De mémoire de rose
« De mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir de jardinier »
disait un poète italien cité par Stendhal, en exergue d’un chapitre de Le Rouge
et le Noir.
« Qui est plus beau que les roses » écrivais-je un
soir d’internat à l’âge de dix ans et je m’ingéniais, enfant, à recueillir les
pétales de roses qui venaient de rendre l’âme pour les poser dans un panier.
Je faisais le tour de « ma rue » pour en proposer
la vente et j’étais étonnée des sourires moqueurs qui m’étaient adressés en
retour.
Je me figurais que l’on pouvait en faire des eaux de
toilette et sur ce point je n’avais pas tort : il me manquait juste le
savoir-faire oriental qui transforme les fleurs, notamment celles de l’oranger
en parfums.
Un lendemain d’orage, à Marrakech, j’ai vu des femmes
ramasser consciencieusement les fleurs d’oranger qui gisaient à terre sur le
trottoir.
De mémoire de rose…quel beau livre on pourrait écrire sur ce
thème ! J’y mêlerais sûrement quant à moi, une fée qui donnerait à la rose
une forme d’immortalité et en ferais un palais où reposerait la plus jolie
princesse du monde, aux joues rosées et au teint éclatant.
Alice se promènerait dans des allées où les roses
raconteraient leur vécu et se donneraient des répliques qui ne manqueraient pas
de piquant.
Pour glorifier les roses, j’aimerais qu’un jour spécifique
lui soit dédié et que des poèmes de Ronsard et d’autres écrivains de la
Renaissance soient dits à longueur d’antenne, histoire de contrecarrer les
effets parfois maléfiques de certaines chansons qui prônent la haine et la
laideur.
« De mémoire de rose » devrait jouter avec les
formules magnifiant les aïeules : « comme disait ma grand-mère »
devient une formule passe-partout qui se veut le sésame d’un consentement,
généralement politique et sans réelle consistance.
Ma Grand-mère avait le sens féerique aiguisé et je crois que
c’est d’elle que je tiens ce modeste talent : elle plaçait des pièces de
vingt centimes dans les boites qui contenaient ses pilules pour le cœur et dès
mon arrivée, elle me les donnait en guise de pièces d’or. C’était pour moi un
trésor inestimable et je l’écoutais chanter « Dame Tartine » et
autres chansons avec ravissement.
« De mémoire de rose » devient pour moi « De
mémoire de Grand-Mère » et je ne leur ferai pas l’injure de les mêler aux
slogans qui fleurissent aujourd’hui, me rappelant la chanson qui mourut sur les
lèvres de Gavroche.
« De mémoire de rose » on ne voit pas mourir les
fées, dirais-je en modifiant le texte initial et j’invite mes lecteurs à relire
mes contes et ceux des grands auteurs, Charles Perrault, Madame d’Aulnoye, la
comtesse de Ségur, Andersen et tant d’autres qui nous réjouissent l’âme et nous
aident à poursuivre notre route sur les allées où l’on doit se garder des
épines !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire