Le prince venu d’orient
Dans l’immense salle de conseil du château, Blanchefleur
réunit tous les chevaliers auxquels une tulipe d’or avait été décernée et on
mit à plat tous les messages afin de décrypter leur subtil contenu.
Seule, Blanchefleur n’avait pas proposé le sien dans la
mesure où il était personnel et ne pouvait donner aucun éclairage sur l’avenir
commun de la fine fleur de la chevalerie française.
Alors que les hypothèses allaient bon train , la dame d’honneur
de la maîtresse de maison, Lilwen au teint de rose, annonça qu’une escorte
accompagnant un haut personnage, apparemment un prince si l’on en jugeait par
la richesse de ses vêtements et de ses bijoux, un faucon sur l’épaule,
demandait à l’incomparable Blanchefleur l’honneur de lui présenter ses
hommages.
Blanchefleur ordonna que l’on introduise cet hôte de marque
et elle envoya valets, écuyers et dames de compagnie pour qu’ils installent
confortablement l’escorte dans une aile du château.
La venue du prince au teint cuivré et aux manières
courtoises, subjugua la compagnie.
« ô Dame Blanchefleur, je mets à vos pieds mille et
une richesses que j’ai apportées de Bagdad, la ville merveilleuse que j’ai
quittée, juste pour vous voir car votre renom a couru sur la route de la soie
jusqu’à éclater en mon palais. On me nomme Haroun le Magnifique mais il me
semble que ce surnom pâlit au contact de votre blondeur lumineuse, de l’éclat
de vos yeux et de votre sculpturale beauté.
J’ai eu la chance de rencontrer Feu votre époux. C’était un
homme remarquable et valeureux et j’imagine que votre désespoir n’a d’égal que
cet amour immortel , pour vous, qui gisait en son cœur. Soyez magnanime et
accueillez moi, en toute simplicité, auprès de vous car il me semble qu’une
femme seule, parmi tant de preux chevaliers, peut avoir besoin, à l’occasion, d’un
soutien et d’une amitié sans faille ».
Ces paroles émurent Blanchefleur mais un nuage passa dans
ses jolis yeux, à l’évocation de l’amour immortel que lui vouait son mari.
Elle prit congé des chevaliers afin de conduire le prince
dans une suite spacieuse, préparée pour un hôte de marque, ce qui était le cas.
Lilwen fut chargée de préparer un bain au voyageur et de lui
offrir une tenue d’apparat.
La cuisinière se tint à la disposition de l’invité pour lui
concocter le meilleur plat qui puisse se trouver afin qu’il oublie la fatigue
du voyage.
Blanchefleur se rendit ensuite dans le pavillon du jardin d’amour
et elle tint à ce qu’il soit d’une propreté exemplaire.
Le prince voudrait certainement s’y rendre, pensait-elle,
afin d’y méditer à loisir.
Bouquets de fleurs, objets précieux, manuscrits enluminés
furent disposés afin de rendre les lieux dignes des fastes orientaux décrits
par son époux.
De son côté, elle regagna sa chambre, prit un bain, se
contenta d’une collation à base de brioches, de laitages et de fruits puis elle
se coucha en espérant retrouver son équilibre mis à mal par une nuit d’ivresse
sentimentale qu’elle se jurait de ne plus connaître.
Elle s’endormit et rêva de preux chevaliers, galopant avec
un étendard orné de tulipes d’or.
Loin de se douter qu’ils hantaient les rêves de leur
hôtesse, les chevaliers tentaient de trouver un sens à l’ensemble de leurs
messages et finalement, ils se mirent d’accord sur un thème plausible, la
réunion de deux mondes, l’orient et l’occident afin de ne plus avoir à
affronter des conflits sans rime ni raison.
Pour mettre un point final à une devise commune, ils
décidèrent d’attendre la venue du prince oriental au sein de leurs réunions car
il était possible que son faucon lui ait apporté une tulipe d’or porteuse de
message.
Dans cette attente, ils décidèrent de fêter l’aboutissement de leurs concertations et, en
l’absence de Blanchefleur, Florian Roze se permit de diriger les activités et
il fit venir l’écuyer de leur hôtesse qui mit en branle les cuisines et le
personnel de maison pour organiser un mémorable banquet.
Troubadours et ménestrels furent également de la partie et
ce fut un épisode chaleureux et charmant.
Puis chacun regagna sa chambre ou sa tente, selon le cas et
le château et ses environs immédiats connurent une paix appréciée par les
villageois : durant toutes les semaines et les mois destinés aux
préparatifs du bal, ils avaient souffert des allées et venues incessantes et
bruyantes pour l’organisation de cette fête
hors du commun.
Le bal de la tulipe d’or avait été un succès. A présent, il
revenait aux participants sélectionnés par le biais d’oiseaux envoyés par on ne
savait quelle divinité, de prouver que tout ce remue-ménage n’avait pas été
vain et qu’il se dessinait un avenir radieux pour leur royaume, mis à mal par d’interminables
guerres.
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