mercredi 29 août 2018

Bethsabée


Bethsabée
La nouvelle de l’union de Louis et d’Ornella vola jusqu’au château de Blanchefleur qui fit contre mauvaise fortune bon cœur. Ce n’était pas le mariage dont elle avait rêvé mais dans la mesure où le destin avait réuni ces enfants, il aurait été malséant de se rebeller.
C’est ainsi que Blanchefleur organisa des noces fabuleuses destinées à asseoir la lignée du comte dans la pérennité.
La nouvelle s’étant propagée jusqu’en Orient, le prince qui avait participé à la recherche de la tulipe d’or, fit savoir qu’il se mettait en chemin car il était porteur d’une bonne nouvelle. Il annonçait la présence, en son escorte, de Bethsabée, la mère biologique du comte et se proposait de faire ériger, à ses frais, un castel où elle pourrait vivre sans infliger sa présence à la comtesse.
Blanchefleur s’inclina devant ce souhait et elle rappela les ouvriers qui avaient œuvré à l’édification de l’oratoire, destiné à Sœur Myriam et à ses moniales, habituées à faire la navette entre le monastère et le château de leur amie.
Sœur Myriam s’était prise d’affection pour Louis et elle serait naturellement présente pour les noces. Toujours aussi douée pour la broderie, elle avait confectionné le voile de la mariée, si beau, si diaphane qu’il semblait avoir été fait par les anges.
Blanchefleur n’éprouvait pas de ressentiment envers Bethsabée et elle était curieuse de la connaître.
Si Louis était le vivant portrait de son père, il y avait en lui une part de mystère et d’orient qui ne pouvait venir que par sa mère et dans cette optique, la jalousie n’était pas de mise.
Elle l’aurait volontiers reçue au château mais elle pensait que Bethsabée serait heureuse de vivre de manière autonome.
Elle recruta donc des damoiselles de haut lignage pour qu’elles puissent se tenir auprès de la mère du marié et l’aider à tenir son train de maison.
Les voyageurs venus d’orient furent les premiers à se présenter au château car les futurs mariés se livraient à des essayages afin de paraître au summum de l’élégance et de la beauté.
Ornella surtout avait à cœur de faire tomber les préjugés qui l’avaient entourée et elle voulait absolument effacer l’image de la danseuse aux mille voiles, même si elle lui avait permis d’envoûter le beau Louis dont toutes les jeunes filles étaient amoureuses.
Bethsabée voulait passer inaperçue, ce fut un échec tant sa beauté était éclatante. Fidèle à l’image de celle qui rendit fou d’amour le roi David, elle remplissait tous les critères des canons de la beauté universelle, propulsant l’orient au zénith.
Blanchefleur la reçut chaleureusement et l’assura de son amitié.
Fidèle aux règles de l’hospitalité, elle lui fit préparer un bain et lui proposa la plus belle chambre du château avant son installation dans le castelet abondamment fleuri, avec un cellier garni de provisions fraîches et de salaisons pour la préparation de mets raffinés.
Le prince dont personne au château n’avait oublié la générosité et l’active participation à la recherche de la tulipe d’or, fut reçu comme un roi.
Il présenta à la comtesse douze chevaliers qui portaient sur leur écu la fleur tant désirée.
Sur leur bannière, une devise était écrite en lettres d’or : A Blanchefleur, la dame de nos pensées ! Pour âme vaillante, douze cœurs vaillants, avec nos pensées d’azur et d’or !
C’est une magnifique surprise qui me touche infiniment dit Blanchefleur d’une voix émue : il y avait si longtemps que personne n’avait parlé d’elle en termes élogieux ! Elle en eut presque la larme à l’œil !
Et je vous réserve une autre surprise qui vous plaira infiniment dit le prince mais, pour vous la dévoiler, il me faut la présence du jeune couple et cela ne saurait tarder car j’ai envoyé un émissaire au château de Florian pour leur demander de se hâter !
Un petit nuage passa dans les jolis yeux de Blanchefleur à cette perspective un peu redoutée mais il fut vite chassé par les préoccupations hospitalières présentes.
Elle offrit au prince pour le seconder et le servir la présence d’une jeune villageoise dont la beauté et les compétences étaient à nulle autre pareilles.
Ninon, la bien nommée, inspirait l’amour au premier regard mais ce qui était remarquable en elle, était le sens de la loyauté et de l’honneur, de sorte qu’aucun homme n’avait eu, à son endroit, des propos ou des gestes osés, voire discourtois.
Ravi de cette attention, le prince se retira dans ses appartements tandis que les douze chevaliers étaient conduits vers les tentes d’apparat que l’on avait apprêtées.
A peine reposée mais fraîche comme la rose du matin, Bethsabée réapparut, vêtue de mousselines turquoise et or, attachées, à l’ancienne, par une fibule en argent.
Cette tenue était littéralement fabuleuse et seyait particulièrement à la beauté orientale de la mère du comte Louis.
Avez-vous un ouvrage à broder ou une réalisation culinaire raffinée à me proposer, dit calmement l’enchanteresse, j’aime à me rendre utile.
Chère amie, je serais heureuse si vous pouviez guider mes cuisinières pour la réalisation de pâtisseries orientales dont tout le monde raffole mais qui réclame tant de dextérité. Cependant je crains que vos ravissantes mousselines ne se gâtent c’est pourquoi, je vous donnerai une chasuble de travail.
Vous avez tout le temps de vous rendre utile.
Causons un peu, voulez-vous ?
Bethsabée fut sensible à cette proposition et c’est avec bonheur qu’elle accompagna son hôtesse dans un petit salon où un feu de bois jetait une lueur pourprée.
Les dames se racontèrent mille riens qui faisaient le charme de la vie des châtelaines, contraintes à passer des heures, des semaines, des mois et des années à attendre un chevalier parti au bout du monde pour d’obscurs desseins.

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