Bethsabée
La nouvelle de l’union de Louis et d’Ornella vola jusqu’au
château de Blanchefleur qui fit contre mauvaise fortune bon cœur. Ce n’était
pas le mariage dont elle avait rêvé mais dans la mesure où le destin avait
réuni ces enfants, il aurait été malséant de se rebeller.
C’est ainsi que Blanchefleur organisa des noces fabuleuses
destinées à asseoir la lignée du comte dans la pérennité.
La nouvelle s’étant propagée jusqu’en Orient, le prince qui
avait participé à la recherche de la tulipe d’or, fit savoir qu’il se mettait
en chemin car il était porteur d’une bonne nouvelle. Il annonçait la présence,
en son escorte, de Bethsabée, la mère biologique du comte et se proposait de
faire ériger, à ses frais, un castel où elle pourrait vivre sans infliger sa
présence à la comtesse.
Blanchefleur s’inclina devant ce souhait et elle rappela les
ouvriers qui avaient œuvré à l’édification de l’oratoire, destiné à Sœur Myriam
et à ses moniales, habituées à faire la navette entre le monastère et le
château de leur amie.
Sœur Myriam s’était prise d’affection pour Louis et elle
serait naturellement présente pour les noces. Toujours aussi douée pour la
broderie, elle avait confectionné le voile de la mariée, si beau, si diaphane
qu’il semblait avoir été fait par les anges.
Blanchefleur n’éprouvait pas de ressentiment envers
Bethsabée et elle était curieuse de la connaître.
Si Louis était le vivant portrait de son père, il y avait en
lui une part de mystère et d’orient qui ne pouvait venir que par sa mère et
dans cette optique, la jalousie n’était pas de mise.
Elle l’aurait volontiers reçue au château mais elle pensait
que Bethsabée serait heureuse de vivre de manière autonome.
Elle recruta donc des damoiselles de haut lignage pour qu’elles
puissent se tenir auprès de la mère du marié et l’aider à tenir son train de
maison.
Les voyageurs venus d’orient furent les premiers à se
présenter au château car les futurs mariés se livraient à des essayages afin de
paraître au summum de l’élégance et de la beauté.
Ornella surtout avait à cœur de faire tomber les préjugés
qui l’avaient entourée et elle voulait absolument effacer l’image de la
danseuse aux mille voiles, même si elle lui avait permis d’envoûter le beau
Louis dont toutes les jeunes filles étaient amoureuses.
Bethsabée voulait passer inaperçue, ce fut un échec tant sa
beauté était éclatante. Fidèle à l’image de celle qui rendit fou d’amour le roi
David, elle remplissait tous les critères des canons de la beauté universelle, propulsant
l’orient au zénith.
Blanchefleur la reçut chaleureusement et l’assura de son
amitié.
Fidèle aux règles de l’hospitalité, elle lui fit préparer un
bain et lui proposa la plus belle chambre du château avant son installation
dans le castelet abondamment fleuri, avec un cellier garni de provisions
fraîches et de salaisons pour la préparation de mets raffinés.
Le prince dont personne au château n’avait oublié la
générosité et l’active participation à la recherche de la tulipe d’or, fut reçu
comme un roi.
Il présenta à la comtesse douze chevaliers qui portaient sur
leur écu la fleur tant désirée.
Sur leur bannière, une devise était écrite en lettres d’or :
A Blanchefleur, la dame de nos pensées ! Pour âme vaillante, douze cœurs vaillants,
avec nos pensées d’azur et d’or !
C’est une magnifique surprise qui me touche infiniment dit
Blanchefleur d’une voix émue : il y avait si longtemps que personne n’avait
parlé d’elle en termes élogieux ! Elle en eut presque la larme à l’œil !
Et je vous réserve une autre surprise qui vous plaira
infiniment dit le prince mais, pour vous la dévoiler, il me faut la présence du
jeune couple et cela ne saurait tarder car j’ai envoyé un émissaire au château
de Florian pour leur demander de se hâter !
Un petit nuage passa dans les jolis yeux de Blanchefleur à
cette perspective un peu redoutée mais il fut vite chassé par les
préoccupations hospitalières présentes.
Elle offrit au prince pour le seconder et le servir la
présence d’une jeune villageoise dont la beauté et les compétences étaient à
nulle autre pareilles.
Ninon, la bien nommée, inspirait l’amour au premier regard
mais ce qui était remarquable en elle, était le sens de la loyauté et de l’honneur,
de sorte qu’aucun homme n’avait eu, à son endroit, des propos ou des gestes
osés, voire discourtois.
Ravi de cette attention, le prince se retira dans ses
appartements tandis que les douze chevaliers étaient conduits vers les tentes d’apparat
que l’on avait apprêtées.
A peine reposée mais fraîche comme la rose du matin,
Bethsabée réapparut, vêtue de mousselines turquoise et or, attachées, à l’ancienne,
par une fibule en argent.
Cette tenue était littéralement fabuleuse et seyait
particulièrement à la beauté orientale de la mère du comte Louis.
Avez-vous un ouvrage à broder ou une réalisation culinaire
raffinée à me proposer, dit calmement l’enchanteresse, j’aime à me rendre
utile.
Chère amie, je serais heureuse si vous pouviez guider mes
cuisinières pour la réalisation de pâtisseries orientales dont tout le monde
raffole mais qui réclame tant de dextérité. Cependant je crains que vos
ravissantes mousselines ne se gâtent c’est pourquoi, je vous donnerai une
chasuble de travail.
Vous avez tout le temps de vous rendre utile.
Causons un peu, voulez-vous ?
Bethsabée fut sensible à cette proposition et c’est avec
bonheur qu’elle accompagna son hôtesse dans un petit salon où un feu de bois
jetait une lueur pourprée.
Les dames se racontèrent mille riens qui faisaient le charme
de la vie des châtelaines, contraintes à passer des heures, des semaines, des
mois et des années à attendre un chevalier parti au bout du monde pour d’obscurs
desseins.
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