Noces flamboyantes
Les futurs mariés arrivèrent en char à banc, fleuri de
roses, de lys et de digitales pourprées. Ils étaient escortés par Florian Roze,
son écuyer et une troupe d’hommes armés car il se disait que l’infâme Mérovée n’avait
pas complètement disparu et qu’il surgissait au moment où l’on s’y attendait le
moins, prêt à en découdre avec sa bande de gueux.
Les femmes arriveraient dans un prochain convoi, encadrées
par les chevaliers de l’ordre nouveau, porteurs de l’écu à la tulipe d’or.
Seule, Lilwen resterait au château afin de ne pas mettre la
vie de l’enfant à naître en péril.
Des hommes de garde dont on était sûr et un escadron de
dames de compagnie étaient à son service pour ne lui causer aucun tourment,
néfaste au développement du futur nourrisson.
Florian et elle avaient convenu de se transmettre des
messages en utilisant des pigeons voyageurs.
Bethsabée et Blanchefleur attendaient les amants sur la plus
haute marche du perron et elles fondirent, d’un pied léger, pour les accueillir
et les serrer sur leur cœur.
Les effusions cessèrent rapidement car il ne fallait pas
fatiguer les jeunes gens outre mesure.
On les conduisit dans leurs appartements et on les laissa en
repos jusqu’au lendemain.
Le château marcha au ralenti, retenant son souffle pour que
la cérémonie soit flamboyante et unisse tous les royaumes dans une ferveur
unanime.
Le lendemain, l’apparition de la mariée fut céleste :
un ange descendu sur terre, telle fut la perception que l’on eut de la sublime
Ornella.
Sa robe de brocart, bleue et turquoise, jetait une note
lumineuse, soulignée par la beauté du voile immaculé brodé de lys et de roses
qui cascadait de chaque côté du hennin de lin blanc afin de mettre en valeur la
pureté des traits de la divine comtesse.
Des souliers de satin blanc parachevaient cette toilette
parfaite qui inspira à un peintre de l’assistance une composition mariale.
Le comte Louis apparaissait également sous un jour lumineux
et le cœur de ses deux mamans battait à l’unisson, à le voir si beau et si
digne, le portrait vivant de son père, avec cette inimitable touche orientale
qui le rendait à nul autre pareil.
Un prêtre qui avait vécu à Damas, la capitale des roses,
bénit leur union et l’on crut voir s’envoler des colombes lorsqu’ils
échangèrent leurs anneaux.
Un incident se produisit ensuite car le terrible Mérovée
avait voulu s’infiltrer dans le cortège des villageois, avec ses sbires, mais
les douze chevaliers du prince mirent un terme à ce début d’émeute et l’on jeta
les indésirables dans les oubliettes du château afin que l’on n’entende plus
jamais parler d’eux et que la nuisance disparaisse pour toujours du plus beau
des royaumes.
Vêtues de lin blanc et parées de roses, chapelets filant
entre leurs doigts agiles, sœur Myriam et ses moniales entonnèrent un chant
liturgique et profond, si mélodieux que les oiseaux du jardin d’amour les
accompagnèrent à l’unisson.
Un autre couple fit sensation de par son charme, sa grâce
infinie et ce que l’on nomme la beauté qui est parfois si diversement appréciée :
il s’agissait bien évidemment de la sublime Manon des Tournelles, aux yeux vert
émeraude, et à la taille si fine que lorsqu’elle portait une cuirasse, on la
prenait pour un jouvenceau et le le beau Dorian à l’épithète Le Magnifique si
bien trouvée.
Vêtus de velours grenat et parés de bijoux inestimables,
cadeau du prince, ils apparaissaient dans le cortège comme un couple princier
de contes de fées.
Le prince, quant à lui, était vêtu de soie, de dentelles et
de satin. Coiffé d’un turban surmonté par un diamant en étoile, il était l’incarnation
de la richesse orientale et l’on croyait, à le voir dans cette splendeur, que
des sirènes lui avaient apporté toutes les perles de l’océan.
Puisant dans ses coffres, il avait offert à chacun un bijou
inestimable, ce qui faisait de ces noces, les plus somptueuses que l’on puisse
concevoir.
Et naturellement le banquet des mariés fut à la hauteur de l’événement.
Les mets les plus succulents furent servis promptement et chacun y trouva son
plaisir.
Il y en avait pour tous les goûts et ce qui fut
particulièrement apprécié naquit des mains expertes des moniales, sous la
houlette de sœur Myriam.
Elles avaient façonné des pains en forme de cœur et lorsqu’ils
apparurent sur les tables, poudrés de graines de sésame, ils déclenchèrent des
vivats.
Des pâtisseries venues du fond des âges régalèrent les plus
difficiles, merveilles, pommes d’amour, couronnes de pain brioché, parfumées à
l’angélique et fourrées de fruits confits, coupes de crème à la paysanne dont
la surface tremblait tant la crème était riche…tout cela disparut comme par
enchantement.
A la fin du banquet, on chanta et l’on dansa et c’est à la nuit tombée que les mariés
purent enfin connaître leur première nuit d’amour tandis que les convives se
liaient d’amitiés ou d’amours naissantes, ce qui les emmena jusqu’aux approches
de l’aube, pour y trouver le répit dont ils avaient besoin.
Ces noces hors du commun par leur magnificence et leur
perfection, firent l’objet de maints récits où les conteurs rivalisaient de
zèle pour en faire d’inestimables joyaux.
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