Il est venu à moi, l’Enfant
Sauvage, l’Enfant-Loup. J’ai voulu lui effleurer la main mais il m’a tenue à
distance en déclenchant la lame de son couteau et il m’a même montré les dents !
Désespérée par cette réaction suscitée par la solitude et les mauvaises
fréquentations mais décidée à apprivoiser cet enfant perdu, je lui ai offert la
coupe de mes mains en offrande et il l’a acceptée. Il a déposé dans cette coupe
ce qui le sépare de la vie, son couteau ! Il s’enfuit mais avant de
disparaître, il m’a regardée longuement, comme s’il ne devait jamais me revoir.
Je suis rentrée à petits pas chez moi et j’ai imaginé l’effrayante demeure des
orphelins de la terre, livrés à eux-mêmes, en proie aux ténèbres, abandonnés de
tous.
Alors j’ai noirci des
pages et des pages, notant ici des soleils, là des fleurs, entrelaçant les mots
de perles fines, de parfums d’Orient, de nuages et d’immensités azurées.
J’ai écrit des jours
et des jours le roman de ces enfants livrés à la nuit et lorsque j’eus mis le
point final, j’ouvris les fenêtres, espérant le retour de mon ami, l’enfant aux
cheveux fous et au regard fauve mais il n’est pas réapparu.
La fée de la cour des
miracles m’a rendu visite et elle m’a grondée d’avoir passé tous ces longs
jours à écrire au lieu de courir sur les chemins pour sauver celui qui voulait
être apprivoisé, mon petit prince des rues, aux mille planètes détériorées.
Je suis venue au point
de la rencontre et j’ai attendu. Je n’avais pas oublié son couteau mais je l’avais
caché dans une gaine blanche semée d’étoiles, le tout reposant au beau milieu d’un
livre, le mien, le dernier, pour servir de coupe-papier.
Ô miracle ! Il est arrivé, le regard bleu, les
cheveux joliment coupés. Il avait fait une rencontre et était devenu un bel
adolescent durant cet intervalle. Je lui ai tendu le livre sans mot dire et je
suis repartie, comme j’étais venue, attendant qu’une étoile scintille et me
guide vers le prochain enfant, pour le sauver à son tour à l’aide de soleils, d’astres
blonds, de nuages et d’azur sur des cahiers d’écolier, le chemin du rêve.
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