samedi 11 août 2018

Blanchefleur


Blanchefleur
Du haut de son donjon, Blanchefleur scrutait l’horizon afin d’y apercevoir, au loin, l’escorte de celui qu’elle aimait passionnément, son époux, Eudes du Loiret.
Il lui avait fait parvenir, de cet orient qu’il avait voulu rendre au Christ, mille coffres de tissus, bijoux et parfums aux senteurs inestimables.
Des maîtres jardiniers exécutèrent, selon les plans qu’il avait fournis, la création de jardins qui devinrent paradisiaques lors de leur achèvement.
Orangers, abricotiers, vignes et rosiers en abondance dessinèrent bientôt les contours d’un véritable Eden.
Un jardin d’amour avec buissons odorants, fontaine et volière, présentait la particularité d’avoir en son cœur, un édifice charmant où l’on pouvait se reposer, lire, écrire et écouter des chants car Eudes avait également envoyé à sa dame, des troubadours habiles au chant, à l’art de la vielle et de l’épinette.
Mais ce qui avait le plus charmé la belle Blanchefleur au teint de lys et aux pommettes rosées et ambrées, c’était une lettre dans laquelle le comte exprimait tout son amour.
La comtesse avait enfermé le précieux parchemin dans un coffret en bois de rose et elle en connaissait le contenu par cœur.
«  Ma belle, ma bien-aimée, semblable à la fleur de lys, au doux parfum de rose, je me meurs loin de toi. Il m’arrive de servir de diplomate et de rencontrer les émirs que nous affrontons jour et nuit et lors de ces entretiens complexes, je suis accueilli, avec ma délégation, dans de merveilleux jardins où jasent les fontaines et chantent les oiseaux, en volière.
On nous sert du thé parfumé à la menthe et des pâtisseries au miel adoucissent ces instants parfois âpres et tendus.
Je souhaite que tu puisses savourer ces moments où le temps semble suspendu, où la beauté du monde éclate aux yeux de tous et je t’envoie  donc plans, maîtres d’œuvre et jardiniers qui t’aideront à reproduire ces jardins d’Eden.
Mais ce que je souhaite le plus au monde, c’est de te retrouver dans notre lit en bois de chêne et de t’enlacer dans des transports jusqu’à l’extase durant de longues et délicieuses nuits.
Mon amour, ma beauté, il me tarde de te revoir et de te serrer aux yeux de tous, sur ma poitrine où bat un cœur qui n’appartient qu’à toi.
Je t’aime et serai ton époux aussi longtemps que Dieu le voudra.
A toi, ma bien-aimée, ma femme au corps de reine et au visage d’ange, ton époux, bien marri d’être séparé de toi, Eudes le Valeureux aux dires de tous, ici, près de Jérusalem que nous ne tarderons pas à quitter, enfin délivrée !
Je t’embrasse et te redis mon amour, sans tache, enchâssé dans un cœur qui n’appartient qu’à toi pour l’éternité ».
Blanchefleur ne put retenir ses larmes en découvrant ce cri d’amour et elle s’empressa d’ordonner la réalisation de ces jardins qui avaient tant plu à son époux puis elle attendit son retour.
Mais les jours, les mois, les années passèrent. De nombreux chevaliers revinrent chez eux et aucun ne put donner de nouvelles d’Eudes le Valeureux.
Puis cette terrible escorte, vêtue de noir, arriva aux portes du château et l’on apporta à Blanchefleur la dépouille de son époux, tué au combat par celui-là même qui l’avait si bien accueilli dans ses jardins.
Le combat avait été terrible comme le rapportèrent les écuyers et c’est d’un coup de sabre que le comte mourut, non sans avoir infligé au préalable, maintes blessures, à son ennemi.
Après avoir ordonné et présidé de grandioses funérailles, toute vêtue de noir, Blanchefleur se retira dans le patio de son jardin d’amour et c’est alors qu’une colombe lui apporta une tulipe d’or qui portait, enroulé sur sa tige, le message suivant : «  Cherche le royaume de la tulipe d’or et de ses preux chevaliers et tu trouveras la paix de l’âme ».
Profondément émue par ce message venu des cieux, Blanchefleur regagna les appartements de son château, enferma la tulipe d’or et son message dans le coffret qui contenait la lettre de son époux puis réfléchit longuement à son curieux destin.
Le lendemain, elle renonça à porter le deuil et se comporta comme si son mari devait revenir auprès d’elle.
Elle se renseigna sur les chevaliers qui auraient pu voir son mari sur un champ de bataille et décida de respecter ses dernières volontés en ordonnant des fêtes dans les jardins. Elle lança des invitations avec l’espoir de trouver un compagnon de la tulipe d’or pour se mettre à la recherche du fameux royaume.
C’est ainsi que la quête de la belle Blanchefleur commença !



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