais plus qui je
suis.
J’erre dans le parc de mon château, sans but et avec une
telle mélancolie que je ne tiens plus guère à la vie.
Sans vous, la vie m’est devenue un fardeau et si je peux
vous aider dans une mesure possible, c’est avec bonheur et gratitude que je m’acquitterai
de la dette que j’ai envers vous pour vous avoir ainsi enlevée.
La passion, aveugle j’en conviens, m’a contraint à user d’agissements
contraires aux usages des honnêtes hommes et je viens à genoux vous demander
pardon ».
Tiphaine releva l’enchanteur et lui proposa de s’asseoir de
concert sur un banc du parc pour deviser comme des amis, à la seule condition
qu’il enlève ce masque qui lui semblait être un objet d’éloignement.
Louis ôta ce masque et il apparut tel qu’il était, un fort
bel homme, séduisant et agréable à voir.
« Pourquoi donc avoir caché ce visage et agir de
manière étrange en me capturant ainsi ? » dit Tiphaine avec beaucoup
d’à propos.
C’est un acte que je ne m’explique pas moi-même soupira le
jeune homme. Je crois que je redoutais de ne pas vous plaire.
Qui peut savoir qu’il est beau si une personne aimée ne vous
le dit pas ? ajouta-t-il.
Ils parlèrent peu car les cours allaient reprendre pour
Tiphaine mais ils se donnèrent rendez-vous aux prochaines vacances de la jeune
fille.
Tiphaine repartit en serrant sur son cœur sa liasse de
feuillets et elle se promit de consacrer son temps libre à la rédaction d’un
mémoire qu’elle nommerait tout naturellement Voyage au pays de l’enchanteur.
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