Au Roi Lear
Caroline hésita avant de gravir les imposantes
marches du château Au Roi Lear, étape de rêve dans une Bretagne légendaire.
Sa mise était-elle suffisamment soignée ?
Elle chercha fiévreusement la caméra pour l’éviter. Une légère pression sur le
bouton réservé au personnel et le réceptionniste de nuit apparut. Il finissait
son travail, c’est pourquoi il arborait un sourire lumineux. Caroline fila à
l’office. Le plateau réservé à Mrs et Mr Evans, un jeune couple newyorkais
était déjà prêt. Elle ajouta un bouquet de roses, quelques confitures, du miel,
vérifia la température de la théière et du pot à lait, réclama deux parts de
kouign-amann puis, totalement réveillée, prit l’ascenseur de service.
A six heures trente précises, selon le souhait du
couple, elle frappa discrètement à la porte. Personne ne répondit. La porte
était entrouverte. Les Evans avaient tout prévu pour ne pas perdre de temps.
Elle entra, souriante, le plateau à la main et resta interdite : sur le
lit qui n’avait pas été défait, une jeune fille en robe longue, entourée de
lys, reposait.
Caroline posa le plateau sur une desserte, et
s’approcha de l’intruse pour constater avec horreur qu’elle ne respirait plus.
Réprimant un cri pour préserver le sommeil des clients, elle téléphona au
réceptionniste le priant d’alerter la manager de toute urgence. Après un bref
entretien téléphonique avec son employée, Philippe Béryl se rendit sur le champ
à la chambre Ophélie pour y découvrir une jolie soubrette tétanisée par la
peur.
Le médecin arrive dit calmement le boss.
Allez à l’office et prenez une pause. Ne parlez à
personne de ce que vous avez vu ici. Prétextez un malaise !
Au chevet de l’inconnue, Philippe Béryl nota sur
un carnet qui ne le quittait jamais les questions qu’il convenait de se
poser : Que faisait cette jeune fille dans la chambre des Evans ? Où
étaient ces derniers ? Inspectant le lit, il constata que les draps
n’avaient pas été froissés et que, vraisemblablement, personne n’y avait dormi.
Enfin, il se demanda pourquoi des lys blancs
avaient été déposés presque artistement autour de la jeune fille. Un souvenir
d’adolescent lui revint et il murmura :
« Sur l’onde calme et noire où dorment les
étoiles, la blanche Ophélia flotte comme un grand lys. » Ophélie de
Rimbaud en hommage à l’héroïne Shakespearienne de Hamlet ! Quelle étrange
coïncidence !
Il accueillit le médecin avec soulagement. Après
un bref examen, ce dernier conclut à la mort et au crime. La jeune fille
portait des marques de strangulation qui ne laissaient aucun doute sur
l’origine criminelle du décès. L’heure de la mort se situait entre quatre et
six heures ; l’autopsie du corps pourrait en dire plus.
Ce fut un étrange ballet Au Roi Lear, des
consignes d’extrême discrétion ayant été données. De son côté, le commissaire
Marc Dubost enrageait. Une occasion rare de se distinguer, et voilà qu’une
chute de cheval l’empêchait de voler vers une promotion inespérée.
Il dépêcha au château avec un pli justifiant son
absence le jeune inspecteur Erwan Le Dantec ; pour le seconder, les agents
Bobosse, ainsi nommé en raison d’un tour du monde à bicyclette effectué dans sa
jeunesse et Le Bihan connu pour le sérieux de son travail.
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