Louis le Valeureux
Au contact de Blanchefleur, Louis méritait de plus en plus
le surnom de Valeureux qu’il avait hérité de son père.
Outre sa valeur chevaleresque, notamment lors des tournois,
il développait des arts qui sommeillaient en lui.
Il écrivait et chantait fort bien. De plus, il apprit à se
servir d’instruments de musique et c’est la harpe celtique qui eut ses faveurs.
Il en fit construire une en modèle réduit afin de pouvoir l’emporter
et chanter des amours imaginaires au bord des rivières, des torrents, des lacs
et des fontaines.
Inquiète de le savoir loin d’elle et sans protection car il
voulait être seul lors de ces escapades, Blanchefleur fit construire un
pavillon de musique attenant au jardin d’amour, tant de fois aménagé et embelli
et elle lança des invitations aux musiciens les plus célèbres des royaumes
attenants.
Elle invita également des danseuses connues pour leur
incomparable talent et il en vint une au château, Dame Ornella qui avait un art
consommé de la danse du voile.
Elle apparaissait, vêtue, telle une chrysalide, de voiles
superposés et en dansant au rythme d’un tambourin, soutenu par des grelots d’or
attachés à ses chevilles, elle se défaisait de ces étoffes soyeuses et légères
en choisissant des destinataires parmi les invités admiratifs.
Le dernier voile, turquoise et or, les couleurs préférées de
Louis, fut offert au comte avec une telle délicatesse que chacun y vit un signe
d’amour.
Afin de couper court à toute idylle naissante, Blanchefleur
prit la décision d’envoyer son beau-fils au château de Florian Roze et de sa
chère Lilwen, sous prétexte d’une visite courtoise . Louis pourrait ainsi avoir
un adversaire à sa hauteur pour parfaire son adresse aux armes, Florian l’ayant
jadis terrassé en combat singulier lorsqu’il n’était encore que le chevalier
inconnu.
Il n’était qu’un tout jeune homme alors et il avait
progressé depuis : il fallait faire le point sur ses performances !
Blanchefleur prépara une malle contenant les effets du jeune
homme et elle y ajouta un costume d’apparat que le bel Eudes, son père, avait
porté le jour de ses noces.
Le damoiseau ne manqua pas de placer le voile turquoise et
or offert par la belle Ornella et qui portait encore le parfum enivrant de son
corps.
Un coffret d’ouvrages à broder, de bijoux et de dentelles,
destiné à Lilwen accompagnait cette malle contenant le nécessaire pour un
séjour prolongé.
Escorté par son écuyer et une petite troupe de cavaliers ,
Louis prit la route en direction du château de Lilwen et Florian qu’il aimait
tendrement.
Il avait le cœur léger et il avait totalement oublié Ornella
et sa danse des mille voiles.
Cette dernière était repartie, cachant son chagrin sous ses
vêtements parfumés.
Pourquoi devait-elle toujours être la belle d’un soir, se
désolait-elle et elle refoulait ses larmes pour ne pas attrister la troupe de
ménestrels et de troubadours à laquelle
elle appartenait depuis son enfance.
Lorsque les murailles du château furent en vue, Louis sentit
l’allégresse l’envahir.
De beaux combats fondés sur le code de l’honneur l’y
attendaient et il ne doutait pas que Lilwen lui prépare de jolies fêtes.
Les poètes seraient certainement de la partie et ils
chanteraient les exploits du comte Roland à Roncevaux, sonnant du cor pour
rappeler l’empereur Charlemagne.
Quant aux chansons de geste, elles n’étaient pas de reste et
les soirées promettaient d’être fabuleuses.
Il étreignit Florian chaleureusement et baisa la main de
Dame Lilwen qui attendait son troisième enfant.
Une petite Blanchefleur et un tout petit Fleur galopaient
sur la pelouse sous la surveillance de Dame Pétronille, la nourrice attitrée.
Le temps passait mais Lilwen était toujours aussi belle.
L’image d’Ornella dansant au son du tambourin s’imposa
fugitivement au souvenir de Louis mais elle fut vite dissipée par l’annonce de
festivités qui allaient être le prélude de son séjour au château.
Les jours s’envolèrent comme autant de papillons enamourés
et Louis passa allègrement de l’entraînement aux armes aux méditations et à l’écriture
dans le patio du jardin d’amour, le clou de la soirée restant un festin
toujours renouvelé, suivi d’apparitions spectaculaires parfois poétiques, sans
cesse réussies.
C’est ainsi qu’apparut celle qu’il était censé fuir, la
merveilleuse Ornella et sa danse des
mille voiles.
Subjugué et fasciné par les ondulations de son corps, Louis
sentait son cœur s’emballer et chavirer.
La nuit qui suivit cette prestation passionnée, la splendide
apparition de la danseuse s’orna de mille étoiles qui jetaient sur sa
courtepointe de jeune homme ardent, des lueurs d’argent.
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