La tourterelle des faubourgs
Venues de la belle Aquitaine aux bastides ancrées dans les
villages pour lutter contre les ravages du Prince Noir à l’origine, les
tourterelles se sont installées dans les faubourgs des grandes villes pour
apporter la rose et l’olivier de l’espérance.
Habitués à des scènes de violences générées par des trafics
de toutes sortes, les enfants se sont d’abord amusés à les blesser en leur
lançant des projectiles mais dans la seule ville de Paris, sous la bannière d’adolescentes
hostiles à toute incursion guerrière, une jeune fille prénommée Marianne prit
la résolution de s’opposer farouchement à toute tentative meurtrière en
destination des tourterelles et ces oiseaux porteurs de paix purent enfin
nidifier sur les toits de la ville que l’on citait pour être la plus belle du
monde mais qui, paradoxalement, abritait tous les parias de la terre.
Ces derniers, heureux dans un premier temps, de pouvoir
souffler trouvèrent dans leurs rangs des personnes animées par la haine et la
soif de vengeance.
Ils s’en prirent tout d’abord aux statues qui reposaient
paisiblement dans les squares ou qui invitaient les amoureux de la République à
entrer dans les bâtiments séculaires qui avaient résisté à la barbarie nazie.
Nouveaux talibans, ces hommes et ces femmes qui arboraient
des signes distincts, maniaient la langue de Molière dans un but destructeur,
voulant infliger la honte ressentie par leurs ancêtres aux descendants de Du
Bellay, Ronsard et tous les intellectuels de la Renaissance.
On cherchait en vain des hurons voltairiens parmi ces
personnes qui faisaient de leur couleur de peau l’étendard de la révolte.
Alors les tourterelles se décidèrent à agir. Elles se
posèrent résolument sur l’épaule de ces enragés qui déployaient des banderoles
assassines et maniaient drapeaux et capuches pour aveugler les statues avant de
les abattre tandis que leurs chefs de file saisissaient un micro tendu pour
rationaliser des actes inqualifiables.
« France mère des arts des armes et des lois » de
du Bellay devint « France de tous les négriers et mère de l’injustice »
et l’on mit le grand La Fontaine en accusation pour avoir déclaré que le loup
était plus fort que l’agneau.
Alors la reine des tourterelles, Venitia, donna le signal du
départ à toute la colonie ailée qui donnait un peu de poésie à la ville que l’on
dépavait au gré des vents hostiles et tous ces oiseaux porte-bonheur mirent le
cap vers d’autres cieux, laissant la ville de Sainte Geneviève à son triste
sort.
L’une de ces divisions ailées a atterri dans mon jardin et j’offre
à ces charmants volatiles le grain dont ils ont besoin.
Par toutes sortes d’attentions, je tâche de leur faire
oublier, notamment par mon chant, les horreurs vécues dans la ville des
merveilles qui ne mérite plus ce label de beauté.
Paris, la ville des merveilles, bascule peu à peu dans la
laideur symbolisée par l’incendie de Notre Dame, le vaisseau de pierre qui
veille sur la capitale créée autour de l’île Saint Louis.
Citons la belle épigraphe de la ville « Fluctuat nec
mergitur » reprise dans la plus belle chanson de Georges Brassens, pour
illustrer la nef parisienne qui jamais ne coule et chantons L’Hirondelle du
Faubourg, la belle ritournelle mélodramatique du dix-neuvième siècle pour que
reviennent les tourterelles, appelées palombes en Aquitaine, un brin d’olivier
au bec pour présent afin que souffle le vent apaisant de la lumière !
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