Un amour de Camélia
Tous les jeunes gens du pays rêvaient de recevoir une œillade
ou un sourire de la belle Camélia dont le simple nom faisait palpiter les cœurs.
Née à l’issue d’amours tumultueuses et probablement
adultérines, Camélia avait été abandonnée sur le parvis de l’église.
Elle souriait comme un petit ange et elle était si jolie
dans son burnous brodé que le jeune prêtre qui la découvrit l’éleva dans ses
bras, à la manière des Romains, la faisant sienne.
Il la baptisa Camélia car ce jour même, le buisson de
camélias qui ornait le presbytère avait fleuri.
En grandissant, Camélia s’identifiait à ce fabuleux prénom :
son incarnat était celui de la fleur qui resplendissait dans les jardins et sur
l’autel de la Vierge.
L’abbé du bois joli, né comte de Montesquiou , s’était attaché à cette enfant
et il songeait à lui léguer le château de ses ancêtres, géré par un homme de
qualité depuis son désir de servir Dieu.
Camélia écoutait docilement les récits tirés de la Bible et
elle se passionnait pour la vie du Christ.
Néanmoins, l’abbé qui
lui servait de père, restait sobre car il ne souhaitait pas voir sa fille
bien-aimée prendre le voile et demeurer cloîtrée pour le restant de ses jours.
Enfermer une telle beauté lui semblait un sacrilège.
Confus d’avoir de telles idées sacrilèges, il assombrissait ses jours et il rendit
prématurément son âme à Dieu.
Devenue orpheline, Camélia eut la surprise de se voir
attribuer le château de Montesquiou et toutes les terres attenantes au domaine
seigneurial.
Elle s’y rendit et en découvrant ce legs, elle eut l’impression
d’y avoir toujours vécu.
Elle s’installa avec bonheur dans cet écrin de verdure et de
pierres taillées à l’ancienne. Le mobilier n’avait guère changé depuis l’époque
de d’ Artagnan.
Ce style Louis XIII lui convenait à merveille et son allure
altière lui valut spontanément le titre de comtesse par les personnes attachées
au domaine, travaillant dans les vignes et l’élaboration des vins et de l’ Armagnac.
Sa touche personnelle consista à faire ériger une statue en
l’honneur de son bienfaiteur.
Elle demanda au sculpteur de respecter ses traits tout en
lui donnant une allure digne de Saint François d’Assise qu’il aimait.
Les oiseaux adoptèrent spontanément la statue et ils s’attachèrent
d’autant plus à cet hommage de pierre, du marbre en l’occurrence, que Camélia
fit appel à de nombreux jardiniers pour encercler l’ouvrage d’art.
Une construction florale incluant une fontaine et une folie,
à la mode sous Louis XV, paracheva la beauté de l’ensemble votif.
Lorsque tous ces travaux furent achevés, le château de
Montesquiou se trouva considérablement embelli et les demandes en mariage
adressées à l’héritière fusèrent.
Fidèle à l’enseignement paternel de l’abbé, basé sur l’amour
et la charité, Camélia accepta la demande en mariage d’un jeune homme dont les
qualités humaines étaient notoires.
Ils vécurent une idylle charmante, fréquentant le jardin d’amour
conçu en l’honneur du prêtre, avant d’envisager un mariage qui fut célébré dans
la chapelle du château avec l’assentiment de tous.
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