Au fur et à mesure de
leur progression, les chevaliers se sentaient pousser des ailes tant la
désespérance de leur reine leur semblait évidente. Il n’était pas possible
qu’elle trouve le bonheur loin de son bien Aimé et de plus le ravisseur
semblait étrangement excentrique, peut-être sujet à une forme de folie.
L’itinéraire semblait
balisé par d’étranges signes, rubans ayant manifestement appartenu à Gwendoline
et même une bague superbe, une turquoise sertie dans l’or et cerclée de
diamants qu’Erwan et Vent du Sud faillirent fouler au sol, plumes d’aigles
accrochées dans les branches. Se fiant à ces éléments l’escorte progressait.
Ils arrivèrent enfin au bord d’un lac immense dont on ne distinguait pas
l’autre rive.
Loin de se décourager,
Erwan ordonna que l’on construise sur le champ de solides embarcations.
Quelques chevaliers partirent à la recherche de bûcherons et d’artisans qui se
firent fort, moyennant de belles pièces d’or, de donner naissance à de beaux
vaisseaux qui tenaient de la felouque ou du drakkar selon les compétences des
compagnons.
Erwan commanda un
bateau somptueux comprenant un édifice destiné à la parade et au repos, en
toile de lin peinte de lianes fleuries et parée de coussins et de tapis
d’Orient qu’un commerçant avait rapportés de la lointaine Shanghai.
Pour payer ce bateau
de rêve, Erwan n’hésita pas à offrir en échange des bijoux royaux qu’il
destinait à sa bien Aimée, pensant que l’épreuve terrible lui laisserait
peut-être des séquelles. Pour se remettre d’un choc, rien de tel qu’un rêve
ancré dans le réel d’un bateau glissant sur les eaux paisibles d’un lac. Erwan
était prêt à renoncer à son royaume pour revoir le sourire ourler les jolies
lèvres de la femme qu’il chérissait le plus au monde. Qu’importaient palais,
bijoux, royaumes ? S’il le fallait, Erwan lèguerait tous ses pouvoirs au
plus vaillant et au plus sage de ses chevaliers pour voguer à l’infini, avec sa
belle, sur le lac magnifique aux eaux turquoise et argent.
Tout à sa rêverie,
Erwan ressentit avec beaucoup de violence un nouveau coup du sort :
jaillissant du lac avec une projection d’écume et de boules de feu, un dragon
furieux s’élança vers le ciel, sa langue cramoisie en forme de flamme
incandescente et rougit le lac de retombées brûlantes. L’air devint
irrespirable et les artisans qui s’activaient sur les chantiers proches de la
rive s’enfuirent épouvantés.
Par mesure de
prudence, Erwan fit évacuer le site par ses troupes, déplorant que de si beaux
voiliers soient ainsi abandonnés puis il décida de contourner le lac en
espérant trouver par la suite une ouverture qui le mènerait à sa bien Aimée. La
petite escorte trotta sans état d’âme, décidée à mener sa tâche à bien et
sauver la princesse.
Erwan était résolu à aller de l’avant sans déplorer
outre mesure l’obstacle qui s’était dressé devant lui. Persuadé d’avoir affaire
à un entrelacs de sortilèges, il était décidé à résoudre un à un les problèmes
qui surgiraient au fil du chemin.
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